MYSTÈRE SUR LA MORT DU COMMANDANT DU HEZBOLLAH
Par Jacques BENILLOUCHE
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On
ne prête qu’aux riches ; le dicton est tenace. Les medias arabes ont
annoncé ce 13 mai la mort en Syrie du commandant en chef du Hezbollah, Mustapha
Badredinne et bien sûr Israël est soupçonné d’être derrière cette élimination.
Ils accusent l’aviation israélienne de frappes aériennes à proximité de
l’aéroport international de Damas qui l’auraient touché. Tsahal n’a pas
l’habitude de commenter ce genre d’actions qui restent cependant du domaine de
ses possibilités. On ignore s’il s’agit d’un bombardement aérien, d’un missile
ou d’un tir d’artillerie. Badredinne avait souvent fait part de ses inquiétudes
puisqu’il avait dit, il y a quelques mois : «je ne reviendrai de Syrie
qu'en martyr ou en portant la bannière de la victoire». Funeste oracle. Il
a rejoint ainsi l’homme qu’il a remplacé, le commandant Imad Moughnié tombé certainement sous les coups d’Israël.
Imad Moughnie |
Mustafa
Badredinne avait été envoyé en Syrie en 2012 pour diriger le contingent du
Hezbollah. Il semble qu’un mystère entoure cette mort car un certain désarroi règne
dans la machine médiatique bien huilée du Hezbollah. D’ordinaire, Israël est immédiatement
cité comme l'habituel suspect, avec publication de vidéos à l’appui. Mais cette
fois les communicants de la milice libanaise refusent de pointer les auteurs de
l’attentat et de préciser le lieu de l’explosion. Certains la situe à la
frontière libanaise et d’autres dans la périphérie de Damas. La date même est
douteuse.
Il
est vrai qu’Israël aurait pu avoir des raisons d’éliminer le successeur de
Moughnié qui dispose d’un éloquent pedigree de chef terroriste. Il a été le maître
d’œuvre de nombreux attentats pour plusieurs commanditaires : Hezbollah, Syrie
et Iran. Il avait été arrêté au Koweït pour son implication contre les
ambassades américaine et française.
Condamné à mort, il ne dût son salut qu’à l’invasion de l’Irak en 1990. Le Tribunal international l’a ensuite
impliqué dans l’assassinat du premier ministre libanais Rafik Hariri en 2005 en
tant que «cerveau» de la planification de l'attentat.
Israël
a toujours refusé de prendre parti dans le conflit syrien mais avait toujours
menacé le Hezbollah et la Syrie en cas de transferts d’armement sophistiqué
vers le Liban. Le premier ministre, Benjamin Netanyahou, avait fait une
déclaration ferme à l’occasion de sa visite au Golan en avril 2016 : «nous
agissons lorsque nous avons besoin d'agir, y compris ici à travers la
frontière, avec des dizaines de frappes destinées à empêcher le Hezbollah
d'obtenir le renouvellement de ses armes». Cela, bien sûr, ne suffit pas à
accuser Israël.
Le gouvernement au Golan |
Mustapha
Badredinne avait fait l’objet de sanctions financières du Trésor américain pour
«son soutien actif au régime Assad et ses actions terroristes au sein du
Hezbollah». Il avait accompagné le
chef du Hezbollah Hassan Nasrallah lors de rencontres à Damas avec Bachar
Al-Assad pour discuter de la «coordination stratégique» alors que la
Syrie commençait à s'enliser dans la guerre civile. Le Trésor l’accusait aussi de
coordonner les activités militaires du Hezbollah en Syrie et d’avoir mené une
offensive contre la ville syrienne de Qousseir près de la frontière libanaise
en 2013 d'où les rebelles avaient été chassés après une violente bataille.
Chefs du Hezbollah |
Mais
pour une fois, les regards ne se portent pas sur Israël uniquement car
Badredinne avait de sérieux ennemis parmi les Iraniens et les Syriens ; il
était même en conflit ouvert avec Hassan
Nasrallah parce qu’ils divergeaient sur la stratégie à utiliser en Syrie. Il
jugeait inefficace l’aide militaire russe. Devant les énormes pertes subies par
le Hezbollah, Badredinne avait refusé de prendre part à des batailles en Syrie
et avait soulevé le principe du retrait de Syrie de ses forces pour les
transférer au Liban. Il trouvait que les missions qui lui étaient confiées
étaient disproportionnées par rapport à celles de l’armée régulière d’Assad ce
qui explique les énormes pertes au sein de ses miliciens libanais.
Badredinne
s’était plaint auprès du commandant des forces iraniennes, le général Qassem
Soleimani à qui il avait dit ses vérités sur le déroulement de la guerre en
Syrie. Cela l’aurait peut-être condamné surtout qu’il a accusé l’aviation russe
en Syrie de n’offrir que peu de soutien aux troupes au sol. C’est pourquoi il avait
anticipé son retrait en déplaçant ses troupes à la frontière libanaise pour les
mettre à l’abri. L’Iran, la Syrie et la Russie avaient donc des raisons objectives
pour se débarrasser d’un chef «défaitiste».
Qassem Soleimani |
Le
secrétaire général adjoint du Hezbollah,
cheikh Naïm Kassem, a promis de fournir les détails de l’explosion qui a
tué Badredinne. Il est en effet facile d’analyser le type d’explosif utilisé ou
les fragments de missile Mais il a déjà
désigné par avance le coupable : «Nous continuerons à combattre Israël
et les takfiristes (djihadistes). Pour nous il n'y a qu'un seul ennemi, il
s'agit d'Israël et de ses alliés». Les funérailles du chef militaire du
Hezbollah ont eu lieu le 13 mai à 17h30, à Ghobeyri dans la banlieue-sud de
Beyrouth. Des milliers de partisans du
Hezbollah ont participé à ces funérailles en scandant : «Mort à Israël,
mort à al-Saoud ». Ce n’est pas une surprise.
Cheikh Naïm Kassem |
Quelles que soient les causes de
la mort, la disparition de Badredinne sonne comme un coup dur pour le Hezbollah car il perd le plus
expérimenté de ses commandants. Ajoutée aux pertes de 1.400 miliciens, cette
situation inquiète Hassan Nasrallah qui se pose lui aussi la question de la
poursuite de sa participation militaire pour soutenir le régime de Bachar
Al-Assad. Il est certain qu’en Israël personne ne pleurera la disparition d’un
ennemi irréductible.
Le quotidien Maariv a indiqué que : «Badredinne
était l'un des premiers fondateurs de l'aile militaire du Hezbollah, il était le ministre de la sécurité du
parti. Comme dans l'assassinat de Moughnié, on peut estimer que dans ce cas également le
Hezbollah surmontera sa perte. Israël bien sûr ne regrette pas la mort de
Badredinne, qui a participé à la planification de dizaines de plans et à l'exécution d'attaques
contre Tel Aviv». Le quotidien Haaretz, prétend que «Israël
n'est pas impliqué dans l’assassinat du commandant militaire du Hezbollah en Syrie. Des signes montrent qu'Israël
n'était pas responsable de la frappe». Enfin le ministre israélien Zeev
Elkin, s'est refusé à tout commentaire au sujet de cet assassinat qu'il a seulement qualifié de «bonne nouvelle» tout en refusant
de confirmer ou d'infirmer l'implication d’Israël.
Officiel
Le Hezbollah a annoncé le 14 mai que la mort de son commandant militaire en chef, Mustafa Badredinne, en Syrie était due à un «bombardement d'artillerie mené par les groupes takfiris», en référence aux groupes djihadistes Daesh. Il s’agit surtout d’un coup symbolique pour le Hezbollah car cela entérine une défaite de plus face à Daesh. Mais l’hydre islamique dispose de plusieurs têtes interchangeables et les candidats ne manquent pas pour prendre la suite de Badredinne.
Le Hezbollah a annoncé le 14 mai que la mort de son commandant militaire en chef, Mustafa Badredinne, en Syrie était due à un «bombardement d'artillerie mené par les groupes takfiris», en référence aux groupes djihadistes Daesh. Il s’agit surtout d’un coup symbolique pour le Hezbollah car cela entérine une défaite de plus face à Daesh. Mais l’hydre islamique dispose de plusieurs têtes interchangeables et les candidats ne manquent pas pour prendre la suite de Badredinne.
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