LE DÉFI DES ÉLECTIONS DU
26 FÉVRIER EN IRAN
Par Jacques BENILLOUCHE
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Majles |
Les élections législatives du 26 Février 2016 ont pour but d’élire les 290 membres de l’Assemblée consultative islamique, le Parlement iranien (Majles), qui resteront en fonction jusqu’au 3 mai 2020. L’un des sièges est automatiquement réservé à un Juif. Pour la première fois, ces élections permettront aussi de désigner simultanément les membres de l’Assemblée des Experts composée de 86 membres religieux élus pour 8 ans.
Assemblée des experts |
L'Assemblée des Experts élit le Guide de la révolution et détient le pouvoir, théoriquement, de le démettre de ses fonctions, mais elle est très peu sollicitée dans ce rôle en raison du mandat à vie dont dispose le chef de l'État iranien. Les candidatures à l’assemblée des Experts sont examinées par le Conseil des Gardiens de la Constitution. Ce Conseil, qui correspond en France au Conseil constitutionnel est composé de 12 membres désignés pour six ans : 6 religieux nommés par le Guide Suprême et 6 juristes élus par le Parlement iranien sur proposition du pouvoir judiciaire dépendant du Guide. Ces deux institutions sont dominées par les ultra Conservateurs.
Les candidats ne sont pas forcément monocolores sous prétexte qu’ils
font partie de l’élite religieuse. Il existe de nombreuses divergences au sein
des responsables politiques. D’ailleurs les élections ont lieu au lendemain de
l’accord nucléaire signé avec les Américains durant lequel le débat a été chaud
entre les différents clans. La nouvelle donne de l’accord influera certainement
sur la physionomie finale du parlement qui verra s’affronter les partisans du
président Rohani, présenté comme modéré, et les conservateurs.
Depuis son élection en 2013, Hassan Rohani a perdu de nombreux soutiens car il n’a pas respecté son engagement de renforcer les libertés individuelles. En effet, il a dû engager un marchandage avec le Guide suprême Ali Khamenei qui n’a accepté la signature de l’accord sur le nucléaire qu’en échange du renoncement du président à démocratiser l’Iran.
Depuis son élection en 2013, Hassan Rohani a perdu de nombreux soutiens car il n’a pas respecté son engagement de renforcer les libertés individuelles. En effet, il a dû engager un marchandage avec le Guide suprême Ali Khamenei qui n’a accepté la signature de l’accord sur le nucléaire qu’en échange du renoncement du président à démocratiser l’Iran.
Bien
sûr Rohani s’est trouvé renforcé par cet accord, à la fois vis-à-vis de l’Occident,
mais aussi sur le plan intérieur. Il a cependant les bras liés au Parlement
face aux Conservateurs qui y détiennent la majorité. D’où l’importance de ces
élections qui pourraient déplacer le curseur, en particulier en ce qui concerne
la position de l’Iran dans les conflits de Syrie, d’Irak et du Yémen. Pour
l’instant les Pasdarans imposent leur vue dans les relations conflictuelles
avec l’Arabie saoudite et avec le Liban par Hezbollah interposé.
Il
n’est pas certain que Rohani puisse à nouveau rallier les modérés et les réformateurs qui n’avaient pas leur propre candidat à la
présidentielle. Mais il peut compter sur les conservateurs pragmatiques,
inquiets de la tournure trop dure du régime, bien qu'ils ne soient pas encore prêts à
accepter toutes les réformes.
Ali Khamenei |
Ces
élections auront un impact limité sur la politique qui sera suivie car les
décisions sont entre les mains du Guide suprême qui n’envisage nullement une
quelconque ouverture politique à l’intérieur du pays avec le risque de le
pousser vers une occidentalisation. Mais
si le nouveau parlement s’affiche plus réformateur, il est probable que le
Guide suprême sera amené à lâcher du lest. Compte tenu de la structure fermée du
régime, le Majles aura peu de latitude pour voter des lois libérales qui seraient de toute façon bloquées par
le Conseil des Gardiens qui veille à l’immobilisme du pouvoir.
Or
Rohani, après avoir réglé le volet international, doit apporter des changements
sur le plan interne pour redresser l’économie en créant des emplois et en
faisant venir des investisseurs occidentaux. Ceux qui
l’ont élu commencent à s’impatienter car ils n’ont vu aucune évolution dans
leur vie quotidienne. Il avait aussi
promis aux femmes de nouveaux droits. Or elles continuent à être les
oubliées de la révolution. Sur 6.229 candidats au Parlement seules 586 femmes figurent sur les listes tandis qu’à l’Assemblée des Experts, aucune femme n’est candidate.
Kassem Soleimani |
Le
pouvoir militaire est entre les mains des Gardiens de la révolution, le bras
armé du régime qui décide de la politique dans la région. Le Major Général
Kassem Soleimani, qui est à la tête de la Force Al-Qods, groupe secret
d'intervention extra territoriale, a remodelé le paysage chiite au
Moyen-Orient. C’est lui qui a créé la branche armée du Hezbollah libanais et
qui, fin 2012, a engagé ses forces armées
dans le conflit syrien. Il est passé au front irakien en 2014 en participant au
siège d'Amerli, à la bataille d'Al-Anbar, à la bataille de Baïji et à la bataille
de Tikrit. Sa popularité est si grande en Iran que le président est forcé de
composer avec lui. Mais depuis que l’Iran a été admis dans le concert des
nations occidentales, Rohani ne désespère pas d’imposer une approche plus diplomatique
dans tous ces conflits. Pour preuve, la participation de l’Iran aux
négociations sur la Syrie. Il sait aussi que l’avenir de l’Iran passe par une
collaboration pacifique avec l’Arabie saoudite.
L’élection
des membres de l’Assemblée des Experts n’aura aucune incidence immédiate tant
qu’Ali Khamenei est en vie. A 77 ans, on le dit malade du cancer. C’est cette
assemblée élue pour huit ans qui aura la charge de désigner son successeur le
jour où il disparaîtra. Mais sa mort ne changera rien car le système est bloqué. Tous les candidats modérés ont été écartés pour que le remplaçant
marche dans ses pas. Mais les modérés ne désespèrent pas d’infléchir la
composition de cette assemblée pour pouvoir peser lors de la désignation du
prochain Guide Suprême. Hassan Rohani et l’ancien président Akbar Hashemi
Rafsandjani sont d’ailleurs candidats à cette assemblée.
Ces
élections sont bien verrouillées ; les grandes figures réformatrices ont
été écartées mais il peut y avoir des surprises car des modérés ont intégré des
listes et comptent sur une participation massive pour enlever des sièges. Cependant
les Gardiens de la révolution veillent et peuvent, soit faire pression sur les
candidats, soit manipuler le scrutin pour obtenir le bon résultat au profit de
vieux candidats qui s’accrochent à leurs sièges alors que 70% des Iraniens ont
moins de 40 ans. Un seul espoir anime cependant les Iraniens. Pour eux, il est
difficile d’aller contre le vent du changement qui secoue le pays et la région. Les modérés
pourraient créer la surprise.
Le pouvoir modéré rajoutera peut être un deuxième siège pour un juif, et certainement un siège pour une femme !!
RépondreSupprimerArretons de dissocier le peuple du pouvoir, le peuple a les dirigeants qu'il mérite.
Bernard Meyer