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jeudi 5 mars 2015

DEUX VISIONS DU VOYAGE DE NETANYAHOU


DEUX VISIONS DU VOYAGE DE NETANYAHOU
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps



Réunion de l'Aipac
On peut appréhender le voyage de Benjamin Netanyahou selon deux visions politiques différentes. Il s’agit soit d’une péripétie controversée de la campagne électorale, soit d’une mission «historique» liée au nucléaire iranien. Le premier ministre a planifié deux discours à Washington. 
Lundi 2 mars, il s’est adressé aux délégués de la conférence annuelle de l'Aipac, le plus puissant groupe de pression pro-israélien où il a bénéficié d’un a priori favorable car l’Aipac a toujours soutenu les gouvernements israéliens, quelle que soit leur couleur politique. Le test n’était pas dans cette enceinte. Le discours du 3 mars face aux deux Chambres du Congrès, est considéré comme la mesure des conséquences de la polémique qui a éclaté entre Barack Obama et le Congrès. Le secrétaire d’État John Kerry a cherché à arrondir les angles et, en bon diplomate, il a déclaré que «Benjamin Netanyahu était évidemment le bienvenu pour parler aux États-Unis».


Aucune surprise


Susan Rice

Il n’y a aucune surprise à attendre devant le Congrès américain. Il est certain que Netanyahou n'aura pas le même accueil à l'applaudimètre, avec des congressistes debout. On décèlera certainement une tension qui atteindra son paroxysme lorsque le premier israélien prononcera son discours. Tout a déjà été dit à ce sujet. Barack Obama n’a pas apprécié qu’on le contourne et, de ce fait, il a décidé de ne pas recevoir Netanyahou pour marquer son exaspération. 
Interdiction de marcher sur la pelouse
Ce sera la première fois qu’un premier ministre israélien, en déplacement aux États-Unis, ne sera pas volontairement reçu par le président.  Susan Rice, qui conseille Barack Obama pour les questions de Sécurité nationale, a qualifié l’initiative israélienne de «destructrice pour la relation entre les deux pays», bien que Netanyahou ait répondu à une invitation des élus républicains du Congrès, certes sans en référer à la Maison Blanche.

Ceux qui ne veulent pas voir une démarche électorale expliquent que les Israéliens veulent peser sur les négociations sur le nucléaire iranien qui seraient sur le point de se concrétiser. Il s’agit pour Netanyahou d’encourager le Congrès à maintenir, sinon amplifier, les sanctions contre l’Iran. Mais Barack Obama a estimé que les pressions subies sont inadmissibles d’autant plus qu’il juge que les tensions sont attisées pour des raisons purement électorales.

  L’opposition israélienne crie au scandale car ce discours intervient à deux semaines du scrutin au moment où le Likoud ne décolle pas dans les sondages et où certains medias le placent même en deuxième position, lui enlevant ainsi le droit prioritaire à la constitution du gouvernement. 
Le centriste Yaïr Lapid, leader de Yesh Atid, a accusé le premier ministre de mettre en danger Israël. Il condamne son entêtement qui ouvre la voie à la signature d’un accord sur le nucléaire iranien. Affichant ouvertement son mépris envers Netanyahou qu’il rend responsable de l’escalade du conflit avec le gouvernement américain, Yaïr Lapid dénonce la possible désaffection et le retrait possible du soutien américain à l’État juif.

          La gauche critique le fait que les relations avec les États-Unis soient mises en danger pour des raisons intérieures. Le gouvernement estime le voyage indispensable pour agir immédiatement afin d’empêcher tout accord avec l’Iran. Mais si ses adversaires lui donnent raison sur le problème de l’Iran, ils le condamnent quand il cherche à affronter Obama.

Juifs en position délicate

Les Juifs américains sont en position délicate car ils n’aiment pas ces querelles qui les mettent en position d’arbitres alors qu’ils sont profondément des défenseurs d’Israël. L’opinion est partagée entre ceux qui défendent leur président malmené par les Israéliens et ceux qui comprennent, à juste titre, la problématique du nucléaire iranien.
La question fondamentale ne sera pas le contenu et les mots du discours qui sera lisse devant le Congrès, pour ne pas choquer et pour ne pas créer de rupture définitive. En revanche, on se polarisera sur le nombre de parlementaires démocrates qui seront présents. Les élus juifs ont déjà décidé d’être présents pour honorer le premier ministre. Mais les responsables américains bouderont la réunion. Le vice-président Joe Biden s’est trouvé un voyage en Amérique centrale pour justifier son absence tandis que John Kerry s’est envolé pour la Suisse, pour affaires urgentes dit-il.
Joe Biden

Le discours face à l’Aipac a déjà donné la tendance. Netanyahou ne cherchera pas l’affrontement et il continuera  à souligner que «l'amitié entre les États-Unis et Israël devient de plus en plus forte.» Il a déjà mis en garde contre toute interprétation prématurée de son discours devant le Congrès : «Mon discours ne vise pas à manquer de respect à Obama. L'Amérique et Israël sont plus que des amis, nous sommes comme une famille. Les désaccords dans la famille sont toujours inconfortables, mais nous devons toujours nous rappeler que nous sommes une famille».
  Les États-Unis savent que Netanyahou n’a aucun pourvoir pour infléchir la volonté de Barack Obama et certainement pas au moyen de pressions publiques jugées déplacées. Ils mettent ce déplacement sur le compte des élections du 17 mars. Le premier ministre veut prouver aux indécis qu’il est le seul garant de la sécurité d’Israël et que, contrairement aux accusations, il reste toujours ami des Américains malgré l’impression d’isolement diplomatique international d’Israël soulevée par la gauche.
Les termes du discours devant le Congrès ressembleront à ceux devant l’Aipac avec une petite note de dramaturgie pour marquer les esprits sur le danger que court Israël. Barack Obama s’est depuis longtemps fait sa religion. Il veut renouer avec l’Iran chiite pour stopper l’expansion de Daesh et lui laisser le soin d’éradiquer le danger djihadiste.  Il sait par ailleurs, et les chefs sécuritaires israéliens l’ont suffisamment martelé, qu’Israël n’est pas en mesure d’intervenir contre l’Iran sans le concours logistique et diplomatique américain. Le danger nucléaire iranien est devenu pour lui secondaire par rapport au danger de l’État islamique.
C’est pourquoi l’on pense dans les milieux diplomatiques que ce voyage n’aura aucune incidence sur les décisions américaines déjà arrêtées. D’ailleurs Barack Obama a prévenu qu’il opposerait son veto contre de nouvelles sanctions décidées par le Congrès à l’encontre de l’Iran.
Jeffrey Goldberg

Mais un résultat symbolique sera porté au crédit israélien. Le célèbre chroniqueur américain Jeffrey Goldberg, proche des démocrates et fervent critique de Netanyahou, s’est finalement rangé à l’avis israélien sur la menace iranienne. Il avait dirigé la campagne visant à empêcher le premier ministre israélien de s’exprimer devant le Congrès, mais il a finalement estimé que l’accord prévu avec l’Iran était risqué et que les mises en gardes israéliennes étaient «crédibles».
- Je crois qu'il est temps de discuter  - Parfait mais d'abord soit sympa et passe-nous cette clé

En fait ce voyage est risqué à double titre. S’il a été décidé pour s’opposer à la nucléarisation de l’Iran, il est fort probable que l’échec sera au rendez-vous car Netanyahou aura peu de chances de bloquer les décisions américaines. S’il s’agissait d’une péripétie de la campagne électorale, les experts vont calculer l’écart entre les voix obtenues par le discours devant le Congrès et celles perdues en raison de la détérioration des relations bilatérales. Aucun expert ne sera capable de s’exprimer à ce sujet avant le 17 mars.


2 commentaires:

  1. En s'exprimant aux uS, et pas devant le parlement chinois, russe ou français, Netanyahou va symboliquement montrer qu'Obama fait passer, en poursuivant un accord alambiqué avec l'Iran, les US de grande puissance ayant une vision pour le monde libre, à une puissance en déclin isolationniste et dont le rêve de liberté s'envole devant une supposée real politik. Je ne voterai pas Bibi, mais il se bat, là où d'autres ont honte.

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  2. Je reconnais son courage,a t-il raison je ne suis pas suffisamment bon analyste pour cela,mais peut-être n'a t-il pas complètement faux !

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