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jeudi 16 juillet 2015

IRAN : LA SOLITUDE DE NETANYAHOU



IRAN : LA SOLITUDE DE NETANYAHOU

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

        

          Sans préjuger du contenu de l’accord, il ne fait aucun doute qu’il est «historique» selon le qualificatif des négociateurs parce que, depuis la révolution iranienne de 1979, il s’agit du premier texte signé avec les mollahs. Les relations avec l’Occident se présenteront sous un nouveau jour, deviendront plus normales, mais leurs évolutions dépendront, bien sûr, de la capacité des États-Unis à faire respecter la signature iranienne.



Si l'Iran tient ses engagements, l’accord rend quasi impossible la construction d'une bombe atomique par Téhéran pendant plusieurs années. En échange de la levée progressive des sanctions et de la reprise des exportations pétrolières, l'Iran s'engage à réduire ses capacités nucléaires (centrifugeuses, stock d'uranium enrichi...) pendant plusieurs années et à laisser les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) procéder à des inspections plus poussées. Cependant l’Iran garde le droit de développer une filière nucléaire civile et là sera la difficulté de distinguer le civil du militaire. Il est fort probable que l'Iran parviendra à devenir une force nucléaire à court terme.
Les premières sanctions économiques seront levées à partir du premier semestre 2016 mais elles pourront être rétablies dans un délai de 65 jours si l’accord était violé. L'embargo des Nations Unies sur les importations d'armes par Téhéran sera maintenu pendant cinq ans et celui qui vise les technologies de missiles ne pourra être levé qu’après huit ans. Durant ces cinq ans les livraisons d'armes à l'Iran seront possibles si elles sont approuvées et vérifiées par le Conseil de sécurité de l'Onu.

L’Iran a dû renoncer à ses objections concernant les enquêtes de l’AIEA qui sera autorisée à visiter tous les sites suspects, y compris les installations militaires. Mais les Iraniens ont obtenu deux semaines de délai et de préparatifs avant l’accès d’une commission mixte de contrôle dans les installations. Un refus dans ce cas imposerait à nouveau l’application de sanctions. Deux semaines sont cependant suffisantes pour camoufler toute activité interdite. L'AIEA devra ainsi vérifier pendant vingt ans le parc de centrifugeuses et pendant vingt-cinq ans la production de concentré d'uranium (yellow cake).
- Quelle est votre réponse au discours de Netanyahou  - Je ne peux pas entendre car les centrifugeuses fonctionnent à plein rendement

L'Iran s'est engagé à réduire des deux tiers, pendant dix ans, le nombre de ses centrifugeuses servant à enrichir l'uranium. Pendant 10 ans, le nombre des centrifugeuses sera limité à 5.060 machines qui procéderont à de l'enrichissement sur le site de Natanz. 1.044 autres seront conservées en état de marche, sans toutefois être exploitées, sur le site de Fordo. L'Iran dispose actuellement de plus de 19.000 centrifugeuses, dont moins de 10.000 en activité, des équipements qui peuvent potentiellement servir à la fabrication de matière fissile pour une bombe atomique. Toutes les installations nucléaires iraniennes continueront de fonctionner. Aucune ne sera stoppée ou détruite. L'Iran continuera l'enrichissement tandis que la recherche et le développement sur les principales centrifugeuses (IR6, IR-5, IR4, IR8) se poursuivront.

            Ce serait un euphémisme que de dire que Benjamin Netanyahou condamne cet accord décrit comme une «magnifique erreur historique». Il s’est engagé à ne pas permettre à l'Iran de poursuivre un chemin vers des armes nucléaires sans cependant expliciter la méthode qu’il compte adopter. Mais le premier ministre israélien se sent à présent seul face aux puissances 5+1 qui ont pris le risque, calculé selon eux, de faire confiance au président Rohani. 
          L'attitude qu’il a adoptée vis-à-vis des États-Unis n’a pas été payante; elle a conduit à un refroidissement des liens sans résultat tangible. Comment pouvait-il espérer faire plier la plus grande puissance mondiale d'autant plus que les Démocrates américains juifs ne l’ont pas suivi ? Le premier ministre israélien aurait dû engager un dialogue stratégique franc avec les alliés toujours ce qui lui aurait permis d'être un observateur écouté dans les négociations. Il aurait pu ainsi infléchir certaines positions douteuses de l'accord. Au contraire, il s'est mis à dos toute l'Europe.
            L’Allemagne, qui a toujours été aux côtés d’Israël pour garantir sa sécurité en lui fournissant l’armement et la marine indispensables pour Tsahal, conteste aujourd’hui l’intransigeance israélienne. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a estimé que «Ceci est un accord responsable et Israël devrait aussi jeter un œil de plus près et de ne pas critiquer l'accord d'une manière très grossière». Il a ajouté qu’à la base de l'accord se trouvaient la transparence et la capacité de surveiller son respect par l'Iran.
            La France qui avait montré des réticences à signer un accord limité, en donnant l’impression qu’elle était du côté d’Israël, s’est rangée à la majorité des 5+1. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a expliqué que l’accord était «suffisamment robuste pour durer plus de dix ans».  
        
L'administration américaine est furieuse de la réponse de Netanyahou allant jusqu’à dire que «personne ne prend les déclarations de Netanyahu en compte. Les détracteurs de ce plan ne proposent aucune alternative réaliste alors que Netanyahou a été pleinement informé des détails de l’accord». Les frictions avec les États-Unis risquent donc de s’envenimer.
Le Cabinet israélien de sécurité a rejeté de manière unanime l’accord avec l’Iran et a confirmé qu’«Israël n’est pas lié par l'accord». Benjamin Netanyahou a exprimé ses préoccupations à Barack Obama : «l'examen de l'accord soulève deux dangers principaux. Il permettra à l'Iran de se doter d'armes nucléaires. Des attentats terroristes pourraient augmenter à la suite de l'accord car des milliards de dollars seraient désormais injectés dans la terreur tandis que la machine de guerre iranienne menace Israël et le monde entier».
Cabinet de sécurité

Le premier ministre israélien n’a pas de solution de rechange. Il compte sur la difficulté de modifier les mentalités en Iran après plusieurs années de condamnation systématique du Petit et Grand Satan. Barack Obama n’est d’ailleurs pas dupe puisqu’il ne fait pas confiance à l’Iran. Il fonde l’accord sur «le régime d'inspection et de transparence nécessaire pour vérifier que l'objectif sera mis en place».

On ne voit pas d’alternatives israéliennes plausibles à cet accord. Une frappe militaire contre les installations est rendue difficile sans le soutien politique et logistique des États-Unis. Israël n’obtiendra pas le soutien des pays 5+1. Reste bien sûr le blocage de l’accord au Congrès et en Iran. Les Républicains ainsi que certains Conservateurs iraniens pourraient empêcher la mise en œuvre de l’accord. Ils pourront difficilement réussir dès lors que Barack Obama a déjà averti : «Je vais donc opposer mon veto à toute législation qui empêche la mise en œuvre réussie de cette affaire. Nous ne devons pas accepter une spirale inévitable en conflit précisément parce que les enjeux sont élevés». M. Obama semble avoir suffisamment de sénateurs démocrates de son côté pour maintenir son droit de veto. Quant à l'Iran, il est presque inconcevable que son chef suprême, malgré ses réticences, se lance dans une action de détricotage du travail de ses négociateurs. 
Le président américain poursuit sa stratégie de remettre de l'ordre au Moyen-Orient face au désordre généré par Daesh. Pour parvenir à ces fins, il a besoin d'un Iran fort et solide et d'une certaine manière responsable. Mais en misant tout sur un accord avec l'Iran, il a laissé pourrir la situation en Syrie et abandonné ses alliés naturels, l'Arabie et l'Egypte.   


Benjamin Netanyahou doit se sentir seul face à la force de frappe politique de Barack Obama. Il profitera certainement de la situation pour tenter une union nationale à l’intérieur du pays pour rassembler les politiques au-delà de son parti et de sa coalition alors qu’il se trouve en difficulté à la Knesset, à nouveau pour le vote du budget 2016. Les dirigeants politiques en embuscade pour le renverser trouveront certainement le moment peu propice. Le premier ministre pourra au moins brandir cette victoire à défaut d’avoir gagné sur l’Iran. 
Aux dernières nouvelles, le président des Travaillistes Itzhak Herzog, se rendra aux États-Unis pour accompagner une délégation chargée de mettre en garde Obama sur les risques de l'accord sur le nucléaire iranien. Herzog et Netanyahou se sont réunis afin de présenter un front uni contre l'accord sur le nucléaire iranien.  L’entrée des Travaillistes dans la coalition semble à nouveau envisagée.

8 commentaires:

  1. Netanyahu a raison sur toute la ligne. L'Iran continuera a concevoir sa bombe atomique an nez et à la barbe du 5+1. Il faut être aveugle et/ou méconnaître les iraniens pour ne pas le voir.

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  2. Florence PAVAUX DRORY15 juillet 2015 à 13:07

    Question : que se passerait-il s'il n'y avait pas d'accord ? au moins l'accord permet les contrôles et l'accord ne signifie pas confiance aveugle, au contraire.

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  3. Je suis surpris que le monde politique Israëlien ne perçoive pas le danger,ou feint de l'ignorer,je suis depuis la France et bien qu'ayant des amis sur place je regarde le plus possible les réactions des uns et des autres mais enfin vous avez voter mes frères et mes soeurs,le pire c'est que j'ai l'impression d'assister à l'élection de François Hollande et au lendemain de sa victoire l'opposition lui tirer dessus à boulets rouges.J'ai connu et reçu avec la communauté les derniers politiques d'Israël et nous savions aussi que les pressions du monde extérieur étaient fortes mais Israël avait aussi la côte de l'occident,il n'en ai pas de même aujourd'hui !

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  4. Florence PAVAUX DRORY15 juillet 2015 à 13:17

    Je suis tout à fait d'accord avec votre article ! la question était adressée à ceux qui sont contre l'accord. Ils ne proposent rien sauf l'option militaire qui serait une folie qui entrainerait un conflit généralisé ! on n'a vraiment pas besoin de cela; Qu'on mette plutôt toute cette énergie à trouver comment faire la paix avec les Palestiniens. Et qu'on ne vienne pas encore me dire qu'on n'a pas d'interlocuteurs!!!

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  5. Cher monsieur Benillouche,

    Cette confiance que les "puissances 5 + 1" veulent soudainement accorder à l'Iran, c'est beau comme un conte de fées !
    Mais si l'affaire tourne mal, ce ne sont pas elles qui seront aux premières loges, mais bien l'Etat d'Israël.

    Très cordialement.

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  6. CLAUDE bRIGHTMAN15 juillet 2015 à 15:57

    on vit dans un monde surrealiste.L occident eclaire negotie avec le regime le plus cruel au monde ,un regime terrosriste un regime qui prone purement et simplement la destruction d un autre peuple le peuple juif,qui annonce clairement que le reste de l occident et en premier lieu les USA sont une cible privilegiee afin d eradiquer les valeurs occidentales et faire regner la loi de la Sharia sur le monde.On applaudit a cette capitulation digne heritiere de Munich oui mais aujourd hui on sait d avance le resultat.
    Une petite et fragile difference Israel existe,souverain et en charge de notre securite et de notre survie a nous les juifs.
    quelle alternative me dit on?la fermete non aux nbegotiations avec un pays a qui on va donner tous les moyens militaires et l argent qui vont permettre de massacrerdes centaines de milliers d innocents.non a la levee des sanctions au contraire plus d isolement jusqu a que ces dirigeant perdent tout interet financiier a ce regime et que finalement l Iran implose et accouche d un nouveau regime acceptable et humain.
    Seulement voila pour cela il faut des gouvernants avec des.......et des valeurs une conscience du bien et du mal et ce n est pas le cas

    HELAS

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  7. Après la guerre du signai, ou Moshe Dayan a récupéré le canal de suez pour le compte des franco britanniques les USA et la Grande Bretagne - déjà pas la France! _s'étaient engagées par traité a garantir à Israel la protection de ses voies d'accès maritimes...Quelques années plus tard Nasser bloque le détroit de Tiran donc Akaba: encore naïfs et sous la houlette de Abba Eban tellement aimé des chancelleries occidentales, Israël en appelle a la protection due par les USA et GB.
    Réponse": oui certes, mais Akaba n'est pas vital, Eilat n'est pas sous le feu égyptien .. notre intervention va envenimer les choses..et surtout ne bougez pas sinon vous seriez les agresseurs: on connait la suite ..Israël qui a toujours été aussi mal élevé que ce grossier Bibi a voulu survivre..peuple sur de lui et dominateur, embargo sur les armes: cette fois là Israel a survécu .. cette fois là et la prochaine?le scénario est en place pour un remake, et la puissance de l'Iran c'est autre chose que l'armée de Nasser. Chanter "allo maman bobo" ne suffira pas.

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  8. Bibi vient de subir un échec diplomatique. je pense qu'il en est en parti responsable. hurler et s'agiter en permanence, comme l'a fait le premier ministre, devient inaudible. trop de discourts tue le discourt. ses propositions n'ont pas été constructives, il repète la meme chose, il menace et menace encore. à la fin, il finit par "gonffler" tout le monde, alors que le danger est réel.

    si son gouvernement etait plus constructif, dans un accord entre israel et palestine, il aurait pu etre écouter, mais ce n'est pas le cas. il porte une image d'intransigeant, de mauvaise foi, et de provocateur. monsieur Obama lui a claqué la porte au nez. va t-il pour autant changer de stratégie? rien n'est moins sure.
    ce premier ministre doit aussi retenir que les enjeux financiers des 5+1,avec cet accord, est une piste pour relancer leurs économies. ce n'est pas rien.

    je finirai par une phrase de monsieur Benillouche: " Le premier ministre israélien aurait dû engager un dialogue stratégique franc avec les alliés de toujours, ce qui lui aurait permis d'être un observateur écouté dans les négociations".

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