L’IMPOSSIBLE
DIALOGUE INTER-PALESTINIEN
Par Jacques BENILLOUCHE
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Fatah et Hamas, un temps révolu |
Elections palestiniennes |
Les premières élections
municipales depuis 2006 avaient été planifiées pour le 8 octobre 2016 mais
elles viennent d'être suspendues, chacune des parties accusant l’autre d’en être
responsable. Les deux organisations ne s’affronteront donc pas dans un combat
démocratique. La haute cour palestinienne de Ramallah a décidé de sursoir à la
tenue des élections. Deux raisons ont été avancées pour ce report : l'annulation de cinq listes du Fatah sur décision d’un
tribunal de Gaza mais aussi l’impossibilité d’organiser le scrutin à
Jérusalem-Est, annexé par Israël.
Depuis
que le Hamas a pris en 2007 le pouvoir dans la bande de Gaza, le Fatah à la
tête de l’Autorité palestinienne n’exerce son autorité que sur la Cisjordanie.
Les dernières élections municipales organisées en 2012 ne se sont déroulés
qu’en Cisjordanie puisque le Hamas les a interdites à Gaza. Les élections auraient été le
premier exercice démocratique dans les territoires palestiniens en une
décennie, mais le juge de Ramallah en a décidé autrement : «Les
élections ne peuvent avoir lieu dans un endroit et pas dans l'autre. L'élection
ne peut avoir lieu à Jérusalem et ses alentours. En outre, il y a des problèmes
avec la formation de tribunaux à Gaza».
Ce différend met en évidence les divisions juridiques et
politiques entre l’Autorité palestinienne de Cisjordanie et le Hamas qui
contrôle Gaza. Selon le porte-parole du
Fatah Oussama al-Qawasmi : «Le Hamas est entièrement responsable d’avoir déjouer
l'élection, en commençant par les pétitions injustifiées qu'il a déposées. Il a
utilisé des tribunaux privés à Gaza pour bloquer les listes du Fatah». De
son côté le Hamas, par la voix de son porte-parole, Sami Abu Zuhri, accuse le
Fatah : «La décision de la Haute Cour est politiquement motivée et elle
intervient pour sauver le Fatah après que ses listes de candidats se soient
effondrées dans un certain nombre de domaines».
Commission électorale |
Les rivaux politiques des deux organisations s’affrontent dans
une bataille de mots et d’images à travers les médias sociaux, vidéos contre
vidéos et hashtag contre hashtag. D’ailleurs l’envoi d’un missile sur Sdérot
depuis Gaza entrait dans cette propagande pour prouver que seul le Hamas
défendait la population palestinienne contre Israël. La conséquence a été
terrible puisqu’elle s’est soldée par 50 frappes contre des cibles à Gaza.
Cratère à Bet Lahya après la frappe de Tsahal |
Le Hamas est entré dans l’ère de la communication avec des vidéos mettant
en vedette des drones et présentant la bande de Gaza sous un jour idyllique en
éludant la réalité d'un chômage élevé, les coupures de courant fréquentes et la
vision des bâtiments détruits par la guerre et non reconstruits. Il masque la
réalité en montrant les nouveaux immeubles de la corniche du bord de mer, le
nouveau parc d’attractions et les travailleurs municipaux affairés ainsi que
des plages bondées.
Le Fatah a bien sûr réagi par des vidéos qui mettent en lumière
la réalité d’une décennie de domination du Hamas. Il met l’accent sur la guerre
de 2014 provoquée par les islamistes et sur le comportement de la police qui
bat les femmes dans la rue ou qui s’en prend aux salafistes d’une mosquée de
Rafah sans oublier les séquences sur la mort d’enfants palestiniens.
Hôtel de Gaza |
Les images laissent des traces qui seront difficiles à effacer. Le Fatah
veut surtout livrer la vérité. Il insiste pour démontrer que les réalisations
du Hamas sont à mettre au crédit du Fatah lorsqu’il été au pouvoir à Gaza ou au
crédit de puissances étrangères comme le Qatar ou la Turquie. Les vieilles
méthodes de propagande électorale sont révolues ; les nouvelles font plus
mal et les deux organisations n’en sont qu’au début de la lutte. L’agressivité de la campagne montre la division, qui s'exacerbe de jour en jour, de la population palestinienne. Il existe un
manque de confiance dans les deux partis qui vivent dans l’illusion qu’une
solution magique est en cours. Personne ne croit aux vidéos du Hamas qui
représentaient habituellement Gaza comme un lieu de souffrance ou une "prison à ciel ouvert" en état de
siège et qui le montrent aujourd'hui comme un paradis créé sous l’impulsion du Hamas. Seuls les
jeunes de Gaza sont conscients que ces vidéos sont un leurre car ils vivent à
Gaza et savent ce qui se passe.
La réalité de Gaza |
Compte tenu des échecs répétés au cours des neuf dernières
années de négociations, les Palestiniens sont impatients mais perdent l’espoir
de voir une réconciliation entre le Fatah et le Hamas, la seule qui pourrait
ouvrir des horizons nouveaux vis-à-vis d’Israël. Ils en arrivent à souhaiter
une ingérence étrangère pour ressouder les parties antagonistes. Le Qatar a bien essayé mais les résultats se
font attendre. La réconciliation ne peut pas réussir parce qu’il existe un
large fossé entre les fondamentalistes du Hamas islamique et la faction
politique du Fatah. Certains accusent les pressions étrangères sur l'Autorité
palestinienne pour ne pas mettre en œuvre les termes de la réconciliation. Le
25 février, dans un article du journal local Felesteen, Osama Hamdam,
responsable des relations étrangères du Hamas, avait accusé les États-Unis et
Israël de bloquer la réconciliation palestinienne tant que le Hamas n’accepte
pas les conditions du Quartet qui imposent la reconnaissance d’Israël.
Amin Maqboul à droite |
Amin Maqboul, secrétaire général du Conseil révolutionnaire
du Fatah, estime que : «le Hamas ne veut pas d’accord car il n'a pas l’intention
de remettre les rênes du pouvoir à Gaza à un gouvernement de consensus national».
Mais en fait le désaccord est profond. Le Fatah a reconnu l'État d'Israël en
1993 et a choisi la voie des négociations pour créer un État palestinien le
long des frontières de 1967. Il exerce également la coordination de la sécurité
avec Israël. Le Hamas, d'autre part, ne reconnait pas Israël et a choisi la
lutte armée pour «libérer les territoires palestiniens» en rejetant toute
coordination de la sécurité entre l'Autorité palestinienne et Israël.
Le
dialogue inter-palestinien ne pourra être renoué que si Fatah et Hamas placent
l'intérêt national au cœur de leurs intérêts personnels. Or cela ne se produira
pas de sitôt.
Sans compter les puissances étrangères dont l'UE, la France, les US et tous ceux qui se penchent avec commisération sur Gaza sans n'y rien comprendre ou qui jouent de troubles jeux... Plus les luttes des rivaux arabes, ainsi que l'Iran et la Turquie. Bref entre les rivalités locales et internationales, la réconciliation n'est pas pour demain. Quel effet sur la politique israélienne cher M. Benillouche ?
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerSans doute avez-vous raison : ce n'est pas de si tôt qu'on verra la réconciliation du Hamas et du Fatah tant ces deux entités sont soumises à leur opinion publique, globalement anti-israéliennes, est-il besoin de le rappeler ? Ce n'est donc pas demain, non plus, que l'on verra résolue la question palestinienne. Cependant il est tout de même permis de se réjouir du rôle de plus en plus important qu'Israël est appelé à jouer dans ce "nouveau Moyen-Orient" tel qu'il se dessine depuis les bouleversements que la région a subis, du fait des "printemps arabes" et aussi du lâchage de Moubarak par Obama. Ajoutez à cela l'inquiétude des pays sunnites face à l'accord sur le nucléaire iranien et voilà que bien des pays regardent l'État hébreu d'un autre oeil ! De sorte qu'il apparaît que déjà la question palestinienne ait perdu la place prépondérante qu'elle occupait il y a quelques années.
Très cordialement.ma