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mardi 14 mars 2017

Le Congrès palestinien de la réunification nationale



LE CONGRÈS PALESTINIEN DE RÉUNIFICATION NATIONALE

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

            

          A l’instar du premier Congrès sioniste, qui s’était réuni à Bâle du 29 au 31 août 1897, fondateur du projet de création d’un État juif, les Palestiniens voudraient s’en inspirer pour créer leur plan de réunification nationale. Il s’agirait d’une véritable révolution du mouvement palestinien qui entrerait alors dans une nouvelle phase constitutive. L’initiative est venue de la diaspora palestinienne, lasse des rivalités entre le Fatah et le Hamas, qui voudrait raviver son mouvement national déchiré par les luttes de clans.



Congrès de Bâle

            En s'inspirant du Congrès de Bâle, les Palestiniens veulent réunir des hommes de tous les continents et de bords différents dans le cadre d’une réunion internationale pour concrétiser leurs liens avec une patrie qui n’existe pas sur le terrain. La différence avec le congrès sioniste est grande car les Juifs étaient alors unis sur un projet commun et ils étaient déjà rassemblés. Une tentative a été lancée en février 2017 mais aucun pays arabe ne s’était précipité pour accueillir les congressistes. Seule la Turquie s’était proposée permettant à une une conférence de se tenir les 25 et 26 février 2017 à Istanbul, avec des centaines de congressistes venus de 50 pays différents.
            Le président du comité constitutionnel de ce Congrès, Hichem Abu Mahfoud, avait insisté dans son discours sur l'importance de restructurer les institutions nationales palestiniennes sur une base démocratique avec la participation de tous les Palestiniens. Le président du Congrès, Anis Kacem, avait de son côté souligné que l'Autorité Palestinienne tire sa légitimité d’Israël alors que l'OLP tire sa légitimité du peuple palestinien et qu'il est temps que ce peuple soit démocratiquement représenté dans cette organisation. L'historien palestinien, Salman Abu Settah, avait noté que les Palestiniens vivant à l'étranger ont été marginalisés : «Il est inadmissible de fermer la porte de l'OLP devant environ 7 millions palestiniens de la diaspora» ; il avait surtout critiqué la représentativité défaillante de cette Organisation ainsi que sa représentativité. 
Salman Abu Settah

            Cette réunion presque statique n’a pas débouché sur des décisions concrètes et s’est bornée à des principes face aux nombreux pays qui l’ont sabotée pour empêcher toute tentative d’apporter le changement et la liberté dans certaines régions. La cause palestinienne ne passionne plus parce que le terrorisme est présent dans beaucoup de pays arabes et que la pression de Daesh est de plus en plus forte. Alors que la mort et la destruction dominent, les problèmes politiques palestiniens sont devenus hors-sujet. Par ailleurs certains dirigeants arabes s’inquiètent de la contamination politique qui se diffuse sous prétexte de soutien à la cause palestinienne ; ils craignent l’éveil politique d’une population résignée et passive. Ils ont beaucoup d’autres problèmes à résoudre avant de poser leur regard sur une cause perdue.
            Le projet sioniste était plus consistant et plus fédérateur car les Juifs n’avaient alors pas de refuge et que seule leur terre ancestrale les attendait. Or les Palestiniens de Jordanie, du Liban et de Syrie ont fini par s’intégrer dans les pays qui les ont accueillis ; certains ont même trouvé un nouvel avenir en Europe et aux États-Unis. Le retour en Palestine n'est plus d’actualité. L’idée du retour est martelée par des dirigeants qui y croient de moins en moins et qui se servent de cette idéologie pour exister. On voit mal des universitaires, des chefs d’entreprises, des étudiants et des professionnels reconnus refaire leur vie dans un pays figé et devenu anachronique parce l’évolution n’était plus au rendez-vous et que les dirigeants palestiniens ont été gangrénés par la corruption qui a vidé les caisses censées apporter un nouvel essor à la population.
            Certes de nombreux Palestiniens de la diaspora songent à ce pays virtuel qu’ils appellent de leurs vœux mais s’ils reconnaissent un sentiment d’appartenance à la même entité, ils sont loin de répéter chaque année «l’an prochain à Jérusalem». Une très faible minorité passe à l’acte mais la grande majorité a tourné la page. Le paradoxe est que les exilés palestiniens de 1948 ne sont pas ceux qui commémorent chaque année leur Naqba parce qu'elle concerne en fait ceux qui ont fait le choix de rester.
Yasser Arafat au Caire en 1969

            Mais les Palestiniens ont eu le tort de ne pas avoir reconstruit leur mouvement national avant 1967, lorsqu’ils étaient sous juridiction jordanienne et qu’il disposait de toute la Cisjordanie. Ils ont attendu 1969, date à laquelle Yasser Arafat a été élu président de l’OLP au Caire, poussé par le président égyptien Gamal Abdel Nasser qui cherchait à sous-traiter son combat contre Israël parce que lui avait échoué. Le courage a aussi manqué aux Palestiniens de l’intérieur pour se mesurer au roi de Jordanie et à sa Légion. Seule la diaspora a été à la base de la fondation du Fatah et de l’OLP. Les Palestiniens avaient alors fréquenté les universités étrangères en Europe occidentale et aux États-Unis, ce qui leur a permis de s’organiser en associations étudiantes, en syndicats et en intellectuels, pour lancer la lutte armée.
            Mais ils n’ont pas eu le temps de mener à bien leurs travaux pour la renaissance nationale palestinienne car ils ont été stoppés dans leur élan par les Accords d’Oslo de 1993. Or ces accords ont été menés en secret sans qu’ils aient pu faire connaître leur point de vue et leurs critiques. Ils regrettent en effet de n’avoir pas pu aborder le sort des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes. Cette question a été éludée par les négociateurs en même temps que celle des réfugiés.
Accords d'Oslo

            L’Autorité palestinienne, nouvellement crée et croyant à la bonne aubaine, était pressée de prendre ses fonctions même si cela poussait de facto à l’affaiblissement de l’OLP qui n’avait plus qualité pour représenter l’ensemble des Palestiniens. L’OLP s’est progressivement transformée en une organisation lourde gangrénée par la bureaucratie. L’Autorité, de son côté, n’a réussi qu’à représenter les Palestiniens de Cisjordanie, moins ceux de Gaza et certainement pas ceux de l’étranger dont l’influence a décliné.  Ce sont ces derniers qui veulent à présent prendre le leadership du mouvement national palestinien pour établir un équilibre avec ceux de l’intérieur. On se retrouve comme du temps de la Guerre d’Algérie lorsque les rebelles de l’intérieur ont véritablement combattu l’armée française et puis se sont fait coiffer au lendemain de l’indépendance par les troupes stationnées à la frontière tunisienne.
Mounir Shafiq

            Le congrès des Palestiniens de l’étranger a organisé son comité constitutif de près de 300 personnes dont l'intellectuel palestinien Mounir Shafiq, le leader des Palestiniens en Europe Hicham Abou Mahfouz et l'historien palestinien Salman Abou Sitta. Son but est de «propulser la mobilité des Palestiniens, ce qui réalisera l'activation du rôle des Palestiniens à l'étranger pour défendre leur cause et leurs droits dans la libération de leur pays, d'y revenir, et d'établir leur État indépendant avec Jérusalem comme capitale». Les instigateurs de la réunion ne sont pas très connus. Mahmoud Abbas n’a pas réagi officiellement à ceux qui veulent lui dicter une nouvelle méthode de combat. Coupé des Palestiniens de Gaza et de ceux de l’étranger, il voit son pouvoir se réduire. Il n'est pas homme à se faire voler sa place. Ce congrès risque d’être une initiative éphémère, comme toutes les tentatives de rassemblement du peuple palestinien, parce qu'aucun leader charismatique n'a encore émergé.  


3 commentaires:

  1. Hamdellah ABRAZ13 mars 2017 à 10:29

    En effet, MR BENILLOUCHE, les Algériens de l’intérieur se sont fait flouer par les planqués de l’extérieur pratiquement avec la complicité en catimini des décideurs de Paris. C’est de l’histoire.
    Mais ce qui n’est pas de l’histoire, c’est cette comparaison entre les Algériens (intérieur et extérieur) avec ces gens-là, appelés plus tard Palestiniens. Il n’y a vraiment aucun rapprochement objectif et historique. Les Algériens furent chez eux dans cette partie d’Afrique du Nord centrale, depuis la nuit des temps… ce n’est pas le cas de ces Palestiniens !!!!! Des mouvements insurrectionnels « rébellion » , furent nombreux contre les oppresseurs/occupants (de la révolte armée de Jughurta, des Circoncellions…. à novembre 54 (et cela ne s’arrête pas encore, même après 1962)… ce n’est pas le cas de ces Palestiniens !!! Par ailleurs, ce n’est pas moi qui vais vous faire cette distinction historique profonde entre les Juifs en ISRAEL et les Français dans mon pays d’où découle ce rapport diamétralement contraire entre Algériens et Français d’un côté et entre Juifs Israéliens et Arabo/musulmans/chrétiens Palestiniens d’un autre. .
    Par ailleurs, l’on voit même, des courants dont une partie de fascho, chez moi, continuer de se gargariser de« libération » de la « Palestine occupée » à l’effet de droguer les gens afin de retarder leur prise de conscience politique de démocratie et de libertés.
    Sans ignorer certes, ce volet objectif se posant aux acteurs de ce Proche Orient qu’il faut aborder sereinement, mais autant le rappeler (indépendamment de la voix des indus occupants) que les Algériens, leur pays, leur histoire profonde et leurs luttes n’ont rien à voir avec ces gens-là, les Palestiniens.
    Cela étant, c’est toujours avec un réel plaisir que je lis vos articles très riches en information que l’on ne trouve pas ailleurs - Salutations

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  2. @ Hamdellah ABRAZ
    Vous avez bien fait ressortir la différence entre l'Algerie et la Palestine. Mais il y a un point qui rassemble les deux c'est que les juifs se trouvant en Algérie et en Palestine ont subit un rejet de la population musulmane.
    Pourtant les juifs n'étaient pas des colons. Donc pour quelle raison la révolution Algérienne n'a pas su faire la différence entre les colons et les juifs.
    Est-ce par amalgame ou tout simplement par antisémitisme.
    Merci pour votre commentaire
    Bien à vous

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  3. Mr Bernard Mayer
    L’Algérie, à l’instar des régions islamiques du monde, a subi, et continue de subir ce poison issu de l’héritage culturel provenant de l’Orient arabophone/musulman à savoir l’antisémitisme lequel fut rafraîchi en plusieurs circonstances par les « anti-Dreyfusards » locaux affiliés à la grosse colonie française. Le mouvement national dominant s’y prêtait, en catimini, à ce jeu d’antisémitisme aidé de fait par les mouvements religieux archaïques mais puissants. L’on a vu un des Mokrani, un des chefs de file de l’insurrection de 1871, fustiger le Décret Crémieux, parce permettant au Juif de disposer de la nationalité française, sortant ainsi de sa situation de dhimi et d’autochtone de seconde zone. Il est vrai semblable que l’antisémitisme fut un facteur lors des départs massifs des Juifs lambdas, car amalgamés au colon ; alors que l’on sait, l’écrasante majorité des gens (Européens) et Juifs partagent le même statut social d’une bonne partie des Algériens (citadins) à savoir de simples gens, ouvriers, employés et artisans….. La grosse colonisation européenne est la cause du malheur algérien et indirectement, les gros féodaux autochtones et la bourgeoisie citadine locale, beaucoup plus antisémites qu’anti européens. Cependant l’on n’oublie pas que les décideurs de Paris, en fait, ont soutenu et activé ce départ massif des Européens et Juifs en 1962. Il s'agit là de point de vue, d'un non-historien, cependant assez féru de l'Histoire pour me permettre d'écrire ces quelques phrases. Bien à vous.

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