DES ÉLECTIONS PALESTINIENNES REPORTÉES SINE DIE
Par Jacques BENILLOUCHE
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La Haute Cour palestinienne |
Les Palestiniens n’ont pas de chance ou pas de volonté.
Ils subissent à nouveau la malédiction des élections locales qui devaient se
tenir le 8 octobre et qui finalement n’auront pas lieu. La CEC (Commission
électorale centrale) vient d’annoncer qu’il est «irréalisable» de tenir
des élections à cette date et que le calendrier doit, une fois de plus, être
chamboulé. Chacun des clans, Fatah et Hamas, a donc échafaudé des plans allant
jusqu’à envisager des élections séparées. Le Fatah tient pourtant à ses élections en
Cisjordanie tandis que le Hamas se contenterait de distribuer des postes dans
les organes locaux. Évidemment, ils s’accusent mutuellement du sabotage des
élections.
Manifestation de la gauche devant la Cour |
Ce
report des élections traduit les
atermoiements politiques du Hamas et du Fatah, alors que toute la gauche
palestinienne s’est rassemblée au sein d’un Mouvement démocratique. D’ailleurs ces
militants se sont réunis devant la Haute Cour de justice, à Ramallah le 21
septembre, pour exiger du tribunal de reconsidérer sa décision : «Les
élections ne peuvent avoir lieu à Jérusalem, ni dans ses faubourgs. Il y a par
ailleurs des problèmes avec la composition des listes à Gaza. Par conséquent,
la Cour décide que les élections n’auront pas lieu».
Cependant les arguments invoqués par les deux parties sont des alibis
discutables. Lorsque la décision d’élections a été prise, les responsables
palestiniens savaient pertinemment qu’Israël ne permettrait pas d’élections à
Jérusalem-Est. Les élections
sont aussi ajournées sine die car pour l’instant des recours sont formés sur les
listes électorales présentées par le Fatah à Gaza. Un tribunal contrôlé par le
Hamas a ainsi annulé cinq listes du Fatah dans le secteur de Khan Younes «parce
qu’elles enfreignaient la loi électorale et ne remplissaient pas les conditions
nécessaires».
Mustapha Barghouti |
En fait, les deux clans ont vu de mauvaise augure la constitution d’un
Mouvement démocratique, englobant pour la première fois toute la gauche
palestinienne (les communistes du PPP, le FPLP, le FDLP, le Fida et
l’initiative nationale de Mustafa Barghouti). Ils ne tiennent pas à lui offrir
une tribune politique avec la tenue d’élections car le Mouvement pourrait alors
jouer un rôle de plus en plus important, y compris au sein de l’OLP.
Cela a conduit à l’éventualité d’élections en Cisjordanie
sans le Hamas. Une décision de ce genre entérinerait une rupture totale qui ne
cesse de s’approfondir depuis les élections de 2007. Par ailleurs l’Autorité
palestinienne contesterait toute désignation de fonctionnaires dans les
municipalités en menaçant de supprimer les salaires versés à cet effet. Devant
le risque de perdre les élections à Gaza, elle irait jusqu’à organiser des
élections uniquement en Cisjordanie. Mahmoud Abbas est inquiet des résultats
probables à Gaza qui auraient pour conséquence de déstabiliser et de
décrédibiliser le Fatah. Il n’entrevoit aucune possibilité pour le Hamas de
participer à des élections en Cisjordanie sans Gaza.
Le président de l’Autorité est donc prêt à prendre le
risque d’entériner la séparation physique des deux entités palestiniennes même
si l’Union Européenne condamnait une telle initiative et si la Banque Mondiale gelait
les aides prévues. Ils financent en particulier la mise en place de stations
d'épuration et de réseaux de bassins d'eau de pluie ainsi que la réhabilitation
des réseaux d'eau. Ils participent aussi à des fonds d’aide pour la région. Mais
ces aides et ces financements ne sont octroyés qu’à condition que les
bénéficiaires soient simultanément en Cisjordanie et à Gaza. La seule solution
acceptable pour les deux parties reste donc le maintien des conseils locaux issus
des élections de 2007.
Rejet des eaux usées à Gaza |
Le Hamas émet des doutes sur la régularité d’élections tenues
dans la seule Cisjordanie car les services de sécurité du Fatah sont
omniprésents et omnipuissants. Il les soupçonne de collaborer avec les services
sécuritaires israéliens. Il semblerait que Mahmoud Abbas ait déjà informé le
gouvernement israélien de l’éventualité d’élections limitées à la seule Cisjordanie
parce qu’il tient à renforcer sa légitimité. Mais il prend le risque de voir le
Hamas remporter les élections à Hébron et Tulkarem où son implantation est
solide.
Mahmoud Abbas semble avoir fait le deuil de Gaza où il
prévoit une large victoire du Hamas. De ce point de vue il se distingue de
Mohamed Dahlan qui a dans ses cartons une solution pour l’ensemble des deux
territoires palestiniens, sans aggraver la crise politique palestinienne. Il a
compris que les Palestiniens sont las des querelles internes et qu’ils veulent
s’exprimer. Le retrait du dirigeant charismatique du Hamas, Khaled Mechaal,
pourrait lui ouvrir de nouvelles opportunités.
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