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dimanche 10 janvier 2016

Juifs et Arabes israéliens : La rupture



JUIFS ET ARABES ISRAÉLIENS : LA RUPTURE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

            

          L’attentat de Tel-Aviv sonne le glas des bonnes relations entre les communautés arabes et juives d’Israël. Jusqu’alors les attentats de Jérusalem et des territoires étaient perpétrés par des Palestiniens ne disposant pas de la nationalité israélienne. Ce n’est plus le cas avec le tueur de Tel-Aviv qui était complétement intégré et qui travaillait dans le quartier nord à Ramat-Aviv. Les optimistes et les rêveurs risquent de déchanter et ils trouveront avec recul la justesse de l’expression d’Avigdor Lieberman : «Il n’y a pas de citoyenneté sans loyauté».



Ouvriers arabes

            Les Israéliens verront dorénavant d’un autre œil les travailleurs arabes des cafés, des restaurants et des magasins d’alimentation ainsi que ceux des pharmacies alors que certaines femmes arabes arborent le hijab à la caisse des supermarchés ou dans les amphithéâtres de l’Université. Ces Arabes font partie du paysage naturel du pays, comme preuve de l’intégration des communautés minoritaires. Ils représentent l’honneur d’Israël qui a banni de sa politique un quelconque apartheid.
            Mais en raison des assassinats de Juifs, la cohabitation est devenue fragile, surtout après les appels à la grève lancés par les leaders arabes israéliens. La communauté arabe, dont les membres détiennent sans exclusive la citoyenneté israélienne,  représente 1,7 million d’âmes, dont 170.000 Chrétiens et 130.000 Druzes, soit environ 20% de la population. Près de la moitié vit au nord du pays dans des régions à forte majorité arabe tandis que les autres sont répartis dans des villes à majorité juive, essentiellement Jérusalem, Haïfa, Tel-Aviv et Jaffa. Les Bédouins, 4% des Arabes, vivent au Néguev. À l’exception du service militaire auquel les Arabes ne sont pas astreints, ils disposent des mêmes droits que les autres Israéliens bien qu’ils s’estiment victimes de discrimination.
Etudiante arabe diplômée du Technion

            Il est vrai que la plupart des postes d’ingénieurs leur sont fermés car les grandes industries développent des projets sécuritaires pour l’armée, imposant l’embauche exclusive de salariés ayant fait leur service militaire, ce qui n'est pas le cas des Arabes. Mais ils bénéficient d’une discrimination positive pour les études médicales qui leur ouvrent de nombreux postes dans les hôpitaux et dans les pharmacies.  Il est vrai aussi que les Arabes sont majoritaires dans les postes peu qualifiés et dans les travaux difficiles, du bâtiment en particulier. La raison est essentiellement éducative. En refusant de mettre leurs enfants dans les écoles publiques israéliennes au profit d’écoles arabes où l’hébreu est presque considéré comme une langue étrangère, ils n’obtiennent pas le niveau minimum requis pour entrer en faculté. Par ailleurs, sur le plan politique, durant les récents événements, ils se sont discrédités en soutenant ouvertement la cause palestinienne quand il ne s’agissait pas de glorifier les assassins, faisant d’eux des ennemis de l’intérieur. 
Etudiante voilée

            Même à Jaffa, ville qui était le symbole de la réussite de l’intégration arabe, la rupture est consommée. En cause les parents arabes qui ont abandonné l’éducation de leurs enfants aux imams ou aux gourous des écoles religieuses qui leur apprennent à se comporter en purs Palestiniens. Il n’est donc pas étonnant que les relations entre Juifs et Arabes ne cessent de se détériorer sans oublier les nationalistes arabes qui condamnent et refusent l’assimilation israélienne. D’ailleurs le parti islamiste, qui est représenté à la Knesset,  agit au grand jour. En raison de ses appels à la violence, il vient d’être interdit.
Manifestation contre l'interdiction du parti islamiste

            Les députés arabes à la Knesset ne rendent pas service à leur communauté puisqu’ils ne militent que pour la création d’un État palestinien au lieu de favoriser l’intégration de la minorité arabe, reconnue en Israël. Ils ne montrent ainsi aucune loyauté vis-à-vis du pays dont ils sont citoyens mais, en revanche, refusent de le quitter pour s’installer en Cisjordanie ou dans les pays arabes. Ils incitent les jeunes à se comporter en nationalistes intégristes, contrairement à leurs pères qui, tout en gardant leur identité, faisaient preuve de plus de pragmatisme en recherchant l'intérêt de leur communauté. C’est dans cet esprit qu’aucune voix ne s’est élevée pour condamner fermement les attaques au couteau contre des civils. Au contraire certaines images montrent des distributions de friandises pour «fêter» les morts juifs.
Ayman Odeh

            Le dernier attentat est intervenu au moment où, enfin, le gouvernement a accordé un plan d’au moins 2 milliards d’euros pour les Arabes israéliens, «résultat d’une longue lutte qui n’est pas encore terminée» selon le chef du groupe arabe à la Knesset, Ayman Odeh.  Ce budget spécial permettra d’œuvrer en faveur d’une amélioration des conditions économiques de la minorité arabe dans le domaine de l’éducation, des transports, de l’emploi, des infrastructures, de la culture et du sport. Il permettra surtout la réduction des écarts entre les deux communautés.
            Ces mesures viennent à présent trop tard car la rupture est consommée. La cohabitation entre Juifs et Arabes israéliens peut être difficilement envisagée. Elle le sera de manière encore plus complexe dans les territoires de Cisjordanie en raison de l'opposition des nationalistes sionistes. Les tenants d’un État binational persistent à croire qu’ils pourront mater une population de 1,5 million d’Arabes alors qu’ils ont déjà du mal à faire entrer dans le rang les arabes modérés israéliens qui bénéficient d’immenses avantages. L’avenir est sombre pour cette communauté arabe qui avait pourtant participé depuis 1948 à l’édification conjointe du pays. La méfiance va instiller la haine dans ce qu’il reste de relations bilatérales.
Un restaurateur de Jaffa se plaint de l'absence de clients

            À présent les Juifs sont réticents à la cohabitation. Le maire de la ville d'Ashkelon a banni les ouvriers arabes des écoles. Certains clients de supermarchés ont prévenu les directeurs qu’ils déserteraient les magasins s’ils étaient servis par des Arabes. Tel autre arabe israélien, qui était chargé de l’entretien de trois immeubles d’habitation depuis une dizaine d’années au nord de Tel-Aviv, a été licencié au motif qu’on voulait protéger les enfants des résidences. Les quartiers arabes des villes mixtes sont désertés par les Israéliens qui doutent. Les Juifs désertent les commerces et les restaurants arabes de crainte d’attentats, entraînant des difficultés économiques pour les petites structures. Les touristes étrangers manquent à l'appel cette année et les clients juifs ne sont plus au rendez-vous. De quoi générer encore la rancoeur et la frustration des commerçants arabes.
            Au moment où l’on parle en France de déchéance de la nationalité, les Israéliens souhaitent l’enlever aux Arabes pour les pousser à l’expatriation. D'ailleurs de nombreux Chrétiens se sont installés au Canada. En fait la séparation serait la seule solution sécuritaire viable car il est difficile de mettre un policier derrière chaque Arabe. Pour cela, il faudrait créer un État palestinien en Cisjordanie avec des frontières verrouillées mais après échanges des grandes villes arabes frontalières de la «ligne verte» d’armistice de 1949 contre les trois blocs d’implantation de Cisjordanie. Il suffit de déplacer la clôture de sécurité de quelques dizaines de mètres pour permettre aux 700.000 Arabes des villages israéliens de se retrouver sous juridiction palestinienne, de manière unilatérale s'il le faut. Puisque la confiance est entamée entre Arabes et Israéliens, puisque les nationalismes des deux bords s’installent dans l'intransigeance, alors le divorce est obligatoire en attendant des jours meilleurs.
Les zones marrons israéliennes seraient cédées aux Palestiniens, en rouge le tracé du mur de sécurité actuel


            Mais le paradoxe est toujours vivant dans cette région de contrastes. Au moment où des rumeurs persistantes font état d’un rapprochement avec les Saoudiens, les Arabes d’Israël semblent pousser à la sécession en organisant la mort au centre même du pays, pour empêcher toute solution négociée. Mais ils ne se rendent pas compte qu’ils font des Palestiniens les plus grands perdants parce qu’une fois encore, ils auront fait le mauvais choix d’un nationalisme exacerbé menant à l’impasse. C’est triste pour les militants actifs, convaincus d’une bonne entente judéo-arabe, mais les faits ne leur donnent pas raison.

5 commentaires:

  1. Cet article peut convenir pour la France. Les musulmans s'auto-excluent des sociétés dans lesquelles ils vivent et s'entrainent dans un cycle exclusion-victimisation-radicalisation qu'ils ont créé. Comment dès lors vivre avec des gens qui non seulement ne veulent pas vivre avec nous mais attentent à notre vie ?

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  2. Entièrement d'accord. Plus le temps passera et plus les nouvelles générations se radicaliseront. Les arabes Israéliens sont des palestiniens solidaires de leurs frères.
    N'en déplaise à tous les rêveurs de gauche ou de droite d'ailleurs, seuls la séparation est la solution à long terme.
    Seulement pour cela il nous faudrait un homme d'État digne de ce nom capable de grandes décisions. Malheureusement, dans le paysage politique actuel en Israël il sera bien difficile de trouver cet homme providentiel.

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  3. Pierre Joseph COHEN6 janvier 2016 à 09:35

    quelque chose me dit que le laxisme des gouvernants israeliens , risque de mener Israel a une catastrophe . j’espère me tromper .

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  4. Faut pas rêver, on ne déplace pas les montagnes. Impossible d'expulser 20% de la population. Ils ne partiront jamais d'eux mêmes. Pas d'autre voie que de vivre avec. Très difficile mais c'est ainsi. L'incompatibilité est là depuis plus d'un siècle. Elle persistera.

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  5. Je ne sais pas si on est arrive a un tournant avec les Arabes d'Israel. La tres grande majorite d'entre eux sait tres bien qu'ils n'ont qu'a perdre en envenimant la situation.
    D'un autre cote, la jeunesse arabe (plus de 50% des Arabes israeliens ont moins de 18 ans) prend des positions plus militantes, refusent de se laisser marcher sur les pieds et d'etre ecartee de la vie israelienne en general.
    Je me suis laisse raconter une histoire curieuse: le gouvernement israelien avait propose de debloquer une somme de 15 milliards de shekels en faveur des infrastructures de la communaute arabe. Le ministre des Finances, Kahloun, s'est oppose et a fait baisse la somme a 10 milliards. En entendant cela, Ouri Ariel, ministre de l'Agriculture et representant officieux des implantations, a exige que si il y avait 10 milliards de shekels "libres", alors cette somme devait absolument aller pour renforcer les implantations.
    Il est fort a parier, apres les recentes declarations contre les Arabes d'Israel qu'a profere Bibi, que c'est la solution d'Ouri Ariel qui sera adoptee, ce qui compliquera encore plus nos relations avec notre minorite nationale.

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