L'HONNEUR D'UN PRÉSIDENT DANS UN CLIMAT DÉLÉTÈRE
Par Jacques BENILLOUCHE
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La droite
israélienne se radicalise. C’est une constatation qui peut aussi se vérifier
dans les pays européens où la droite républicaine court après les nationalistes
et les extrémistes d’extrême-droite pour garder ou reprendre le pouvoir, mais
en perdant son âme. Les récents événements, liés à l’assassinat d’une jeune
fille au cours du défilé de la Gay Pride et à l’incendie d’une maison
palestinienne causant la mort d’un bébé, ont mis en évidence la montée des
extrêmes en Israël.
Un militant nationaliste
La personnalité
de certains dirigeants s’affirme souvent au contact de la réalité du pouvoir.
C’est le cas du président de l’État, ancien président de la Knesset sous
l’étiquette du parti Likoud. Il n’a jamais été un personnage marquant, presque
terne dans ses fonctions antérieures. C’était pourtant un cacique du parti,
élevé avec les valeurs du mouvement sioniste Betar créé par le
nationaliste Vladimir Zeev Jabotinsky. Rivlin
était un pilier du parti, fervent partisan du Grand Israël, avec des racines
plantées profondément dans le droit idéologique. En tant que président de la
Knesset de 2003 à 2006, il a été parmi les adversaires les plus acharnés du plan de désengagement
de Gaza engagé par Ariel Sharon.
Il s’est souvent
montré libéral et démocrate mais les valeurs humanistes sur lesquelles il a été
élevé, ont fait de lui aujourd’hui un ennemi du peuple de droite. Sa nomination à
la présidence le 10 juin 2014 avait été
fastidieuse alors que sa fonction est purement honorifique, sans réel pouvoir
sinon celui d’une autorité morale. À l’instar du précédent titulaire de la
charge, Shimon Peres, Réouven Rivlin ne veut pas seulement «inaugurer les
chrysanthèmes». Il veut participer au débat national alors que le pays
souffre de l’omnipuissance du premier ministre Benjamin Netanyahou et surtout
de l’absence d’un dirigeant charismatique de l’opposition. Sa position de sage
lui confère une auréole qu’il exploite pour se défaire de sa position
d’extrémiste.
Un président converti
Ses partisans
doivent être effectivement déçus car il a dévié de ses positions antérieures
d’ardent défenseur du «Grand Israël» et des constructions dans les implantations et
d’opposant irréductible à la création d'un État palestinien. Il avait adopté une
attitude nationaliste en refusant, en mai 2009, de se rendre à l’aéroport pour recevoir le pape Benoît
XVI qui était attendu à Yad Vashem car il ne voulait pas «accueillir un
ex-membre des Jeunesses hitlériennes et de la Wehrmacht». Il avait ainsi adopté
les positions de ses amis extrémistes dans un registre où on le l’attendait
pas.
Mais le président
a depuis mué car, ancien «faucon» du parti, il porte aujourd’hui les
habits d’un homme d’ouverture condamnant le terrorisme juif et prônant le
rapprochement entre les populations juive et arabe. Il a fustigé ouvertement le
virage à l’extrême-droite de son parti dont il condamne la perte de ses valeurs
libérales fondamentales. Il a donc été victime des attaques les plus acerbes de
la part des membres de son propre parti Likoud dans le cadre d’une campagne ignoble le
représentant en keffieh d’Arafat ou en officier SS nazi. Sur les réseaux sociaux,
il est qualifié de «traître, président des arabes et des homos, un petit
youpin honteux qui aime se faire sodomiser». Cela rappelle dramatiquement
les événements de 1995 et les caricatures identiques qu’a subies le premier
ministre assassiné Itzhak Rabin.
Rivlin à Kfar Kassem |
En effet ses
prises de positions modérées pro-arabes ont choqué l’extrême-droite. Le
président israélien avait en effet, dès sa prise de fonction, estimé que Juifs
et Arabes devaient tirer les leçons de la tuerie de 1956 qui s’était déroulée à Kfar Qassem au cours de
laquelle la police des frontières avait tué 49 Arabes israéliens, dont
plusieurs femmes et de nombreux enfants. Il avait ainsi démontré qu'il était le président de tous les Israéliens. Le Likoud n’avait pas apprécié que le
président condamne sévèrement, dans des termes sans appel, le massacre perpétré
par des Juifs :
«Le meurtre criminel qui a eu lieu dans votre village est un chapitre sombre dans l’histoire de la relation entre les Arabes et les Juifs vivant ici. Un crime terrible a été commis ici. Nous devons regarder directement ce qui est arrivé. Il est de notre devoir d’enseigner cet événement et d’en tirer les leçons».
Cette visite, violemment critiquée, avait été
cependant considérée comme hautement symbolique puisqu’elle représentait une
évolution positive dans les relations judéo-arabes.
Le président a
réitéré dans sa page Facebook en arabe ses
condamnations des terroristes juifs qui ont perpétré le crime de haine contre un jeune
bébé palestinien. Il avait éprouvé de la «douleur à cause des hommes de mon
peuple qui ont choisi le terrorisme et perdu leur humanité». C’en était trop pour la droite dure qui a
ciblé avec violence Réouven Rivlin. Le président du Likoud dans la ville
de Beer Yaacov, Shimi Tal, a écrit sur sa
page Facebook :
«Je pense que le président devrait être arrêté pour les choses sérieuses qui endommagent la sécurité de l'État et les citoyens d'Israël. Le président a franchi les lignes rouges. Seule une personne mentalement malade aborderait les medias du monde entier pour dire «mon peuple a choisi la voie de la terreur».
Cette attaque personnelle, qui a été confirmée, a été condamnée du bout des lèvres par quelques responsables du parti sans que
l’exclusion de Tal soit exigée. Même s'il s'est excusé par la suite, le mal était déjà fait et les termes violents.
Shimi Tal |
Menaces extrémistes
Rivlin représente
aujourd’hui l’espoir du pays face à une opposition de gauche inaudible mais il
est clairement menacé par les extrémistes de droite. Le président Rivlin a réagi négativement à la position de Benjamin
Netanyahu sur le nucléaire iranien. Il lui a conseillé de ne pas affronter les États-Unis
sur l’Iran car cela se ferait au détriment des intérêts israéliens, notant que
des liens étroits avec Washington sont de la plus haute importance pour la
politique étrangère israélienne.
L’atmosphère qui règne en Israël est aujourd’hui dramatique car elle dépasse en acuité ce que le pays a connu en 1995 lors de l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Certains hauts personnages de l’État ont peur que cela ne se reproduise, ont peur des incitations à éliminer Rivlin, ont peur d’une guerre civile naissante.
Rabin et Sheves |
Cette
inquiétude a poussé l’ancien directeur de cabinet de Rabin, Shimon Sheves, à prendre position
en faveur du président de droite en l’apostrophant avec un message émouvant :
«Président Réouven,Tu es un vrai et peut-être le dernier qui, au sommet, parle vrai et comme un sage.Je suis fier de toi grand frère, de ton courage et de ton positionnement à maintenir ce qui est le plus important.Bonne santé. Fais-moi une faveur et dis à tes proches de te protéger.Moi j'ai échoué.»
Ces
quelques mots dramatiques témoignent d’une situation qui risque d’échapper aux
dirigeants du pays. D'autres voix s'élèvent à l'instar de celle de l'ancien ambassadeur d'Israël, Arie Avidor :
«Honneur au président Réouven Rivlin d'avoir eu le courage, au cœur d'une crise grave et confronté à la pusillanimité d'un exécutif défaillant, de porter seul et de maintenir haut le flambeau de la démocratie et des valeurs morales de l'État d'Israël en tirant l'alarme face à un danger mortel qui menace l'avenir de ce pays. Aveuglement, déni, mansuétude ou une combinaison des trois, telles ont été jusqu'à présent pour l'essentiel les réactions à l'égard des terroristes juifs. Leur idéologie délétère résonne de nos jours jusque dans les allées du pouvoir, relayée par certains éléments d'extrême-droite à la Knesset et au gouvernement. Gardez bien haut cette flamme, Monsieur le Président ! Bien au-dessus de la triste mêlée d'un gouvernement dénué, de par sa composante d'extrême-droite, de toute volonté politique à prendre toutes les mesures qui s'imposent face à la menace».
Le Likoud s’est donc
radicalisé et le gouvernement est devenu l’otage des extrémistes de droite et
des habitants des implantations qui dictent sa politique. Parce qu'il faut éviter à tout prix l'éclatement de la coalition qui ne dispose que d'une voix de majorité, pas un seul membre du
parti ne s’est élevé officiellement contre les menaces de mort qui sont
proférées contre le président de l’État. Certes ils estiment qu'il s’agit d’une
minorité agissante mais il suffit d’un seul fou pour rééditer l’exploit de
1995.
excellent article. personellement, je pense que ce que le president Rivlin a reussi a faire, c' est de remettre a jour un discours de droite democratique et classique - il ne s'est pas departi de ses positions sur le Grand Israel (en tous cas pas officielement) et n'a pas adopte un langage de gauche - il a rappelle a tous les israliens - en tous cas ceux qui veulent ecouter - que dans une societe democratique, il y a de la place pour une droite respectueuse de la democratie et de ses valeurs, indiquant par cela que ce discours necessaire a pratiquement disparu des representants de la droite au pouvoir, sans parler de ceux qui carrement menacent cette societe. Rivlin a rendu un peu de l'honneur perdu de cette droite liberale qui respectait la justice, les lois et les decisions legitimes. loin de mes propres opinions (a gauche toute) mais tout a fait necessaires et justifiees dans une societe qui se veut diverse, libre, pour autant que les regles du jeu sont respectees. et dans l'Israel d'aujourd'hui - c'est - malheurereusement urgentissime!
RépondreSupprimerEt si R. RIVLIN était le de GAULLE dont Israel a besoin?
RépondreSupprimerIl a creusé sa tombe avec sa langue. Les extrémistes juifs n'ont rien à faire là-dedans ! S'il est incapable d'honorer la nation juive par ses propos il se doit demissionner. La course aux honneurs fait sortir l'homme de son monde. Pirke avot.
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