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samedi 20 août 2016

Le choix d'une génération d'orthodoxes ignares



LE CHOIX D'UNE GÉNÉRATION D’ORTHODOXES IGNARES

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

            

          Il est certain que le tout scientifique, en vigueur surtout en France, n’est pas la panacée. L’importance que prennent les mathématiques et la physique dans l’enseignement des Grandes Écoles peut paraître exagérée. Il est vrai aussi que les matières scientifiques sont utilisées dans plusieurs domaines, en particulier par les institutions financières qui gèrent des fonds et des patrimoines au moyen de techniques prévisionnelles bourrées de formules mathématiques.




Or en Israël, la précédente coalition gouvernementale, sous l’impulsion du centriste Yaïr Lapid, avait adopté en 2014 une loi stipulant que seules les écoles dispensant au moins 55% des matières profanes inscrites au programme de l'enseignement public pourraient recevoir des subventions de l'État. C’était un moyen de forcer la Yeshiva à donner aux élèves au moins un saupoudrage de matières non talmudiques. 
Orthodoxes à la Knesset

Cette loi devait entrer en vigueur en 2018 mais elle a été révoquée par 41 voix contre 28 à la Knesset. Pour des raisons purement électorales, la majorité parlementaire en place depuis 2015 s’est pliée aux injonctions des ministres orthodoxes qui menaçaient de quitter la coalition étriquée. La nouvelle loi confère au ministre de l'Éducation, le sioniste religieux Naftali Bennett, le pouvoir de décision sur l'attribution du financement aux écoles concernées.
Cette décision est étonnante de la part d’un ministre qui a bâti sa vie professionnelle et sa fortune personnelle sur le high-tech. Or, il cautionne une décision qui maintient les enfants dans une ignorance anachronique, qui les prive de perspectives professionnelles et qui contribue à les maintenir dans la pauvreté pour les contraindre à rester sous la coupe économique de leurs rabbins. Il est inconcevable que Benjamin Netanyahou subisse l’influence politique des deux partis ultra-orthodoxes représentant à peine 7% de la population en acceptant de détricoter une loi parlementaire.
Yeshiva de Hébron

Les écoles juives ultra-orthodoxes d'Israël resteront donc à part dans le système éducatif mais, paradoxalement, elles continueront à bénéficier de financements de l'État, même quand elles n'enseignent pas les mathématiques, les sciences ou l'anglais. Des dizaines de milliers d’enfants resteront donc ignares parce qu’ils doivent pratiquer la stricte observation de la loi juive. Le gouvernement prive au moins une génération entière de la possibilité de gagner sa vie honorablement. L’objectif non avoué est de maintenir les orthodoxes sous la dépendance des rabbins qui récoltent leurs voix en échange d’une aumône de subsistance, le seul moyen de continuer à exister en tant que parti politique.
Le gouvernement accepte de créer une catégorie de citoyens de deuxième zone, vivant dans un monde à part, puisqu’il vient aussi de proroger d’au moins six ans l’exemption du service militaire des étudiants des écoles talmudiques. Ce n’est pas rendre service à ces jeunes en les coupant de la nation parce qu’ils subissent la pression de leurs aînés. A plus de vingt ans, certains s’insurgent à présent et demandent des comptes à l’État qui leur a donné une éducation qu’ils jugent «désastreuse» en les privant d’anglais, d’équations et d’histoire naturelle.

Un ancien juif ultra-orthodoxe de 26 ans, s’est plaint de n’avoir jamais entendu parler de la théorie de l’évolution. Son rabbin lui a assuré que «ceux qui pensent que l’homme descend du singe sont assurément des singes». C’est effectivement un sujet controversé qui est rejeté par les religieux orthodoxes.  Ce jeune, qui s’est éveillé tardivement, reproche à l’État de ne pas lui avoir enseigné le monde moderne parce qu’il avait vécu, coupé du monde, dans une Yeshiva stricte à Jérusalem.
L’idéologie est appliquée à la lettre. Rien ne doit créer le doute chez les jeunes pour éviter qu’ils ne mettent en question la doctrine religieuse. Plus l’esprit est enfermé dans un univers étroit et plus le jeune est écarté du monde moderne qui risque de le pervertir. La lecture profane est interdite ; la télévision est un pêché. C’est souvent une situation irréversible; même ceux qui parviennent à échapper à l’univers de la Yeshiva ne sont plus capables d’intégrer le système universitaire israélien, certes très élitiste, en raison de leur bagage léger.
Des volontaires, ayant eu un parcours de Yeshiva, ont décidé de fonder l’association «sortis pour changer» qui dispense des cours de rattrapage aux jeunes Juifs qui décident de retourner à la civilisation. Certains veulent porter plainte contre l’État qui financent les écoles talmudiques. Il y a une certaine irresponsabilité de la part d’un gouvernement prêt à tout pour durer, jusqu’à sacrifier l’avenir scolaire et militaire de centaines de milliers de jeunes. 
L’armée est formatrice ; elle constitue un creuset où se forge la véritable identité israélienne en respectant les différentes sensibilités. Les jeunes donnent trois ans de leur vie pour défendre le pays or les étudiants de Yeshiva sont des planqués qui profitent de la religion pour échapper à Tsahal. A l'heure où de nombreux arabes rejoignent le service national par patriotisme, les jeunes juifs orthodoxes font taches. 
Shtetel

L’étude de la Torah et de ses commentaires est insuffisante pour donner un niveau intellectuel décent aux enfants éduqués dans les écoles ultra-orthodoxes. En fait le monde pour eux n’a pas changé, que ce soit la tenue noire héritée du vieux temps du Shtetel de Pologne ou l’éducation à la Yeshiva, tout concourt à empêcher une quelconque évolution. Les jeunes découvrent souvent tardivement qu’ils ont été privés de connaissances, d’esprit critique, de capacité de raisonnement, d’écriture ou de création.
Les dirigeants religieux se justifient par le besoin de se défendre contre une entreprise de laïcisation par le biais de matières profanes comme la sociologie ou la psychologie qui pervertissent les esprits. En fait, ils ne font pas confiance à leurs ouailles puisqu’ils veulent les maintenir dans un monde clos à l'abri des laïcs. On se moque des islamistes or les intégristes juifs existent aussi en Israël. Le budget de l'État devient un instrument pour la promotion des inégalités.
La conclusion revient à l’ancien ambassadeur d’Israël, Arie Avidor : «Israël consacrera cette année le chiffre record de 1,2 milliard de shekels (320 millions de dollars) au financement des études des élèves de yeshivot au-delà de l'âge de 18 ans. Parallèlement, le budget de l'enseignement non religieux sera réduit de 200 millions, ce qui risque d'imposer, entre autres, aux universités le licenciement d'enseignants et de chercheurs ainsi que la fermeture de laboratoires de recherche. C'est pour Netanyahou le prix à payer au titre des accords de coalition qu'il a contractés avec les partis ultra-orthodoxes ou, en d'autres termes, la rançon exigée par les religieux antisionistes en contrepartie de sa survie politique».

11 commentaires:

  1. Bjr, pouvez dire qu'elle est la proportion élèves "yashiva" élèves "laïques" en ce moment.
    Et est ce que les "yashiva" qui sont hors Israel font le meme enseignement ?
    Merci pour votre blog.
    Laurence

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    1. ET BIEN MOI,je suis complètement d'accord avec cet article
      Trop d'inégalités,sans compter L'EXTRÉMISME de certains
      Qui se disent religieux,mon oeil !

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  2. Texte profondément optimiste.
    La génération qui arrive semble commencer à remettre en cause le fanatisme religieux. J'espère que nous commencerons à avoir cela en France d'ici dix ans avant que le racisme des pays de passé protestant ne nous emporte dans la folie.

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  3. Emmanuel DOUBCHAK20 août 2016 à 09:07

    Il faut faire un accord avec les ultraorthodoxes: vous refusez la modernité à vos enfants, vous refusez les bases scientifiques de la modernité, alors soyez totalement en accord avec vous même et refusez tous les bienfaits thérapeutiques et médicaments, machines et allocations de l'état moderne et ses protections sociales policières et militaires.

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  4. Marianne ARNAUD20 août 2016 à 10:18

    Cher monsieur Benillouche,

    C'est bien d'essayer de secouer le cocotier. Mais sera-ce assez pour faire changer les choses dans un État qui se proclame juif ?
    La querelle de l'École qui a fortement marqué la société française - au point d'être à l'origine de l'expression les "deux France" - n'a cependant jamais concerné l'ignorance dans laquelle les élèves auraient été maintenus dans les écoles confessionnelles, dont la qualité de l'enseignement a toujours été reconnue. Elle a cependant duré de la fin du Second Empire jusqu'au XXème siècle, où en 1984 encore, on a vu des manifestations monstres dans toute la France et à Paris, contre l'instauration d'"un grand service public unifié et laïc de l'Éducation nationale", qui faisait partie de 101 propositions du candidat Mitterrand, et à laquelle il a été obligé de renoncer : vox populi, vox Dei !

    Très cordialement.

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  5. Jacques Benillouche merci pour cet article que je me suis permis de partager.

    Ce problème existe aussi en France où de plus en plus de jeunes se renferment dans les études religieuses et abandonnent les etudes laïques.

    Il faut leur rappeler que les grands penseurs comme Maimonide, Rachi, le rav Kook, Manitou avaient une vraie culture generale

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  6. la laïcité (en Israël c'est un gros mot) repose sur deux pieds: la liberté de conscience et la séparation de la chose religieuse et de l'état. En Israël, on a dit oui à la liberté de conscience et non à la suprématie de l'état démocratique sur la chose religieuse...

    résultat:
    la laïcité oscille entre un sionisme politique et démocratique qui a peur de perdre le peu de racines juives qui lui restent, et un sionisme religieux et messianique qui profite de la passivité des laïcs complexés pour conserver leur pouvoir en enfermant leurs propres enfants dans l'ignorance sectaire et la paranoïa...

    l'homme occidental a cessé de croire aux idéologies de tous bords qui les ont tant déçus... à quand la dernière émancipation de l'homme de ces terribles manipulations des âmes, ces idéologies dogmatiques et sectaires que sont les religions?

    à quand?

    Yair Lapid, ne nous abandonnez pas!

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  7. J'AJOUTERAI AU COMMENTAIRE D'ERIC GOZLAN QUE DANS LA GOLA D'AVANT LA CREATION DE L'ETAT D'ISRAEL, LA GRANDE MAJORITE DES RABINS, ASHKENAZES ET SEPHARADES, EXERCAIENT UN METIER EN PLUS DE LEUR ACTIVITE RELIGIEUSE; SEULS LES ETUDIANTS RABINIQUES LES PLUS DOUES POUVAIENT ENVISAGER UN AVENIR UNIQUEMENT DANS L'EXERCICE DE LA RELIGION; LES AUTRES SE DEVAIENT D'APPRENDRE UN METIER. CE SONT NOS AMIS LES POLITICIENS ORIENTAUX QUI ONT INVENTE, POUR LES RAISONS QUE PRECISE JACQUES BENILLOUCHE, LE STATUT PARTICULIER DES BNEI-YECHIVOT.

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  8. Véronique ALLOUCHE20 août 2016 à 12:31

    La laïcité( bien qu'Israël ne se revendique pas comme tel), ne consiste pas à combattre les religions, mais à empêcher leur influence dans l’exercice du pouvoir politique et administratif.

    Il semble que ce ne soit pas le cas en Israël.... Et de moins en moins en France.
    Bien cordialement
    Véronique Allouche

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  9. Toutes les réponses contre la yeshiva sont faites par des personnes ne possédant pas toutes les données
    Sachez que sans l'étude permanente de la Torah Israël n'existait plus

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  10. Véronique ALLOUCHE21 août 2016 à 14:39

    @anonyme
    ..... C'est surtout sans Tsahal qu'Israël n'existerait plus.....

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