LA TUNISIE UTILISE ISRAËL COMME EXUTOIRE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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On sent que le président tunisien Caïd
Essebsi est de la vieille école, celle d’avant-guerre car il continue à
utiliser un argument usé jusqu’à la corde, celui que les pays arabes
utilisaient avant 1979. Cette école qui se sert d’Israël pour détourner l’attention de ses
administrés sur ses échecs et sur celui de ses gouvernements successifs. Ainsi,
contrairement à la majorité des pays arabes et des monarchies sunnites du
Conseil de coopération du Golfe qui ont classé le Hezbollah libanais parmi les
organisations terroristes, pour Essebsi «le Hezbollah n'est pas un groupe
terroriste. La Tunisie soutient tout travail mené par le parti libanais du
Hezbollah contre Israël».
CCG |
Pourtant le ministre tunisien de l'Intérieur
avait donné son accord au texte final du Conseil des ministres arabes de
l’intérieur, réuni à Tunis, qui reprenait la qualification de «terroriste»
adoptée par le CCG. Les ministres de l'Intérieur avaient dans ce texte condamné
«les pratiques et les actes dangereux du Hezbollah terroriste pour
déstabiliser la sécurité dans certains pays arabes». Mais le président, qui
depuis 1967 voue une haine unique à Israël, en a décidé autrement : «Le
Hezbollah est un parti de résistance nationale, membre de la coalition
gouvernementale au Liban, qui combat pour la libération du territoire libanais
de l'occupation sioniste. On ne peut pas le qualifier de parti terroriste. La
Tunisie soutient tout travail mené par le parti libanais du Hezbollah contre
Israël». Dont acte.
Au moment où de nombreux pays arabes
envisagent des relations diplomatiques avec Israël, Essebsi n’a pas compris qu’il
agit contre le cours de l’Histoire. Ce proche collaborateur de Bourguiba n'a pas hérité de sa clairvoyance en matière de politique internationale. La Tunisie utilise encore l’arme périmée du bouc
émissaire israélien pour masquer en fait la situation catastrophique actuelle du
pays.
Mustapha Khaznadar |
Jamais dans l’Histoire tunisienne pareille situation n’a été connue. Il faut
pratiquement remonter à l’époque de Mustapha Khaznadar (1817-1878) durant
laquelle la situation économique était au bord de la banqueroute et la
situation sociale à la veille d’une explosion populaire. Cela conduisit le pays à un protectorat français. Les conséquences de cette nouvelle crise feront de la révolution de 2011 une péripétie de pacotille face aux troubles
qui se préparent. La Tunisie, après avoir perdu son âme, risque de perdre sa
souveraineté.
Tout tourne mal au point que la
population regrette à présent l’ancien régime et serait satisfaite du retour de
Ben Ali. L’endettement a atteint 60% alors qu’avant la révolution il était de
34%. Le chômage touche à présent un millions d’habitants, sur une population totale de 11 millions, dont 350.000 diplômés
alors qu’il n’était que de 400.000 en 2010. Pour le résorber, l’État recrute
dans la fonction publique qui a atteint 15% des emplois, chiffre jamais
atteint, ce qui entraîne une augmentation continue des dépenses publiques.
L’inflation dépasse 10% avec comme conséquence la mise en place de la planche à
billets par la Banque de Tunisie. Les attaques terroristes ont tétanisé l’armée
qui s’embourbe dans l’échec tandis que la classe politique surfe sur la
corruption. De véritables gangs d’hommes d’affaires et de responsables
politiques profitent de la situation de chaos pour faire main basse sur des zones
boisées appartenant à l’État afin d’y construire illégalement des bâtiments après la
suppression de milliers d’arbres forestiers.
C’est le résultat de la politique
Essebsi qui n’a fait que poursuivre celle néfaste entamée par les islamistes arrivés au pouvoir
avec la révolution. La Tunisie souffre de n’avoir pas trouvé de leader
compétent qui serve les intérêts du pays et non ceux d’un clan. Un début
d’anarchie se profile, avec à la clef une probable guerre civile. On a d’abord
agité le danger de Daesh, en vain, mais à présent on fustige Israël. Le parti
au pouvoir Nidaa Tounes s’est offert à son concurrent, le parti islamiste
Ennahda, avec la certitude que Nidaa Tounes disparaîtra très vite de l'horizon politique faute de cadres actifs. La révolution a été détournée
et les partis modernes ont succombé à une guerre de chefs qui les a rendus
stériles. Même des élections anticipées ne régleront rien. Le feu couve dans
les provinces parce que la situation empire.
Le président de la République vient
donc de tirer sa dernière cartouche contre Israël. Elle va certainement rater
sa cible mais cela ne l’exonère pas de sa responsabilité dans la mauvaise
conduite du pays. Il a usé la vieille technique arabe d’antan totalement
obsolète. Au lieu de délivrer un message fort à son peuple, il fait un coup de
communication anti sioniste pour tenter de rassembler son peuple autour d’un
sujet qui fait consensus. La pays a besoin de solutions pragmatiques, il lui
propose de se lier à un parti mystique qui attend tout de Dieu et rien des
hommes. On se demande s’il ne s’agit pas d’un appel du pied pour laisser entrer
l’Iran en Tunisie en échange d’une bouffée économique. Pourtant, les pays du Golfe sont plus susceptibles d’aider
financièrement la Tunisie que les pays et les satellites chiites. Le ministre
des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui a été chargé d’éteindre l’incendie à
la télévision pour expliquer des décisions controversées. Ce ministre avait eu le privilège d'être le premier diplomate tunisien à Tel-Aviv, dans une autre vie.
Khemaies Jhinaoui |
L’explication donnée par certains
est puérile. La Tunisie était redevable au Hezbollah qui lui avait permis en juillet 2008
de récupérer les dépouilles de Tunisiens lors d’un échange avec
Israël. En effet, huit combattants tunisiens, qui s'étaient joints au Hezbollah, avaient trouvé la mort dans différentes opérations menées contre Israël. Mais ce n’est pas en fustigeant Israël que le tourisme tunisien reprendra
des couleurs, a fortiori lorsqu’il est boudé par les centaines de milliers de
Juifs originaires, éparpillés à travers le monde. La Tunisie montre ainsi qu'Israël ne figure pas dans sa stratégie politique internationale.
Et une fois de plus le printemps arabe nous dévoile sa grande réussite, tant appréciée dans ce pays devenu démocratique et tellement different des autres pays arabes.
RépondreSupprimerBelles désillusions des rêveurs !!
Jacques vous auriez dû reprendre les articles lus sur votre blog, de la part de chroniqueurs et lecteurs aveuglés par une vision de la Tunisie faussée par les temps heureux de la "colonisation".