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samedi 12 novembre 2016

Trump, la droite israélienne et les Palestiniens



TRUMP, LA DROITE ISRAÉLIENNE ET LES PALESTINIENS

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps


Une caricature des plus contestables

La droite et surtout l’extrême-droite jubilent en Israël ; il faut souhaiter qu’elles ne soient pas déçues car les promesses n’ont qu’un temps, le temps d’une campagne électorale. Benjamin Netanyahou ne s’est pas trompé puisqu’il avait misé sur le poulain de Sheldon Adelson, un des sponsors de Trump et accessoirement patron du journal gratuit Israël Hayom entièrement dévoué au premier ministre israélien. Cependant, l’expérience a déjà montré que les politiques qui arrivent au pouvoir deviennent plus prudents, plus pragmatiques et plus consensuels et rangent dans les tiroirs de l’Histoire une grande partie de leurs promesses.



Mais, pour les Israéliens, la politique à leur égard ne peut pas être pire que du temps d’Obama ; ils espèrent qu’elle sera moins favorable aux Palestiniens qui risquent d’attendre encore longtemps la création de leur État. Ils craignent uniquement que la raison d’État prime sur les contingences du moment. La victoire de Trump suscite une grande espérance au sein de la droite israélienne qui a salué à grands renforts de déclarations euphoriques le nouveau président alors que le premier ministre a fait preuve d’une certaine retenue, loin de tout triomphalisme.
Moti Yogev

La droite espère une révolution politique au Proche-Orient qui mettra fin aux accords d’Oslo et au projet de «deux États pour deux peuples». Les sionistes religieux du Foyer Juif se mettent à rêver à un développement illimité des constructions en Cisjordanie ce qui fait dire au député Moti Yogev : «Nous entrons dans une nouvelle ère et nous devons maintenant recommencer à construire dans les Territoires». Pour le leader de son parti, Naftali Bennett : «la victoire de Trump offre à Israël la chance de renoncer immédiatement à l’idée de la création d’un État palestinien».
Les dirigeants israéliens ont immédiatement réagi aux propos de Bennett en lui demandant de masquer sa joie parce qu'il allait un peu trop vite en besogne. Barack Obama est encore à la Maison Blanche et Israël ne veut pas l'inciter à prendre des mesures radicales à l'ONU. Il est de toute façon trop tôt pour se réjouir puisque les opinions de Trump sur la question ne sont toujours pas claires : «Bennett a agi pour des raisons politiques internes et non diplomatiques».
Benjamin Netanyahou ne cache cependant pas son enthousiasme : «Je suis impatient de travailler avec Trump en faveur de la sécurité, la stabilité et la paix dans notre région». Mais il est prudent et ne veut pas donner l’impression de forcer Trump à respecter ses engagements de campagne, en particulier le transfert de l’Ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem.  Il sait que la question des deux États, à laquelle il avait souscrit du bout des lèvres en 2009, se posera forcément car tous les plans et projets internationaux sont fondés sur ce principe.  
Ambassade des Etats-Unis à Tel-Aviv

Cependant un engagement de campagne n’est pas forcément un objectif réalisable, face aux réalités de la politique américaine. Le transfert de l’ambassade bute déjà sur un problème de principe puisque la communauté internationale, et les États-Unis en particulier, ne reconnaissent pas Jérusalem comme la capitale d’Israël. Le transfert passe donc d’abord par la révision de cette position internationale. D’autres présidents avant Trump avait fait cette même promesse mais ils n’ont jamais réussi à la tenir en raison des impératifs politiques internationaux.
Certes on ne peut pas trop compter sur les prises de position médiatiques lancées durant la campagne électorale qui ont pour but d’attirer l’attention ou de choquer pour marquer les esprits des électeurs. L’élection de Trump pourrait pousser à une meilleure appréciation de la politique régionale, plus réaliste et plus pragmatique. Son populisme risque d'être remisé au rayon du passé afin d’empêcher le prévisible désastre tel qu’il est dépeint aujourd’hui. Le discours isolationniste de Trump pourrait certes satisfaire de nombreux pays de la région qui ne seront plus soumis à l’interventionnisme tout azimut des précédents présidents. Trump a effectivement annoncé qu’il n’était pas prêt à verser du sang américain ni à dépenser l’argent du trésor pour protéger des populations qui refusent de se défendre ou des dictateurs qui exploitent la naïveté américaine. Il semble prêt à ouvrir les portes de plusieurs régions aux Russes qui s’empresseraient de combler le vide laissé par les Américains.
Les Palestiniens adoptent de leur côté un profil bas après le coup de massue de l’élection de Trump ; ils ont cependant tenu à féliciter le nouveau président en marquant leur inquiétude pour l’avenir du processus de paix. Ils ont entériné le virage de Donald Trump qui, au départ de la campagne, avait prévu de rester «neutre» et qui ensuite avait affirmé un soutien appuyé à Israël sur les conseils de son entourage juif en confirmant qu’il était «un soutien de toujours et un véritable ami de l’État d’Israël». L’Autorité palestinienne s’est dit «prête  à travailler avec le président élu sur la base d’une solution à deux États afin d’établir un État palestinien sur les frontières de 1967. L’instabilité continuera dans la région et dans le monde si on n’apporte pas une solution à la question palestinienne».
Moustafa Barghouti

Le Hamas ne voit pas l’avenir en rose car il est convaincu que Trump se montrera aussi anti palestinien que ses prédécesseurs : «Le peuple palestinien ne compte pas beaucoup sur un changement de la part de la présidence américaine parce que la politique américaine à l'égard de la question palestinienne constitue une politique cohérente fondée sur des préjugés». Il rejoint en cela la position de Moustafa Barghouti, député palestinien et chef du parti al-Mubadara, qui ne voit «aucune différence sérieuse entre Trump et Hillary Clinton car tous deux font partie de l’administration américaine en général et sont donc très biaisés en faveur d’Israël. Ce résultat est très clair ; il devrait signifier aux Palestiniens que nous devons utiliser des méthodes différentes qui ne dépendent pas des États-Unis pour changer l'état de la Palestine. Je crois que l'élection de Trump permettra à d'autres forces internationales de s’impliquer au Moyen-Orient, étant donné que je ne pense pas que Trump puisse jouer un rôle constructif».
Saeb Erakat

Mahmoud Abbas a exprimé l’espoir de parvenir à «la paix et la justice» pendant la présidence de Trump ; il ne peut pas se couper des Américains. Le secrétaire-général de l’OLP, Saëb Erakat, espère que la nouvelle administration soutiendra la solution de deux États, expliquant que la paix et la sécurité dans la région dépendent de «l’établissement d’un État palestinien dans les frontières de 1967».
Le porte-parole de l’Autorité palestinienne, Nabil Abou-Roudeina, a abondé dans ce sens en disant qu’il n’y aurait de paix qu’avec la légitimité internationale, ce qui détruira l’extrémisme et le chaos. Le Hamas veut que Trump réévalue la politique des États-Unis envers les Palestiniens «pour leur rendre justice» faute de quoi «la lutte palestinienne continuera à cause du parti-pris américain continu au sujet de l’occupation militaire israélienne».
          La gauche palestinienne, représentée par Tayseer Khaled, membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), prédit que les élections américaines auront toujours une incidence sur le conflit israélo-palestinien : «Nous savons que Trump est relativement plus proche d’Israël que Clinton, mais nous ne devons pas oublier non plus qu’Hillary, en tant que ministre des Affaires étrangères, nous a toujours vendu des mensonges et des illusions au cours des années, et que le démocrate Obama a accordé à Israël un contrat de 38 milliards de dollars pour les vingt prochaines années».   
Khader Adnan

Sheikh Khader Adnan, leader du Mouvement du djihad islamique en Cisjordanie, a manifesté son pessimisme en déclarant «qu’il n’attendait rien de bon pour la Palestine venant d’un président américain, puisque la politique est toujours la même et complétement partisane en faveur d’Israël».
Les institutions américaines sont telles qu’un changement radical dans la politique américaine au Moyen-Orient est peu probable dans l’immédiat car il existe un jeu puissant de pouvoirs et de contre-pouvoirs institutionnels qui limitent le rôle du président, même si le Congrès est de son bord en majorité républicain. Les Palestiniens comptent sur cette réalité pour voir leur sort atténué. La droite israélienne devra prendre son mal en patience car, comme pour un navire, le changement de cap nécessite un temps minimum de manœuvre avant de retrouver une nouvelle direction. Trump est une énigme; il est trop tôt pour la résoudre.

3 commentaires:

  1. Cher monsieur Benillouche,

    Reprenons nos esprits, laissons Marine Le Pen à sa place, celle il est vrai assurée d'être au second tour de la présidentielle française, face à on ne sait toujours pas qui, ce qui commence à ressembler à un avantage qui cependant ne justifie pas qu'elle soit comparée au Président élu de la première puissance au monde.
    Revenons donc à nos moutons !

    Quelle sera la politique israélienne des USA sous Trump ? La droite israélienne verra-t-elle les accords d'Oslo définitivement enterrés ? L'ambassade américaine sera-t-elle déménagée à Jérusalem ? Les implantations seront-elles développées ? L'aide de 38 milliards de dollars attribuée à Israël par l'administration Obama sera-t-elle entièrement honorée ?
    Voilà les questions qui aujourd'hui attendent une réponse.

    Très cordialement.

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  2. Trump a tant promis à la "working class", en désignant beaucoup de coupables, que s'ils ne tient pas ses promesses les "coupables" seront des boucs émissaires . Et il y aura la finance internationale et cosmopolite, soyez-en sûrs!
    En outre, sa campagne a exacerbé la parole raciste et crue, qui a déjà donné des avatars en France, outre Mme Le Pen, avec M. Poisson. Pour la France, afin de limiter la casse et d'éviter le FN qui désignera très vite certains groupes comme les Juifs comme coupables pour éviter d'avoir des comptes à rendre, il faut vraisemblablement avoir au deuxième tour une personnalité de droite pour assécher un possible réservoir de voix au FN.
    La parole vulgaire se libère partout, et ce n'est pas une bonne nouvelle ni pour les démocrates, ni pour les Juifs en diaspora ni pour Israël, quoiqu'en pense M. Bennett et d'autres que l'égoïsme aveugle.

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  3. Cher Monsieur Benilouche,
    Merci de vos articles et eclairages. Ne devons nous pas regretter nos propres
    divisions bien qu'amettant qu'etre "juif" inclut notre droit a la diversite. Avons nous
    encore in ideal, nous qui pendant des siecles nous nous sommes battus a cote
    des autres opprimes contre l'exclusion, pour acceder a notre emancipation et
    l'acces a notre nationalite. Si nous sommes un peuple d'esperances, alors nous devons
    accepter de la partager. La paix, le developpement, les sciences sont un capital
    que nous avons acquis et une monnaie pour reduire les distances. j'aime bien
    l'image de la porte ouverte d'abraham et celles des visiteurs qu'on ne serait renvoyer.
    Rien n'est plus difficile que la realite
    cordiament Shalom
    Jacques Rivkine

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