ONU : LE DRAPEAU DE QUELLE PALESTINE ?
Par Jacques BENILLOUCHE
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L'ONU
a autorisé les Palestiniens à faire flotter leur drapeau au siège de
l'organisation à New York. Il s’agit certes d’une mince victoire symbolique et
d’une nouvelle tentative diplomatique des dirigeants palestiniens pour faire
reconnaître leur État en obtenant progressivement une légitimité. Mais un État est symbolisé par des armoiries,
un emblème national, un hymne national, des textes fondateurs, une armée, une
monnaie et surtout des frontières bien définies et reconnues. Beaucoup de ces
éléments manquent à cette Palestine qui fera flotter son drapeau à l’ONU, en
particulier la monnaie, les frontières et surtout l’armée puisque l’Autorité
palestinienne ne dispose que d’une police.
Mais une autre question n’est
pas encore définie précisément. Dans les manifestations publiques, les
Palestiniens arborent, selon leur camp, l’emblème du Fatah ou celui du Hamas. Celui
du Fatah n’a pas cours à Gaza et il même interdit. Ce détail a échappé aux
délégués de l’ONU et le choix de l’un ou de l’autre drapeau peut être considéré
comme une ingérence dans les affaires intérieures des Palestiniens.
Drapeau Hamas |
Le seul intérêt de ce vote
consiste à compter les amis des deux bords et les victoires engrangées par les
deux diplomaties. La Palestine était devenue «un État observateur non membre
de l’ONU» le 29 novembre 2012, une date volontairement choisie par Mahmoud
Abbas pour faire pendant à la résolution du 29 novembre 1947 portant création
de l’État d’Israël. Le vote de 2012 avait été acquis avec une majorité de 138
voix pour, 9 contre et 41 absentions parmi les 193 pays membres de l’Assemblée.
Drapeaux Fatah et Hamas |
Jeudi 10 septembre, une
résolution demandant que les drapeaux des États non membres de l’ONU ayant
statut d’observateur soient «hissés au siège et dans les bureaux des Nations Unies après ceux des pays membres» a été adoptée par 119 voix pour, 8 contre
et 45 abstentions sur les 193 pays membres de l’ONU. Les Européens, incapables de s'organiser, ont voté en ordre dispersé malgré des efforts pour trouver une
position commune. La France a voté pour, de même que la Suède, mais l’Allemagne
s’est abstenue, tout comme l’Autriche, la Finlande, les Pays-Bas ou Chypre. Les
États-Unis et Israël ont voté contre la résolution.
Quai
d’Orsay
François Delattre |
Fidèle à la politique suivie par le Quai d’Orsay, l’ambassadeur français François Delattre a fait valoir que «ce drapeau est un symbole fort, une lueur d’espoir pour les Palestiniens au moment où le processus de paix est en panne et où Israël poursuit une colonisation illégale en Cisjordanie». Cependant une vingtaine de voix «pour» ont disparu entre les deux votes de 2012 et 2015 mais aucun intérêt à faire un compte d’apothicaire.
Riyad Mansour |
Le représentant palestinien à
l'ONU, Riyad Mansour, reconnaît qu’il s’agit «d'une mesure symbolique, mais
elle va renforcer les fondations de l'État palestinien et elle offrira aux
Palestiniens une lueur d'espoir au moment où le processus de paix avec Israël
est dans une impasse totale». Cependant, bien que la Palestine ait été
reconnue par 130 pays, elle n’est pas encore membre à part entière des Nations-Unies
mais cela ne l’empêche pas d’intégrer les principales agences de l’ONU et la Cour
pénale internationale.
L’ONU
dispose de vingt jours pour hisser le drapeau palestinien autour du périmètre
de ses bâtiments et il est fort probable que cela coïncidera avec le voyage à
New-York de Mahmoud Abbas qui doit prononcer un discours devant l'Assemblée le
30 septembre. Riyad Mansour a déjà prévu une grande cérémonie en plein cœur de
Manhattan. D’ailleurs le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est lui
aussi attendu à l'Assemblée générale.
Non-événement
Ron Prosor |
Israël a peu réagi, estimant qu’il s’agit d’un non-événement. Seule voix entendue est celle de l'ambassadeur israélien à l'ONU, Ron Prosor, qui a accusé l'Autorité palestinienne de «manipuler les Nations Unies pour marquer des points». Le département d'État américain considère comme «contre-productifs les efforts pour faire reconnaître un État palestinien par le système des Nations Unies, en dehors d'un règlement négocié avec Israël». On constate que la querelle entre Netanyahou et Obama n’a pas laissé de trace dans les instances internationales.
Il est fort probable que le drapeau
vert du Hamas ne sera pas hissé mais le drapeau jaune du Fatah. On se souvient
que ces deux drapeaux avaient été déployés simultanément à Gaza en 2011 pour
fêter l'accord de réconciliation signé au Caire et scellé par une poignée de
main entre le président palestinien et chef du Fatah, Mahmoud Abbas, et le
dirigeant du Hamas en exil, Khaled Mechaal.
Cette question symbolique de drapeau
empêchera certainement le Hamas et le Fatah de s'entendre sur la formation d'un
nouveau gouvernement et attisera la division entre deux clans qui s’accusent
mutuellement d’être à l’origine d’une guerre fratricide. Cela pourrait être l’occasion
pour le Hamas de faire cavalier seul pour négocier avec Israël un cessez-le-feu
de longue durée qui lui permettra d’assurer sa mainmise totale sur Gaza. Il est
étonnant que le choix d'un emblème puisse influer à ce point sur une diplomatie.
... Peut-être qu'après le drapeau, le "machin" qu'on appelle l'ONU, homologuera leur équipe de foot !!!
RépondreSupprimerClaude
Je ne serais même pas étonnée d'apprendre que l'ONU réfléchit sérieusement sur le cas du drapeau de l'État islamique. État qu'on nous dit riche à milliards, qui ouvre des succursales bancaires et va battre monnaie, qui fait reculer toujours plus les limites de ses frontières et dont on peut apprécier les hauts faits d'une armée toujours plus nombreuse !
RépondreSupprimerLe drapeau d'un État Kurde : c'est pour quand ??
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