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samedi 14 mai 2016

Le pèlerinage à la Ghriba de Djerba sans les Juifs




LE PÈLERINAGE À LA GHRIBA DE DJERBA SANS LES JUIFS

Tunisie 1/3

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps


La menace djihadiste étant très élevée, le gouvernement déconseille aux Israéliens et aux Juifs les voyages en Tunisie pour Lag Baomer. Comme tous les ans, des festivités sont prévues à Djerba du 25 au 26 mai dans la Ghriba.  Le gouvernement israélien estime que «des éléments terroristes, en particulier ceux qui sont affiliés au Djihad, continuent d'opérer en Tunisie et de commettre des attentats. Par conséquent, il y a un niveau de menace élevé contre des cibles juives». Ce n'est pas une décision politique mais sécuritaire car Djerba se trouve pratiquement à la frontière libyenne d'où passent les terroristes venant du Mali. 

La mise en garde du gouvernement israélien n’est pas fortuite. En effet huit personnes — quatre gendarmes et quatre djihadistes — ont été tuées le 11 mai en Tunisie lors de plusieurs opérations antiterroristes qui confirment la permanence du défi sécuritaire auquel doit faire face la Tunisie. Les quatre membres des forces de l’ordre ont trouvé la mort dans le gouvernorat de Tataouine, dans le sud du pays, lorsqu’un kamikaze s’est fait exploser à proximité d’une unité de la garde nationale intervenant contre un repaire d’homme armés. 

Cliquer sur la suite pour voir la vidéo sur le pélerinage de Djerba







  Selon la légende, la synagogue Ghriba a été fondée en 586 avant notre ère par des Juifs fuyant la destruction du Temple de Salomon à Jérusalem. Des milliers de pèlerins visitent les tombes des rabbins célèbres à la Ghriba là où l'une des dernières communautés juives dans le monde arabe vit encore. 
Le pèlerinage annuel à la synagogue de la Ghriba est le thermomètre de la saison touristique en Tunisie. Il marque le début des vacances et des migrations des touristes vers la Tunisie. L’île de Djerba, qui compte encore un millier de Juifs, reste la destination préférée des Européens de toutes nationalités qui recherchent l’exotisme. À la suite de la révolution, la fête avait été annulée en 2011 pour des raisons de sécurité car l’instabilité d’un régime à tendance islamique avait inquiété les Juifs. Cette année-là fut désastreuse pour Djerba qui n’a accueilli que la moitié des touristes sur le 1,2 million habituel.




L’année 2012 n’a pas été meilleure. Le 3 mai 2012, le CNS (Conseil israélien de sécurité nationale) avait déjà «déconseillé fortement» aux Israéliens de voyager en Tunisie car il craignait des risques d’attentats. Ils n’ont donc été que 300 Français et Italiens à faire le pèlerinage. Les Juifs djerbiens avaient constaté alors que le dispositif de sécurité autour de la synagogue avait été allégé et que les mesures sécuritaires n’étaient pas à la hauteur de celles imposées par le régime précédent de Ben Ali.
La vidéo qui montrait en 2012 un militant en plein centre de Tunis, l’avenue Habib Bourguiba, appelant au meurtre des Juifs avaient alors découragé ceux qui comptaient participer aux festivités annuelles. Une trentaine de Juifs avait fait le déplacement en 2012 alors que le pèlerinage attirait d’ordinaire 8.000 personnes dont plusieurs Israéliens d’origine tunisienne, venus spécialement par charters depuis Tel-Aviv. À l’image de Lourdes pour les Chrétiens, on venait brûler des cierges ou écrire des vœux sur des œufs pour obtenir la clémence du Ciel ou pour favoriser une naissance là où la science n’avait pas réussi. 

Les retombées ont été catastrophiques pour le souk où les commerçants n’avaient pas fait recette avec leurs épices orientales et leurs huiles essentielles pour le corps et le visage. Les gestionnaires de la synagogue n’avaient pas pu couvrir les frais d’entretien du bâtiment. Les hôtels étaient à moitié pleins. Mais les édiles de la ville avaient marqué leur dépit et trouvé la parade en arguant que, de toute façon, le tourisme de masse avait tendance à défigurer l’île.
Le pèlerinage à la Ghriba a lieu au 33ème jour du mois Omer. Les festivités commencent le 14 Iyar pour la commémoration de Rabbi Meïr Baal HaNess et continuent jusqu'au 18 Iyar, fête du Lag Ba'omer, jour du souvenir de Rabbi Shimon bar Yohaï. Le pèlerinage inclut une visite à la synagogue, l'aumône, des prières et la participation à l'un des deux cortèges qui ont lieu pendant les deux derniers jours du pèlerinage.
Procession

La sécurité avait été renforcée par les autorités tunisiennes qui ont compris l’importance de ce symbole pour le tourisme tunisien. Malgré les mises en garde, quelques pèlerins semblent déjà arrivés à la synagogue pour exprimer leur espoir d’un retour à la normale du rituel malgré une hausse des troubles islamistes. 
Après le massacre de 21 touristes au Bardo,  le 18 mars 2015, le gouvernement a fait fort cette année. Plus d’une douzaine de camions militaires ont été placés autour de la Ghriba. La police a installé des barrages sur la route menant à l’aéroport. Mais les pèlerins juifs semblent peu nombreux.
Protection de la synagogue

Israël avait déjà lancé l'an dernier, le 2 mai 2015, une mise en garde contre des «menaces concrètes» d'attentats anti-juifs ou anti-israéliens en Tunisie, par le biais du bureau chargé de la lutte contre le terrorisme dépendant du Premier ministre Benjamin Netanyahou. Restait à l’esprit des dirigeants israéliens l’attentat du 11 avril 2002 contre la synagogue de la Ghriba à Djerba, attribué à Al-Qaïda, qui avait fait 19 morts. Compte tenu de ces menaces, le bureau israélien de lutte contre le terrorisme déconseille de se rendre en Tunisie. Cela ne semble pas décourager quelques dizaines de Juifs à faire le voyage à Djerba mais on est loin des 8.000 pèlerins qui affluaient avant 2002.  
Attentat 2002

La Tunisie paie en fait sa position extrémiste vis-à-vis d’Israël. On l’avait toujours considérée comme un pays arabe «modéré» mais elle s’est souvent trouvée à la pointe du combat contre Israël. Certains l’interprètent comme le dépit d’avoir vu la totalité de ses Juifs la quitter alors que leur présence était souhaitée et même indispensable à l’économie du pays. Cet État arabe modéré du temps de Bourguiba n’a pas jugé utile d’imiter la Jordanie et l’Égypte en ouvrant des relations diplomatiques avec Israël avec qui il n’a aucun contentieux. Mais il se veut à la pointe du combat des Palestiniens. Les Tunisiens veulent être à leur détriment plus royalistes que le roi.
Mehdi Jomaa

Nombreux pourtant sont les Juifs tunisiens qui mettent comme condition à leur visite à Djerba la présence d’un ambassadeur israélien à Tunis, ce qui serait un signe politique fort et une assurance sécuritaire. La Tunisie, dans une attitude extrémiste, a été jusqu’à interdire à des touristes israéliens de faire escale à Tunis car cela revenait à normaliser les relations avec Israël. Peu de voix se sont élevées contre cette décision stérile qui avait trouvé une unanimité parmi les dirigeants. Le premier ministre tunisien Mehdi Jomaa avait estimé en 2014 que «La Tunisie a des principes. Nous ne voulons pas de relations avec un État raciste».
Visite de la ministre du tourisme à la synagogue
La Tunisie met un point d’honneur, comme la majorité des pays de la Ligue arabe, à rejeter toute action susceptible d'établir des relations «normales» avec l'État hébreu tant que les Palestiniens n'auront pas d'État. Mais ce n’est pas l’avis des professionnels du tourisme qui pensent que la saison touristique ne peut réussir que si le rendez-vous de la Ghriba est réussi. Les Juifs donnent en fait le «la». Le président Caïd Essebsi a voulu exprimer un signe fort vis-à-vis des Juifs pour sauver la saison de la Ghriba, et la saison touristique tout court. Mais on ne refait pas un homme. Il a organisé une opération de communication douteuse en décorant de l’Ordre de la République treize personnalités françaises, dont dix juives, sous prétexte du 60ème anniversaire de l’Indépendance, dans les salons de l’Ambassade de Tunisie à Paris, par un membre du gouvernement spécialement dépêché dans la capitale française. Il est vrai que ces personnalités ont été choisies : «en reconnaissance de leurs efforts en faveur de la consolidation des relations d’amitiés et de coopération entre la Tunisie et la France». 
Mais Caïd Essebsi, contrairement à Habib Bourguiba, haïssait Israël de tout temps. On se souvient qu'en juin 1967, durant la Guerre de Six-Jours, il avait laissé la rue aux émeutiers qui s'en étaient pris aux Juifs et à la Grande Synagogue qui a été brûlée. Durant deux jours, alors que les ministres l'exhortaient à intervenir, il n'avait pas réagi en tant que ministre de l'intérieur. Il avait l'air de vouloir régler un vieux compte. Il a fallu que Bourguiba lui-même ordonne de faire intervenir l'armée pour faire cesser les exactions. 
Essebsi interrogé par Elkabbach


Mais il est peu probable que le message soit passé auprès des Juifs parce que les dirigeants tunisiens persistent à vouloir rejeter Israël et à travers lui les Juifs dans leur ensemble. Lors d'une interview du président tunisien à l'occasion de son voyage à Paris, il avait rejeté d'un revers de main une question sur Israël, estimant que ce pays était un "pays à part". Il semble donc normal que, par solidarité avec l'État hébreu, les Juifs boudent la Tunisie. Plusieurs lieux de pèlerinage existent en Terre juive pour compenser la mystique, la superstition, le fanatisme, voire l’efficacité de la Ghriba, en particulier les tombes de Rabbi Shimon Bar Yohaï et de son fils, Rabbi Eléazar bar Rabbi Shimon, à Méron en Haute-Galilée. 
Tombeau de Bar Yohaï à Meron
  

8 commentaires:

  1. Philippe BLIAH13 mai 2016 à 08:15

    Israel est la mère des saints de nos Pères :pourquoi prendre les risques d'aller ailleurs? Par nostalgie d'un passé révolu?

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  2. L'article fait le tour de la question et il n'y a plus rien à ajouter .La Ghriba, c'est un passé révolu et les Tunisiens n'y tiennent que pour des raisons touristiques et sans aucun sentiment de respect ou d'amitié.
    Les juifs " tunes" garderont un souvenir ému . Aujourd'hui et demain, c'est ailleurs.

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  3. Abderrahman BACHA13 mai 2016 à 14:36

    Quand on lit "le Pèlerinage à la Ghriba sans les Juifs" on a l'impression, on peut comprendre , que les Autorités Tunisiennes dissuadent ou mettent les bâtons dans les roues pour que les Juifs ne puissent pas l'accomplir , alors que c'est le contraire ! Le fait que Netanayahu veuille par contre ,lui, dissuader les Juifs de s'y rendre n'est pas imputable à mon avis au manque de sécurité ,,Pour titrer après "la Ghriba sans les Juifs" ! C'est le comble ! .Je ne suis pas assez fort pour comprendre ses motivations et ses calculs .... Mais je constate déjà une chose : il fait peu cas et des sentiments spirituels de toute la communauté Juive, et de l'attachement des Juifs Tunisiens à leurs racines . Dans le communiqué on ne perçoit aucun sentiment de regret . C'est à peine si l'on ne conclut pas qu'il s'en réjouit !

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  4. On peut comprendre l'amertume de la Tunisie face à une communauté juive implantée dans le pays depuis plus de vingt siècles , souvent même autochtone et qui a préféré les chimères et le repli communautaristes à l'universalisme méditerranéen .Livré à un islam de plus en plus sectaire ,ce pays pourtant si riche en promesses a fini par sombrer dans une misère à la fois idéologique et matérielle .

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  5. Pour M.Bacha :

    Nethaniyahu a bien d'autres choses à faire que torpiller un pèlerinage à Djerba. L'Europe est pleine de synagogues abandonnées et l'Afrique du Nord également .Vilna, Salonique, Djerba...partout les juifs sont venus, ont prospéré puis ont dû partir
    Tel a été leur destin . Les pays qui les ont accueillis puis chassés n'ont souvent pas prospéré par la suite.
    La Tunisie où je suis né est un pays ami mais la hargne anti israélienne est indigne. Ses dirigeants devraient se replonger dans les discours et les textes du Combattant suprême et revoir leur position.

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  6. Michel JEFROYKIN14 mai 2016 à 20:29

    Il y a longtemps que ce veau d'or ne devrait plus exister et que les 1500 juifs restant se barrent en Israel ou ailleurs avant de se faire égorger. Sinon qu'ils ne disent pas qu'ils ne savaient pas comme les juifs allemand.Les juifs ont une très bonne mémoire pour le nom de leur 200 cousins,par pour celle de leur Histoire.

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  7. je répondrais à Michel que ce n'est pas la Tunisie qui a envoyé à la mort ses enfants de confessions juives puisque vous évoquez les allemands ! ne trafiquez pas l'Histoire c'est chose vaine : elle est là pour prouver vos mensonges ... non monsieur votre mémoire n'est pas si bonne que cela ... sa défaillance n'a d'égal que votre mépris ... les tunisiens de confession juive sont mes compatriotes et heureusement qu'ils ne pensent pas tous comme vous ...

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