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jeudi 5 janvier 2017

D'Alep à Astana par Alain PIERRET



D’ALEP  À  ASTANA

Par Alain PIERRET

Ancien Ambassadeur de France

           
Alep femmes et enfants
          Dans son tour d’horizon sur les dossiers internationaux, François Hollande a tout naturellement mentionné les massacres d’Alep ; 300.000 enfants, femmes et hommes de tous âges, victimes d’une atroce inhumanité. Ce genre de guerre civile, la France l’a aussi connu. Le siècle des Lumières nous a apporté les encyclopédistes et les savants qui accompagnèrent Bonaparte en Égypte. Mais aussi la Révolution et le régime républicain qui réprimèrent communautarisme paysan et pratique religieuse en ce qui fut le «génocide vendéen» comme le disait Leroy-Ladurie ; près de 200.000 morts.



            Le président a également souligné le prestige de nos héritages. Je viens d’en évoquer un. S’agissant de notre langue, j’ai constaté qu’au Bourget, il n’était question que de Cop (conference of parties) 21 tandis que le président concluait ses travaux devant un pupitre orné d’un large Action Day. Aurions-nous oublié que le français est avec l’anglais seule langue de travail aux Nations Unies ? D’un autre côté, pour l’Histoire et la culture, nous assistons à l’élimination du grec et du latin, nos langues historiques.

            En outre, notre président l’affirme, «la France ne laissera personne, ni aucun État, fut-il le plus grand, remettre en cause» le respect qu’inspirent ses valeurs, le crédit que sa parole lui donne. Naturellement visé par ce propos, on aimerait savoir ce que Donald Trump en pense. Et les autres «grands» ? Que disons-nous aux Chinois qui s’installent impunément en mer de Chine méridionale où les atolls annamites des Paracels furent français quelques décennies avant d’être rétrocédés au Vietnam indépendant ? Quant à Vladimir Poutine, nos contorsions doivent l’amuser plus que l’agacer.
            À propos de Russie, un mot a retenu mon attention, le Proche-Orient. Pour nous apparemment, hormis les crimes commis à Alep, rien ne s’y passe. Une vague formule sur le dialogue, sur les solutions que nous rechercherions partout, fait peut-être référence au conflit israélo-palestinien. Le grand avenir attendu de la Conférence internationale sur la paix qui doit réunir soixante-dix États à Paris dans quinze jours pour en traiter ne méritait pas un tel oubli. À moins que l’on n’en prévoit dans nos hautes sphères ce que j’ai en son temps appelé le pschitt de Laurent Fabius.

            Au même moment, Poutine se rendra à Astana afin de discuter du problème syrien. Créée il y a vingt ans, métropole d’un État cinq fois plus étendu que le nôtre, la capitale kazakh sera le siège d’une rencontre internationale d’envergure. Autre avantage, on y parle une langue d’origine turque comme celle de son organisateur.
Poutine, Erdogan, Rohani

            Autour de lui, le président russe se contentera, lui, de réunir trois participants, la Turquie d’Erdogan, l’Iran de Hassan Rohani, la Syrie de Bachar el-Assad, tous connus, à l’image du président du pays hôte, pour leur comportement démocratique. Les Occidentaux, y compris les membres permanents du Conseil de sécurité que sont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, n’ont pas été conviés.

            Comptant sur une armée dont on connaît la force depuis le coup de gueule de son chef d’État-major, notre pays n’a de toute façon nulle raison de s’inquiéter de son avenir.

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