YAÏR LAPID DÉFINIT SA
VISION STRATÉGIQUE POUR ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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Yaïr Lapid, leader du parti
centriste Yesh Atid, a prononcé un discours à l’Université Bar Ilan le 20
septembre dans lequel il détaille sa nouvelle vision stratégique pour Israël. Avant
d'exposer son projet, il a d’abord particulièrement
ciblé Benjamin Netanyahou pour son manque d’influence sur le problème nucléaire
iranien et pour sa paralysie sur les négociations avec les Palestiniens. Il estime que Netanyahou était certes dans
son droit de s’opposer au projet d’accord nucléaire mais la méthode utilisée a
été désastreuse. Il a échoué parce qu’il
a transformé «l’Iran en acteur central et même pire en acteur légitime».
Sa campagne auprès de la Maison Blanche, du Département d’État et du Congrès
pour améliorer l’accord a échoué parce que le premier ministre a agi «avec
arrogance et brusquerie».
Satellite du parti Républicain
Pourtant la position des États-Unis
avait radicalement changé depuis longtemps sans que le gouvernement israélien
n’ait infléchi sa politique. Il s’est donc mis à dos le parti démocrate tout en
plaçant Israël dans le rôle de «satellite du parti Républicain». Yaïr
Lapid reproche à Netanyahou d’avoir «créé une confrontation directe
avec l'administration américaine au moment précis où nous avions le plus besoin
d’elle». L’échec est d’autant plus grave que Barack Obama n’a pas eu besoin
d’imposer son veto face au Congrès et que les gesticulations de Netanyahou ont
conduit à ce que «personne ne parle plus des appels de l'Iran à détruire
l'État d'Israël».
Yaïr Lapid estime qu’au Cabinet de Sécurité il a été «le premier à
mettre en garde que Netanyahou menait une lutte inutile et dangereuse avec l'administration
américaine». Il pense que le premier ministre «a divisé la communauté juive américaine, a affaibli
considérablement l'AIPAC, le lobby pro-israélien de Washington. Mais le plus
important est que le monde arabe est pleinement conscient de cela. La
relation spéciale entre nous et les États-Unis a toujours été une partie de
notre force de dissuasion contre les éléments hostiles dans les pays arabes».
Après cette descente en flamme du premier ministre, Yaïr
Lapid a explicité les grandes lignes de son projet. Il propose une stratégie
globale avec les États-Unis contre l’Iran, «un pays qui tente de se
positionner comme une puissance régionale par le terrorisme». Il suggère
une «véritable vision globale de la politique étrangère qui ne cherche
pas à éviter le conflit israélo-arabe. La poursuite de la situation
actuelle avec les Palestiniens menace l'existence de l'État d'Israël en tant
qu'État juif». Pour Lapid il ne saurait être question d’absorber 3,5
millions d’Arabes de Gaza et de Cisjordanie en leur donnant le droit de vote
aux élections locales avec le risque de voir plusieurs Palestiniens diriger des
villes israéliennes.
Plan régional
Le plan de Yaïr Lapid est fondé sur plan régional
conduisant «à des relations complètes et normales avec le monde arabe et la
création d'un État palestinien indépendant démilitarisé aux côtés d'Israël».
Cela garantirait le caractère juif de l’État d’Israël. Dans ce cas, Israël
pourrait coopérer avec le monde arabe contre la menace du djihad mondial et
Daesh en particulier. Il pourrait développer des relations diplomatiques et
commerciales avec le monde arabe. L'Arabie Saoudite, l'Égypte, la Jordanie et
les États du Golfe ont des intérêts communs avec Israël dans la lutte contre le
terrorisme et contre l’Iran. Les États-Unis, la Russie et l'Union européenne sont
prêts à agir en médiateurs pour aider à la mise en œuvre du nouvel État
palestinien.
Usine de Sorek de dessalement de l'eau de mer |
En cas d’accord, Yaïr Lapid est convaincu de l’essor des
exportations israéliennes vers les centaines de millions de consommateurs
arabes et musulmans, en Indonésie et en Malaisie en particulier. Ces pays ont un
grand besoin de haute technologie et d’innovations dans l’agriculture,
l’énergie et l’eau. Ce nouveau processus politique pourrait s’enclencher sur la
base d’un sommet régional dont le cadre
de la discussion serait l’initiative de paix de l’Arabie saoudite de 2002,
réaffirmée à Riyad en 2007.
Pour lui, il ne s’agit pas de parvenir à un accord
uniquement avec les Palestiniens mais avec l’ensemble du monde arabe. Certes,
il ne cautionne pas toutes les clauses de cette initiative mais «elle peut
servir de cadre viable pour des négociations». Il estime que les Saoudiens
ont fait preuve de beaucoup de courage en prenant un risque politique et en
reconnaissant de fait l’existence de l’État d’Israël.
Ligue Arabe 2002 |
Mais sur la base des expériences du passé, il ne veut pas «répéter les erreurs de
la bande de Gaza». Il n’est pas question que le nouvel État palestinien
devienne «une base pour le terrorisme et pour le lancement de roquettes sur
Israël». Il exige donc une coordination sécuritaire comme celle qui existe
avec la Cisjordanie. Par ailleurs Israël ne doit pas mettre sa sécurité entre des
mains étrangères ; Tsahal doit seul assurer la sécurité pour les citoyens
d'Israël.
Il a regretté que du temps où il était ministre des finances,
Netanyahou ait rejeté cette idée de sommet régional lorsque Mahmoud Abbas avait
rejeté l’initiative Kerry. Il pense que «les dirigeants se trompent
constamment sur la capacité de leurs gens à accepter de nouvelles idées».
Il s’appuie sur l’Histoire pour conforter son idée et sur les Grands hommes qui
l’ont faite : Gandhi, de Klerk, Mandela et Gorbatchev. Les experts et les
politiciens avaient échoué à donner à ces personnes suffisamment de crédit.
Statu quo
Yaïr Lapid est convaincu que «les Israéliens et les
Palestiniens sont dirigés aujourd'hui par des gens pour qui le statu quo est la
mission de leur vie». Sur la question iranienne non plus, Netanyahou n’a
pas proposé d’alternative. «Lorsque pendant des années et des années on nous
dit qu'il n'y a aucune chance et que rien ne va changer je vous propose un autre
chemin qui nous mènera à un endroit différent». Et il rappelle cette
journée du 19 novembre 1977 durant laquelle à l’aéroport, à l’arrivée d’Anouar
Al-Sadate, attendait sur le tapis rouge «le premier ministre d'Israël,
Menahem Begin, un chef de file du camp nationaliste, un homme de droite, mais
d'abord un vrai leader qui a su prendre des décisions difficiles».
Pour Yaïr Lapid, il est devenu évident que lorsque les leaders
donnent l’orientation à suivre, les citoyens se joignent se joignent à eux : «Nous
ne devons pas craindre l'avenir ou le voir comme une menace. Nous avons
besoin de créer et de déterminer notre propre destin, de nos propres mains».
Lapid veut se poser comme le seul chef crédible de l'opposition à Netanyahou. Difficle de le lui reprocher devant l'inexistence d'une véritable opposition. Seul bémol: sa propre crédibilité quand on connait ses positions lors du précédent gouvernement. Il va falloir un peu plus que des belles paroles pour convaincre.
RépondreSupprimerLa question reste; est ce que l'administration Obama a choisit depuis longtemps une politique iranienne et de garder les distances avec Israël
RépondreSupprimerUne vision, c'est ce qui manque le plus à nos politiciens, qui souvent réagissent au coup par coup, qui suivent les événements au lieu de les anticiper.
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