L’IRAN VEUT FAIRE DE GAZA UN NOUVEAU SATELLITE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Al Sabirin |
L’Iran n’a
jamais abandonné ses prétentions sur Gaza ni d’ailleurs dans le reste du monde
arabe où il reste très actif. Il avait été écarté pendant l’intermède des
Frères musulmans au pouvoir en Égypte. Mais à présent que le regard se porte
vers la Syrie, il s’agit pour lui de rééditer la stratégie déjà expérimentée en
Irak en y introduisant des éléments qui lui sont fidèles. Il a réussi à
débaucher à son profit des éléments importants du djihad islamique pour
favoriser la création d’un nouveau groupe de terroristes palestiniens, intitulé
Al-Sabirin, (patience pour la victoire de la Palestine) car dans le Coran il
est écrit : «en effet, les hommes qui endurent avec patience recevront leur récompense sans compter».
Ce
mouvement a été créé le 25 mai 2014 mais est resté dans l’ombre jusqu’à ce 12
février 2016 où une bombe artisanale a visé son chef, sans faire de victime.
L’explosion a eu lieu au nord de la bande de Gaza, à Beit Lahiya, au domicile
du cheikh Hicham Salem, chef du mouvement Al-Sabirin, qui se revendique chiite
dans un territoire sunnite. Les Israéliens ont été accusés d’avoir été les
instigateurs mais il semble peu probable qu’ils aient pris l’initiative de cet
attentat. Le coupable désigné devenait le Hamas, qui évite d’entrer en conflit ouvert
avec cette nouvelle organisation, mais qui utilise les gros moyens pour atténuer
son influence. D’où cette explosion dont il serait l’auteur. À Gaza, la
population est coutumière des attentats qui ont visé, hier des cadres du Fatah
et des intérêts étrangers et aujourd’hui, le nouvel ennemi chiite.
Hicham Salem |
Hicham Salem, ex-activiste
du djihad islamique, d’obédience sunnite, a rejoint l’organisation Al-Sabirin, principalement concentrée au nord et au
centre de Gaza et dans le quartier al-Shujaiyya. Des jeunes ont été débauchés du
djihad islamique grâce aux aides financières iraniennes. Le mouvement s’inspire
de l'idéologie de Fathi Shakaki, assassiné à Malte le 26 octobre 1995. Fondateur
du Djihad islamique, il était hostile au processus de paix avec Israël, et avait
revendiqué plusieurs attentats anti-israéliens commis dans l'État hébreu. Il avait appelé à une révolution islamiste en
exprimant son admiration pour l’Iran dans son ouvrage «Khomeiny: La solution
islamique et l'alternative». Al-Sabirin cherche ouvertement à créer une
entité chiite dans la bande de Gaza qui serait une extension de l'influence de
l'Iran dans la région, en collaboration avec le Hezbollah au Liban et Ansar
Allah [Houthis] au Yémen.
Fathi Shakaki |
Le Hamas voit
d’un mauvais œil cette concurrence qui risque de lui faire perdre la mainmise
sur Gaza. C’est ainsi que le 6 Juillet, 2015, après de longues délibérations,
la direction du Hamas a décidé d’interdire le mouvement et de le dissoudre,
arguant de ses actes contre «l'idéologie et la méthodologie de la population
de Gaza». Le mouvement affirme pour sa défense vouloir lutter contre
Israël, aux côtés du Hamas et du djihad islamique et revendique la détention de
missiles Grad et Fajr fournis par l’Iran pour bombarder Israël. Les activités
d’Al-Sabirin et sa rhétorique inquiètent à présent le Hamas et le djihad
islamique palestinien qui voient beaucoup de leurs adaptes rejoindre le nouveau
mouvement plus attractif car plus agressif. L’Autorité palestinienne craint
aussi la capacité de nuisance de ce mouvement chiite qui partage avec l’Iran son
idéologie radicale. Le président Sissi d’Égypte s’inquiète de son influence au
nord du Sinaï totalement investi par des terroristes inspirés par l’Iran.
Al Sabirin |
Al-Sabirin constitue
un danger pour la paix de la région qui connaît un calme relatif, une menace
existentielle pour Israël et un facteur de déstabilisation dans tout le Moyen-Orient.
Alors que les yeux sont tournés vers d’autres horizons, la Syrie et le Yémen
par exemple, l’Iran sent évidemment que le moment est opportun pour prendre
part aux affaires intérieures des pays arabes et des musulmans. L'Iran est déjà
impliqué au Yémen, en Syrie, en Irak et au Liban.
Depuis le début de la crise
syrienne, les relations entre Téhéran, le Hamas et le Jihad islamique ont été
tendues parce l’Iran exigeait de leur part un soutien ferme à Bachar El Assad,
dans sa lutte contre l'opposition syrienne. D’ailleurs la brouille s’était
concrétisée par l'expulsion de Damas des dirigeants du Hamas et du Jihad
islamique et par l’arrêt des subventions financières. La crise économique de
Gaza a été une conséquence directe de cet abandon de l’Iran. Al-Sabirin, dont
l'emblème ressemble à celui du Hezbollah, compte au moins 400 miliciens à Gaza
qui reçoivent chacun un salaire mensuel de 300$ pour les miliciens et de 700$
pour les chefs. Cette attraction financière a aussi touché des dizaines de
miliciens du Fatah.
Le
ministre de l’intérieur du Hamas, Fathi Hamad, a fermé, le 11 mars, l’organisation caritative
iranienne, Al-Bakyat El-Salehat Society, dirigée par Hicham Salem sous prétexte
d’activités politiques. En fait l’accusation portait sur la promotion des idées
politiques iraniennes et sur la distribution de photos de Ruhollah Khomeini au
cours de ses activités caritatives. A l’occasion d’une réunion à Téhéran entre
une délégation du Hamas et le général Kassem Soleimani, chef de la force Al-Qods,
le Hamas a été accusé d’être sorti de l’axe de résistance avec l’Iran.
Selon Saleh al-Raqab, ancien ministre palestinien, a justifié que «l'Iran essaie, par le biais des organismes de bienfaisance, d'établir des succursales en Palestine comme outils avancés pour sa politique. Cela signifie que l'Iran essaie de répéter l'expérience du Hezbollah au Liban et des Houthis au Yémen. Par conséquent, les partis officiels à Gaza doivent faire preuve de prudence lors de l'octroi de permis aux organismes de bienfaisance ayant des tendances confessionnelles qui sont différentes de sunnisme pour empêcher l'Iran de s'infiltrer dans la société palestinienne».
Selon Saleh al-Raqab, ancien ministre palestinien, a justifié que «l'Iran essaie, par le biais des organismes de bienfaisance, d'établir des succursales en Palestine comme outils avancés pour sa politique. Cela signifie que l'Iran essaie de répéter l'expérience du Hezbollah au Liban et des Houthis au Yémen. Par conséquent, les partis officiels à Gaza doivent faire preuve de prudence lors de l'octroi de permis aux organismes de bienfaisance ayant des tendances confessionnelles qui sont différentes de sunnisme pour empêcher l'Iran de s'infiltrer dans la société palestinienne».
En fait le Hamas
semble avoir pris position pour un rapprochement avec l’Arabie saoudite et les États
du Golfe et il ne permettra pas à l'Iran d'avoir une influence directe dans la
bande de Gaza à travers des associations. Encore faut-il qu'il puisse freiner l'hémorragie de militants Hamas qui préfèrent l'aventure militaire chiite. Le conflit avec l’Iran est à présent
ouvert.
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