IRAN : TROIS MOIS POUR INFLÉCHIR LES TERMES DE L’ACCORD
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Les Iraniens à Lausanne |
L’accord avec l’Iran n’est pas encore signé. Il ne s’agit que d’un
projet devant se finaliser en juin. D’ici là, rien ne permet d’affirmer avec
certitude qu’il sera ratifié en l’état. Benjamin
Netanyahou dispose encore d’arguments pour infléchir, avec ses amis
républicains du Congrès, certaines clauses critiques. Le problème est que
jusqu’à présent aucun dialogue direct n’a été établi entre Obama et Netanyahou
alors que le premier ministre a tout fait pour contourner le président. Il
n’est pas certain qu’Obama, de son côté, cherche la confrontation avec le
Congrès.
Mais la liaison diplomatique avec Israël est rompue et elle devra être
rétablie si l’on veut peser sur la négociation en cours pour finaliser l’accord
nucléaire. Par ailleurs, Israël ne peut pas se permettre de se couper du seul
allié véritable qui peut le défendre devant les instances internationales.
Politique intérieure israélienne
Le problème du nucléaire iranien
influe sur la politique intérieure israélienne. La constitution de la coalition gouvernementale doit tenir compte de l’évolution de la situation si l’on veut renouer avec les États-Unis.
Mais l’avenir diplomatique est sombre compte tenu des candidats éventuels au
poste de ministre des affaires étrangères. Avigdor Lieberman s’est cramé à cette
fonction et il restera toujours tricard dans les chancelleries occidentales. Pour
faciliter les négociations du premier ministre, il pourrait bien accepter le
ministère de la défense.
Bennett et Lieberman |
Le sioniste religieux Naftali
Bennett, né de parents d’origine américaine, qui lorgne sur un ministère prestigieux, est sur
les rangs pour les affaires étrangères. Mais il n’est pas certain que les
Américains engagent le dialogue avec un député qui veut annexer la zone-C,
représentant 60% des territoires et où vivent près de 400.000 Israéliens, dans
les implantations juives, sous contrôle militaire et civil israélien. Bennett est
prêt à accorder à la population arabe, qui s’élève à 2,8 millions d’habitants, une
autonomie limitée dans le reste des territoires : «Les Palestiniens
auront leurs propres élections, une liberté de mouvement, de construire autant
qu’ils le souhaitent, leur propre système d’éducation, et pourront payer leurs
propres impôts. Je ne veux pas les gouverner». Il donnerait par faveur aux
100.000 Palestiniens annexés de la zone-C la citoyenneté israélienne. Il
n’est pas certain que ce programme puisse emporter l’entente diplomatique face
à la volonté affirmée de Bennett de doubler les constructions de logements dans
les territoires.
Le ministre de la défense
actuel, Moshé Yaalon est prêt à quitter son ministère pour les affaires
étrangères pour laisser sa place à Lieberman. Mais il n’est pas en odeur de
sainteté aux États-Unis depuis le jour où il a lancé une attaque personnelle
virulente contre le secrétaire d’État John Kerry. Il avait d’ailleurs été forcé
par la Maison Blanche de présenter des excuses publiques. Depuis cet incident grave, ses relations avec la
diplomatie américaine sont au froid. Le ministre de la Défense avait accusé
John Kerry d'être «animé par une obsession incompréhensible et une sorte de
messianisme. La seule chose susceptible de nous sauver est que John Kerry
remporte le prix Nobel de la Paix et nous laisse tranquilles». Le
département d’État avait jugé ces «remarques insultantes et inappropriées».
La Maison Blanche avait réagi avec
force, considérant que l'attaque de Moshé Yaalon était «choquante et
déplacée. Nous attendons du premier ministre qu'il règle cette affaire en
exprimant publiquement son désaccord avec les propos visant le secrétaire
Kerry». Ce n’est pas dans cette atmosphère tendue que Yaalon pourra rétablir
les liens de confiance entre Israël et les États-Unis.
Union
nationale
Les relations entre le
gouvernement de Benjamin Netanyahu et l'administration Obama ont été marquées
depuis 2008 par des désaccords à répétition, qu'il s'agisse du nucléaire
iranien ou du processus de paix au Proche-Orient. La situation ne peut perdurer
sans mettre en danger la sécurité d’Israël qui dépend essentiellement des
soutiens politiques et matériels américains. C’est pourquoi des bruits de
couloir, sous forme de ballons d’essai, circulent au sein de la Knesset. Devant
les exigences ministérielles de Moshé Kahlon et la situation tendue avec les
Américains, la seule solution s’ouvrant à Netanyahou est la création d’un
gouvernement d’union nationale incluant les travaillistes. La majorité serait
alors plus large et les assises d’un tel gouvernement plus stables.
Eitan Cabel |
Dans cet ordre d’idée, on a effectivement
remarqué les approches politiques étonnantes du député Eytan Cabel, président
du groupe travailliste à la Knesset, pourtant farouche opposant au premier
ministre. Il a appuyé ouvertement la position de Netanyahou et condamné l'accord
négocié avec Téhéran : «Je refuse de rejoindre le chœur de ceux qui
applaudissent l'accord nucléaire avec l'Iran. Cette fois-ci, ce n’est pas une
question de gauche ou de droite. Les religieux radicaux du terrorisme obtiennent
le droit d’avoir la bombe nucléaire, je suis très inquiet. Par
conséquent, dans cette affaire je me tiens aux côtés de Benyamin Netanyahou au
milieu de toutes les critiques concernant la façon dont il a géré la lutte
entourant l'accord avant sa signature»
C’est une proposition ouverte de
collaboration ferme et claire. Les travaillistes voient déjà Isaac Herzog en
ministre des affaires étrangères compétent pour renouer les liens distendus. Il
n’y aurait pas d’autre interlocuteur pour les Américains capable d’obtenir de
nouvelles concessions sur l’accord final avec les Iraniens. Il lui resterait
plus de deux mois pour agir et pour améliorer les intérêts sécuritaires d’Israël.
Le litige avec les Américains est purement rhétorique entre les deux pays et il
pourrait s’estomper par une meilleure compréhension. Il est vital pour Israël
de sortir de son isolement diplomatique.
Liens
sécuritaires américains
Israël ne peut se permettre une
rupture avec l’administration américaine qui fermerait les yeux sur des éventuelles
résolutions internationales exigeant de mettre le réacteur nucléaire de Dimona
sous le contrôle de l’AIEA sous peines de sanctions. Il s’agirait d’un
parallèle avec l’accord avec l’Iran qui prévoit
la surveillance des sites de Natanz, Fordow et Arak. Obama reste le seul à
pouvoir interdire une telle demande de la part de l’ONU.
Israël n’est pas indépendant
militairement dès lors où il n’a pas de capacité importante de stockage de matériel militaire. On se
souvient que, durant l’opération Bordure protectrice à Gaza, Israël était
à court de munitions et que des kibboutzim avaient été rouverts en catastrophe pour
fabriquer de l’armement au plus pressé. Seul un pont aérien quotidien avec les États-Unis
a permis d’approvisionner Tsahal en campagne militaire.
Fronde de David |
Le pays développe sans cesse, avec la
collaboration et le financement américain, de nouveaux matériels contre les
missiles du Hezbollah, le dernier en date est la Fronde de David. Ce
système militaire a été élaboré conjointement par la société israélienne Rafael
et l’entreprise américaine Raytheon pour
intercepter les roquettes à longue portée et les missiles de croisière sur une
distance de 40 à 300 km. Il est conçu pour intercepter la nouvelle génération
de missiles balistiques tactiques, comme Iskander, utilisé par les Russes et
les Syriens et certainement par les Iraniens. La Fronde de David est prévue pour être déployée en 2015 à
condition que le financement ne soit pas retardé par les Américains pour des
raisons politiques ou de représailles. Israël attend par ailleurs la fourniture
d’escadrons de chasseurs multi-rôles F-35 pour ses opérations de défense et d’attaque.
Certes la solution de gouvernement d’union nationale risque de mener à
un gouvernement d’inertie nationale car les deux leaders Herzog et Netanyahou
se respectent certes, mais ne se font pas confiance. Mais une coalition de
droite pure augmentera l’isolement d’Israël et l’affaiblira face à l’Iran. À
moins que Netanyahou ne constitue une nouvelle alliance politique et militaire
avec l’Égypte, la Jordanie, les pays du Golfe et l’Arabie saoudite pour
bénéficier des moyens de l’armée arabe la plus équipée de la région. Mais cela
reste du domaine de l’hypothèse et pour le moins à longue échéance.
Personne n'évoque le fait que les modérés sont confortés par cet accord et qu'il est possible que le régime ne survive pas à l' onde de choc libertaire induite par les accords - en jouant les trouble-fête sans aucun espoir on se demande si Bibi n'est pas payé pour faire avaliser les accords par les durs du régime
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