Cette chronique a été écrite le 7 mai 2015 par notre ami André Nahum qui nous a quittés cette année. Son souvenir est encore vivace et surtout la qualité de sa réflexion. Il a toujours gardé un attachement viscéral à sa Tunisie natale et il répétait souvent qu'il éprouvait beaucoup de regrets devant la tournure des événements et devant les mauvais choix des dirigeants tunisiens.
Ce soir, c’est Lag-Ba-Omer, le
33ème jour de l’Omer, jour de réjouissance en l’honneur de la hilloula
(célébration du jour du décès) de Rabbi Chim’on bar Yohaï auquel la tradition
attribue l’écriture du Zohar, élément majeur de la Kabbale. Dans mon enfance, à
Tunis, nous décorions l’appartement de guirlandes fabriquées par l’ensemble de
la famille à l’aide de grandes feuilles de papier multicolore, d’un arc entouré
de fleurs et de lanternes vénitiennes.
Le soir, nous nous rendions
ainsi que tous les voisins du quartier, à la synagogue pour y déposer un
candélabre fleuri, toutes bougies allumées, en chantant en judéo-arabe: «Ô
Rebbi Chim’on, Ô fils de YohaÏ, quand nous reviendras-tu et mettras-tu fin à
notre exil ?» Arrivés à destination, c’était la séouda avec fruits secs, gâteaux au miel et
l’inévitable verre de boukha, notre alcool de figues. Les hommes chantaient des
pioutims, les femmes lançaient des
you-you stridents. C’était la
fête.
Aujourd’hui dans cette Tunisie
pratiquement vidée de ses Juifs, le seul souvenir qui subsiste de cette période
heureuse est le pèlerinage qui se
déroule à cette date à la synagogue de
la Ghriba à Djerba. Malgré les vicissitudes du temps et de l’histoire, il faut reconnaître
que les autorités tunisiennes ont toujours tout fait pour maintenir, dans les
meilleures conditions, cette manifestation joyeuse qui ramenait chaque année
des milliers de pèlerins de tous les coins du monde, y compris d’Israël.
Israël a déconseillé cette année
à ses administrés de s’y rendre en invoquant les risques élevés d’attentats
anti-israéliens ou antijuifs. Les Tunisiens s’élèvent contre cette
recommandation qui va à l’encontre de
leurs efforts pour ranimer le tourisme
dans le pays et affirment que des mesures
de sécurité exceptionnelles ont été prises pour que le pèlerinage se passe sans
dommages. Il n’y a aucune raison d’en douter, mais… !
Attentat à Djerba |
Il faut rappeler quand même que
l’attentat contre la synagogue de la Ghriba, en avril 2002 attribué à Al-Qaïda,
qui avait fait 19 morts, ainsi que celui plus récent du Bardo, la persistance
dans le pays d’éléments armés djihadistes peuvent inciter les Israéliens à la
prudence. L’importance même des moyens mis en œuvre par le gouvernement
tunisien pour protéger le pèlerinage prouve bien que la menace terroriste n’est
pas une vue de l’esprit. D’autant que l’on ne peut nier l’existence d’un fort
courant antisioniste en Tunisie, et que l’on ne peut oublier qu’il y a quelques
mois des passagers israéliens d’un bateau de croisière se sont vus interdire
de débarquer à l’escale de Tunis.
Il y a quelques années, j’avais
pu constater par moi-même, la présence à Tunis dans le même hôtel que moi d’un
groupe important de touristes israéliens, la plupart d’ailleurs d’origine tunisienne, qui voyageaient tranquillement dans tout le pays sans aucun
problème. Aujourd’hui l’ambiance n’est plus la même. Souhaitons que les choses s’arrangent un jour!
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