UNITÉ PALESTINIENNE EN
PANNE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Hamas et Fatah lors d'un précédent accord |
Israël
n’est pas seul responsable de l’absence d’avancée dans le processus de paix
moribond. Les Palestiniens n’arrivent pas à s’entendre entre eux sur une
politique commune qui leur permettrait d’afficher un front uni face aux
Israéliens. Les discussions entre le Hamas et le Fatah, entamées à Doha le 8
février 2016, se sont poursuivies durant deux jours avec la présentation des
doléances des parties, sans résultat concret. Aucune solution n’a été trouvée
pour mettre un terme aux divisions internes qui perdurent depuis 2006. Les
pourparlers se sont interrompus dans un silence officiel sur l’avancée des
négociations.
Manifestation à Gaza |
Un
certain désenchantement régnait au sein des délégations qui ne donnaient pas
l’impression de vouloir concrétiser tant les positions, diamétralement
opposées, évoluaient peu. Les délégués, désabusés parce qu’ils sentaient avoir
perdu la confiance du peuple, ne semblaient plus avoir la foi. Cette attitude
perdure depuis la victoire du Hamas aux élections législatives de 2006, suivie
de peu par une tentative de putsch fomentée à Gaza. En effet le Fatah avait refusé le
résultat des urnes ce qui lui fit perdre toute crédibilité. Cet échec de la
prise du pouvoir du Fatah à Gaza entraîna une traque généralisée des membres du
Hamas vivant en Cisjordanie, orchestrée par l’Autorité palestinienne.
Répression du Hamas par le Fatah en Cisjordanie |
Cette
guerre, qui n’en portait pas le nom entre deux factions palestiniennes, a donné
naissance à deux instances dirigeantes dans des zones géographiques bien
définies, avec des pouvoirs dilués. Les pays arabes avaient compris que cette
situation empêchait tout règlement avec Israël qui jugeait que les
interlocuteurs s’étaient disqualifiés en raison de leur rivalité. Ils ont pesé de leur poids auprès des adversaires pour les réconcilier, en vain.
Ligue arabe |
Des accords
ont pourtant été conclus sous l’égide de plusieurs dirigeants arabes; à la
Mecque en 2007, au Caire en 2011, à Doha en 2012, à Gaza et au Caire en 2014
sans négliger la déclaration de Sanaa en 2008 et l’accord du Caire de 2012. Les
signatures des accords ont été filmées à grand renfort de flash et de sourires
mais aucun n’a résisté avec le temps.
D’ailleurs
le peuple palestinien lui-même a fini par ne plus y croire. Le Qatar,
organisateur des rencontres pour débloquer la situation, a perdu la foi dans
son rôle de médiateur alors qu’il avait tout fait pour obtenir quelques points
pragmatiques à offrir au peuple palestinien. Mais pour cela, il fallait des concessions
mutuelles parce que chacune des parties s’accrochait à ses revendications.
Passage de Rafah |
Le
Hamas est étranglé économiquement et il tient absolument à obtenir l’ouverture
permanente de la frontière avec l’Égypte pour son approvisionnement. Il a autorisé Mahmoud Abbas à former
un gouvernement d’union nationale à sa mesure et a accepté que l’Autorité
palestinienne se charge du contrôle exclusif à Rafah, sans participation du
Hamas. C’était une exigence, voire un ultimatum, de l’Égypte pour envisager l’ouverture
de la frontière avec Gaza. Le Hamas veut bien d’un accord de réconciliation mais il le conditionne à la fixation de dates précises pour les élections législatives et
présidentielle.
Pour
faire bonne mesure, le Fatah a accepté que les fonctionnaires du Hamas à Gaza
soit payés par lui et que certains puissent travailler pour l’Autorité en toute
liberté. Il sait que le Hamas n’a plus les moyens économiques de sa politique
au point d’envisager, en secret pour l’instant, des discussions avancées avec
Israël pour un cessez-le-feu de dix ans. La partition du peuple palestinien est
en bonne voie à l’image de la partition physique entre le Pakistan occidental, devenu le Pakistan, et le
Pakistan oriental devenu le Bengladesh.
Le
résultat de Doha n’est pas à la hauteur des espérances puisqu’aucune décision
ne concerne une éventuelle union nationale alors que sur le terrain tout
stagne. Les querelles de clans ne participent pas à l’avènement d’un État
palestinien indépendant dans les prochaines années et consolident l’intransigeance
de Benjamin Netanyahou. Pour de nombreux Palestiniens, l’Autorité palestinienne n’a plus de raison d’être et ils souhaitent à présent un État binational, comme du temps où Israël gérait toute la Cisjordanie, ce qui
leur donnerait au moins une plus grande liberté de circulation.
En
fait les Palestiniens ne croient plus à la fin de la rupture entre le Fatah et
le Hamas, seule condition pour modifier
la stratégie palestinienne vis-à-vis d’Israël. Pour l'instant, le temps joue en faveur d’Israël. Mais l’Union européenne se fait de plus en
plus pressante : «Ces nouveaux développements en Cisjordanie risquent de
saper la viabilité d'un futur État palestinien et d'éloigner encore un peu plus
les différentes parties». Les morts des deux côtés s’amoncellent sans
vision optimiste de l’avenir.
Aucune date de rencontre entre Mahmoud Abbas et
Khaled Mechaal n’a été planifiée, remettant aux calendes grecques tout projet d’unification
du mouvement palestinien, ce qui en dit long sur l’étendue de la brouille. D’ailleurs
des Chrétiens palestiniens de Beit Jala, rencontrés la semaine dernière, ne souhaitent
plus l’émergence d’un État palestinien. Ils entérinent ainsi la victoire des
nationalistes juifs qui excluent toute indépendance palestinienne et qui envisagent d'offrir aux Arabes 40% de la
Cisjordanie pour y installer une région autonome sans les attributs d’un État, à
savoir une armée, une frontière, une nationalité et une monnaie.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerÉtant donné le nombre de commentaires suscités par cet excellent article, ne serait-on pas en droit de se demander si vous n'avez pas, en quelque sorte, enfoncé une porte ouverte ? Car quand a-t-on vu un pays soumis à la loi islamique faire ami-ami avec un quelconque voisin ? On peut faire le tour de la Terre et on ne peut que constater que chaque fois qu'il y a eu une certaine unité de vues momentanée entre deux pays musulmans ce n'était que parce qu'ils étaient confrontés à un ennemi extérieur commun, grand ou petit Satan ! C'est ainsi que j'ai bien peur que s'il doit y avoir une unité palestinienne, elle ne pourra se faire que contre Israël.
Très cordialement.