SHIMON PÉRÈS : LES ARABES FACE
LEUR INCOHÉRENCE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Aux
obsèques de Shimon Pérès, la surprise a été totale. Les Arabes ont boycotté ses
funérailles alors qu’ils le considéraient comme le meilleur partenaire
pour la paix. De nombreux dignitaires étrangers l’ont couvert de
louanges et fait le voyage pour saluer une dernière fois le souvenir de l’homme
qui a toujours marqué son optimisme pour la paix mais aussi son dévouement pour
l’innovation. Il s’agit
d’un manque de logique et de cohérence de la part des Arabes dont
les conséquences ne tarderont pas à se faire sentir. On ne peut pas considérer
cette décision comme irréfléchie mais plutôt comme imprudente.
Le paradoxe est encore plus grand lorsqu’on constate que les Palestiniens de «l’étranger» ont décidé de respecter le personnage en envoyant le président de l’Autorité assister aux funérailles alors que les Palestiniens de «l’intérieur», les députés arabes israéliens, se sont tous mis d’accord pour ne pas se déranger. Avigdor Lieberman avaient donc raison quand ils affirmaient que «Les Arabes israéliens qui décident que leur identité est palestinienne doivent être en mesure de renoncer à leur citoyenneté israélienne et de devenir des citoyens du futur État palestinien». D’ailleurs il rejoint en cela son slogan qu’il avait martelé à longueur de campagne électorale : «Pas de citoyenneté sans loyauté».
Le manque de respect de ces élus de la nation est flagrant et
injustifié alors qu’il s’agit d’un ancien président de l’État qui a mis le
conflit arabe au sommet de ses préoccupations. D’ordinaire, la mort efface tout mais
il n’en a rien été. Ils ont encore beaucoup à apprendre et l'on comprend pourquoi de nombreux Israéliens ne veulent pas cohabiter avec eux, les préférant loin, dans leur propre Etat. Ils ont donné des arguments à ceux qui leur dénient le droit de siéger à la Knesset.
Le député israélien et leader arabe Ayman Odeh, qui était pourtant considéré comme une voix modérée au cours de la période électorale, a justifié de ne pas avoir assisté à l'enterrement de Peres parce "qu'il sentait qu'il ne faisait pas partie de l'Histoire nationale". Les Arabes ont préféré se référer à la première partie de la vie de Shimon Pérès qui fut un nationaliste, un faucon même, parce que face au danger contre l’existence d’un État naissant, il avait tout fait pour doter son pays des armes indispensables à sa défense. Il n’était ni naïf et ni idéologue mais un pragmatique qui savait taper sur la table lorsque le danger rodait autour d’Israël.
Il a lancé effectivement l’opération «raisins de la colère» lorsqu’il a été convaincu que le Hezbollah était de plus en plus menaçant à la frontière nord. Lorsqu’il fut rassuré de la force d’Israël et de sa capacité à garantir sa survie, il a alors décidé de tendre la main à ses ennemis pour les convier à des négociations de paix. Pendant de longues années, il a consacré son énergie à parcourir le monde pour expliquer et justifier sa thèse de la paix.
Mais les pays
arabes ont voulu balayer d’un revers de main sa nouvelle attitude et, fidèles à
leur positionnement habituel, ils ont préféré ressasser les épisodes du passé
comme s’ils cherchaient à justifier une position inexplicable. L’Égypte, le
plus grand partenaire arabe, qui a des relations diplomatiques officielles
depuis 1979 et qui agit en sous-main pour une solution de paix acceptable entre
Israël et les Palestiniens, n’a pas jugé bon d’envoyer le président Abdel Fatah
al-Sissi, un allié israélien proche, pour lui rendre un dernier hommage. Elle s’est
faite représentée par son ministre des affaires étrangères. Le roi Abdallah de
Jordanie, admirateur et ami de Pérès, qui l’a souvent reçu en secret dans son
palais n’a pas fait le déplacement. Il s’est contenté d’envoyer une lettre
discrète au président Rivlin.
Le Roi du
Maroc qui a souvent reçu à Rabat Shimon Pérès, a délégué son conseiller juif
André Azoulay, l’alibi quand il s’agit de ne pas se mouiller. Certes le
président turc Recep Tayyip Erdogan a eu un contentieux grave avec lui lors du
Forum de Davos de 2009 qui a été le signe de sa volonté de déclencher la
brouille dans les relations israélo-turques. Il l’avait alors accusé de «savoir
tuer». Lui aussi a raté l’occasion de relancer le processus de
réconciliation entre Israël et la Turquie. Il est certes occupé avec les suites
du coup d’État manqué mais la désignation d’un sous-ministre des affaires étrangères
pour représenter la Turquie montre le peu d’empressement qu’il a à rétablir les
bonnes relations d’antan.
Pérès pres du premier ministre marocain Benkirane |
En revanche, après beaucoup d’hésitation et avec un certain courage, Mahmoud Abbas, malgré le mépris avec lequel il est traité par Netanyahou, a décidé de faire le voyage depuis Ramallah en devenant le seul leader arabe à assister aux funérailles. Il a mis l’intérêt de son peuple au-dessus de ses sentiments personnels. Il a ainsi réussi à pousser les dirigeants du Hamas à justifier leur acharnement contre les Israéliens. A Gaza, des dizaines d’émeutiers se sont rassemblés et ont brûlé des drapeaux israéliens, ainsi que des portraits de Netanyahou, de Pérès et du président américain Barack Obama. Aucun respect pour les morts.
Diana Buttu |
Son courage était justifié parce qu’il n’a pas fait l’unanimité
au sein de son propre parti, le Fatah. Diana Buttu qui a occupé la fonction de
porte-parole de l’OLP a justifié son attitude froide : «Peres était un
criminel de guerre impénitent et il devrait être commémoré en tant que tel».
Un autre conseiller de Abbas et membre du parlement, Jamal Tirawi craint que le
déplacement de Mahmoud Abbas aux funérailles «n’affaiblisse la stature de
l'Autorité palestinienne».
Les médias arabes ont trouvé l’occasion de ressasser de vieux griefs périmés. Ils ont rappelé son rôle dans le programme nucléaire israélien en tant que concepteur de la centrale de Dimona, sa coresponsabilité dans la campagne de Suez en 1956, son initiative dans le lancement des premières implantations en Cisjordanie et enfin la guerre du Liban de 1996. C’est ainsi que le journal 7days a annoncé sa mort : «L'histoire noire du tueur de Qana, Shimon Peres, chef de l'agression tripartite contre l'Égypte, ingénieur du réacteur de Dimona, participant aux naqba palestiniens, lanceur de l'agression contre le Liban et le berger des colonies en Palestine». Le site d’Al-Jazzera le qualifie de «meurtrier de masse qui a été couronné par le Prix Nobel».
Le contraste a été saisissant entre
les hommages des dirigeants occidentaux et africains et l’absence remarquée des leaders arabes. En marquant volontairement leur absence, les pays arabes ont
commis une faute irréversible que la droite israélienne se chargera de
l’inscrire à son actif. Il y a même une certaine ingratitude de la part des
pays sunnites qui ont renforcé récemment des liens avec Israël sur le plan de
la sécurité, du renseignement et de la coopération technologique mais qui ont
manqué de courage, comme souvent dans des évènements importants. Ils veulent bien qu'Israël les aide, mais dans l'ombre. Ils ont ainsi montré leur opportunisme. En fait, ils n’ont pas voulu se déplacer pour un
dernier hommage à celui qui représente à la fois leurs échecs et les grands
succès d’Israël.
Celui qu’on attendait le moins, Mahmoud Abbas, a été le seul à marcher dans le sens de l’Histoire. Cela explique certainement la longue poignée de mains entre lui et Netanyahou : «Je suis ravi de vous voir, cela faisait longtemps», a assuré le président de l’Autorité en anglais au chef de gouvernement israélien, avant de saluer son épouse Sara Netanyahu qui lui a textuellement dit «Mahmoud, passe à la maison». Leur dernière rencontre date en effet d’un an, lors du sommet de Paris sur le climat.
Mahmoud Abbas aime les
symboles puisqu’à ses côtés se trouvait le numéro deux de l'OLP, Saëb
Erakat, qui a participé aux négociations des accords d'Oslo. Il avait salué mercredi
la mémoire d'un «partenaire pour la paix des braves». Les Israéliens lui
ont fait l’honneur de le placer au premier rang des invités, lui donnant ainsi
un statut de chef d’État. C’était le moins que l'on pouvait faire pour un dirigeant
arabe qui a été critiqué par les siens pour s’être levé au passage du défilé
entourant le cercueil alors «que ces mêmes forces de défense israéliennes
poursuivent leurs crimes contre son peuple».
Arafat et Leila Shahid |
Quel paradoxe, quel comble, quel scandale ! Des députés élus par la population arabe israélienne qui s'affichent en représentants de la rue palestinienne...une cinquième colonne a la Knesset en somme...
RépondreSupprimerFaut dire que Bibi avec sa connerie d'aller raconter que les arabes montaient dans les bus pour aller voter avait quand même ouvert les hostilités... A force de faire sentir aux gens qu'ils sont des citoyens de seconde zone, on finit par récolter ce qu'on sème.
RépondreSupprimerC'était aussi une occasion rêvé pour Bibi de faire une déclaration historique devant le monde face à Abbas mais il a préféré parler de lui et tenté vainement de tirer la couverture à lui devant des dirigeants qui lui ont bien fait sentir qu'ils ne l'aimaient pas.
RépondreSupprimerPar leur absence remarquée aux funérailles du Président Shimon Péres, les pouvoirs et/ou représentants officiels en place dans les pays islamo-arabophones ou assimilés ont encore une fois raté le coche à se hisser au diapason du 21ème siècle. Ils auront cumulé ainsi, par ce manque de courage à assister, d’un côté leur rejet encore vif par leurs propres peuples du fait d’être toujours illégitimes car issus d’élections frauduleuses et truquées.. et d’un autre côté, le désappointement même feutré, des pays sérieux, démocratiques… fortement représentés à ces funérailles. En fait il se trouve qu’il n’y a rien de bon à tirer de ces pouvoirs ; autant souhaiter non pas un « printemps arabe » mais une « prise en main sérieuse » dont les formes les meilleures sont à trouver ; car il y va de l’avenir même de toute l’Humanité, encore freinée par tout une partie de sa population à « traîner les pieds » du fait de la mauvaise gouvernance de ses pouvoirs.
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