TERRORISME RELIGIEUX : DEUX POIDS, DEUX MESURES
Par
Alain PIERRET
Ancien
ambassadeur de France en Israël
Depuis le
massacre du 14 juillet à Nice, nos commentateurs se réfèrent volontiers à
Israël et aux mesures qu’il a prises afin de se prémunir contre la menace
terroriste. Un exemple à méditer, sinon à suivre. Lié aux attentats qui ont
endeuillé notre pays ces dernières années et notamment depuis janvier 2015, le
changement est d’importance. La tragédie du 26 à Saint-Étienne-du-Rouvray et
mes souvenirs diplomatiques en Terre sainte me conduisent à vous faire part de quelques
rappels.
Fin avril 1991,
au lendemain de la guerre du Golfe et de la rencontre «sous la tente» de
Roland Dumas avec Kadhafi, une Française de 64 ans est assassinée à proximité
de la basilique de la Nativité à Bethléem. Elias Freij, maire musulman de la
ville, et la «direction de l’OLP» dans les territoires occupés
présentent leurs condoléances au consul général de France à Jérusalem, se
refusant toutefois à condamner le terrorisme.
Chez nous, qui
s’en soucie ? Le 1er mai 1991, le grand quotidien Yediot Aharonot relève que «la France a
réagi avec indifférence». Pour The
Jerusalem Post, cet acte criminel est «le premier depuis que Bethléem
est sous administration israélienne». Selon Hatzofeh, journal du Parti national religieux, «c’est à peine si
l’on a rendu compte en France de ce meurtre. Cette morale de deux poids, deux
mesures, ne fait qu’encourager les assassins et ceux qui les envoient». Le
criminel est un Bédouin appartenant au Djihad islamiste, déjà.
Peu auparavant,
le 12 avril 1991, le rédacteur en chef d’Al
Sonnara, journal arabe de Nazareth,
avait publié une «lettre ouverte» adressée au Président de la République
déplorant la profanation de tombes dans les cimetières chrétiens de Bethléem. À
ma connaissance, elle est restée sans réponse de l’Élysée.
Ainsi, il aura
fallu l’assassinat d’un prêtre, dans son église, pour que les responsables de
l’autorité politique et de la sécurité publique prennent enfin conscience,
après un quart de siècle, des conséquences que de tels drames sont susceptibles
d’entraîner dès lors qu’ils se produisent sur notre territoire.
Membre permanent
du Conseil de sécurité de l’ONU, la France supposée grande puissance mondiale
ne prête attention aux drames que quand leur survenue et leurs conséquences
touchent le territoire national.
CFCM |
D’un autre côté,
sur C dans l’air vendredi, j’ai entendu Odon Vallet reprocher vivement à
Jacques Chirac la suppression du service militaire. Alors, que dire aussi du
refus d’inclure dans la Constitution européenne la reconnaissance de nos «racines
judéo-chrétiennes»! Il y a quelques mois l’historienne Mireille Hadas-Lebel
citait un rabbin du IIIème siècle qui assurait : «la loi du pays est la loi».
L’appel lancé par le CFCM est certes louable, courageux, mais quelques milliers
de musulmans sur plusieurs millions en France dans les églises un dimanche...,
le chemin sera encore long avant d’entendre les imams français appeler le
vendredi dans leurs mosquées à la «prière pour la France» comme le font
au chabbat les rabbins dans les synagogues.
Bruno Hussar |
Et, puisque Hillary
Clinton est à la une des médias et que je fais référence à Israël et aux Juifs,
je rappellerai un autre événement passé inaperçu chez nous. En 1970, à quelques
encablures d’Abu Gosh - encore une «anomalie» dans notre diplomatie «équilibrée»
– fut créée une petite communauté, Névé Shalom, rassemblant à parité Israéliens juifs et
musulmans. First Lady, elle y est venue le 13 décembre 1998. A ma connaissance,
aucun officiel de France ne s’y est à ce jour rendu. Bruno Hussar, fondateur
juif né au Caire, converti au catholicisme (frère dominicain) et Français, quel
symbole en ces jours dramatiques !
Ce qui me surprend c'est que personne des personnalités politiques n'est surpris de "l'omission" dans le communiqué des français musulmans ce dimanche, des attentats commis contre les juifs.
RépondreSupprimerIl est vrai que si une guerre civile se préparait, les musulmans auraient plus à craindre des français chrétiens, ne serait-ce par le nombre et l'influence, que par les français juifs qui, au fil des mois et des attentats, se préparent à quitter bien à regret mais contraints, ce qui fut longtemps pour eux la douce France.
Merci pour votre article de bon sens.
Bien cordialement
Véronique Allouche
RépondreSupprimerSelon le vieux principe : "un clou chasse l'autre", il est à noter que la réaction des media a toujours été que le massacre récent leur fait oublier le massacre plus ancien. C'est ainsi que l'égorgement de Saint-Etienne-du-Rouvray a détrôné le carnage de Nice. Mais cette fois les media ont, en plus, trouvé une sorte de remède miracle contre les terroristes : ils ne publieront plus, ni leurs noms, ni leurs portraits, et ainsi l'ennemi devenu virtuel, ne sera plus tout à fait un ennemi.
@marianne Arnaud
RépondreSupprimerTout à fait d'accord avec vous. Un attentat chasse le précédent et le place dans l'oubli. Quant aux médias, ce n'est pas en ne divulguant ni photos ni noms qu'ils intimideront qui que ce soit. C'est au contraire une bonne méthode de désinformation pour rendre l'ennemi invisible, impalpable et abstrait.
Comme l'écrivait Camus "Mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde".
Très cordialement