Pages

dimanche 15 février 2015

LA NOUVELLE LOI ÉLECTORALE FAVORISE LES ARABES ISRAÉLIENS



LA NOUVELLE LOI ÉLECTORALE FAVORISE LES ARABES ISRAÉLIENS

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps


Lieberman prépare le grand nettoyage

Les partis proposent et les électeurs disposent. En poussant le gouvernement à élever le seuil minimum pour entrer à la Knesset, de 2% à 3,25% des votants, c’est-à-dire au moins 4 députés, l’effet obtenu est à l’opposé de celui qui était escompté. L’idée noble de la loi était d’éliminer les micro-partis pour laisser les «Grands» s’entendre entre eux. L’instigateur de cette loi, Avigdor Lieberman, a en fait poussé les micro-partis à se réunir en une liste commune pour exister.


Extrême-droite

Liste d'extrême-droite

Ainsi l’extrême-droite israélienne devrait entrer à la Knesset grâce à l’apport des voix de l’orthodoxe séfarade dissident, Elie Yshaï, pour atteindre le minimum exigible. Lors des précédentes élections, les Kahanistes du parti Otzma n’étaient pas parvenu à mobiliser un minimum d’électeurs pour entrer au Parlement. Il est vrai que, malgré la virulence de leur dialectique anti-arabe, à la limite raciste, il était utile pour le bien de la démocratie qu’ils aient une tribune officielle pour s’exprimer. 
Rabbin Meir Kahane

On s’attend d’ailleurs à ce que, protégée par l’immunité de la Knesset, cette extrême-droite adopte un ton encore plus incisif pour attirer de nouveaux adeptes à leur politique exclusivement concentrée contre les Arabes. Certains observateurs estiment que leur présence ne prête pas à conséquence car il s’agit de Juifs sionistes qui exploitent leurs idées au paroxysme et qui ont peu d'audience.
Mais le problème devient plus sérieux quand il s’agit des partis arabes dont certains ne cachent pas leur haine du pays, leur haine des institutions, leur haine du gouvernement et parfois leur haine du Juif. Ils se parent derrière leurs droits démocratiques pour refuser d’entonner l’Hatikva, l’hymne national, le jour de l’ouverture de la session du parlement, de brûler le drapeau israélien à Oum El-Fahm au nom de la liberté d’expression et même de prendre langue ouvertement avec les ennemis du pays sous prétexte qu’ils ont besoin de soutien extérieur.

Une nouvelle tribune

Liste arabe unie

Chacun de quatre partis arabes d’Israël vivotait au gré des élections mais Lieberman leur a offert ce qu’ils n’étaient pas parvenus à obtenir d’eux-mêmes,  leur réunification, la première depuis la création d’Israël. L’électeur arabe de base refusait jusqu’alors de se prononcer face à un choix multiple et difficile mais à présent il peut donner sa voix à la liste qui le représente, sans exclusive. On s’attend donc à une baisse de l’abstention dans les villages arabes qui a été de 43% en 2013. Selon le principe de la proportionnelle intégrale, plus ils seront de votants et plus les voix engrangées leur donneront le droit à plus de députés. Certains sondages créditent aujourd’hui les Arabes de près de 15 sièges alors qu’ils plafonnaient jusqu’alors à 10 ou 11 lorsqu’ils concouraient séparément.
Lieberman s’est donc trompé en pensant éliminer l’un des micro-partis de la Knesset. Les  politiciens arabes ont réussi là où les orthodoxes juifs ont failli, s’unir au moins le temps des élections, quitte à reprendre ensuite chacun sa liberté. Deux ou trois députés arabes de plus ne changeront pas le spectre de la Knesset mais l’impact psychologique ne peut être négligé. L’opportunité d’une réunification est en cause car elle donne aux Arabes une force qu’ils n’ont jamais eue séparément. C’est le principe de l’arroseur arrosé. 
Même si leurs différences idéologiques ont été temporairement effacées, ils vont proposer aux électeurs arabes la puissance d’un mouvement unique qui se fera entendre dans l’enceinte de la Knesset parce qu’il pèsera avec plus de 10% des députés. D’ailleurs les Arabes eux-mêmes affirment que, face à la décision du gouvernement : «Notre réponse a été de nous unir pour devenir encore plus forts que nous étions avant».
Certes la liste commune est faite de bric et de broc, réunissant des politiques de divers horizons et d’idéologies contradictoires, une sorte d’alliance de la carpe et du lapin. Mais l’union en elle-même s’impose et pourrait booster des partis dont l’influence était jusqu’alors négligeable.

Quatre partis arabes réunis

Ayman Odeh

Le parti Hadash, front démocratique pour la paix et l’égalité, dirigé par Ayman Odeh, est le résidu de l'historique parti communiste israélien constitué de Juifs et d’Arabes partageant ensemble leur conception non- sioniste d’Israël et nostalgiques du marxisme de l’ère de l’URSS. Le parti soutient l’évacuation de toutes les implantations, un retrait complet d'Israël des territoires au-delà de la ligne verte, l'établissement d'un État palestinien, et le droit au retour ou l'indemnisation des réfugiés palestiniens. Le député juif Dov Khenin est présent à la 8ème place éligible sur la liste.
Raed Salah

Le deuxième parti composant la liste est le Mouvement Islamique israélien, dirigé par Raed Salah, dont le programme est de promouvoir l'islam parmi les citoyens arabes d'Israël. Il est actif sur trois fronts : religieux (éducation islamique, services religieux), social (services d'aide) et antisioniste (opposition à Israël et soutien au nationalisme palestinien).
Jamal Zahalka

Le parti Balad, Ligue démocratique nationale, dirigé par Jamal Zahalka, est la troisième composante.  Parti nationaliste arabe, il «lutte pour transformer l’État d’Israël en démocratie pour tous ses citoyens, quelle que soit leur nationalité ou leur origine ethnique». De ce fait, il conteste à l’État d’Israël la qualification d’État juif. Il prône la reconnaissance  des Arabes israéliens comme minorité nationale disposant d’une autonomie dans les domaines de l'éducation, de la culture ou des medias. Il soutient le principe de «deux États pour deux peuples». La droite israélienne estime que Balad a des positions anti-israéliennes en soutenant les ennemis d’Israël, notamment le Hezbollah libanais et le régime syrien.
Ahmed Tibi

Le dernier parti Taal, mouvement arabe pour le renouveau, est dirigé par Ahmed Tibi qui fut le conseiller personnel de Yasser Arafat et membre de la délégation palestinienne qui négocia les Accords de Wye Plantation, en 1998. Il s’agit d’un parti laïc, très introduit parmi les étudiants, comportant surtout des intellectuels arabes diplômés la plupart de l’Université hébraïque de Jérusalem.
La nouvelle liste arabe comprendra pour la première fois des nationalistes, des laïcs, des islamistes, des Juifs et des Arabes. Elle veut être un exemple pour le Moyen-Orient en raison de cette mixité. L’émergence d’une nouvelle force arabe, qui la placerait selon les sondages au-dessus de la liste de Naftali Bennett, serait un fait inédit en Israël. Un peu comme en France où l’on critique la politique de Mitterrand qui a porté le Front national au firmament, la loi proposée par Lieberman aurait un effet similaire en donnant aux partis arabes le sentiment d’une puissance méconnue et surtout le droit  d’être des arbitres entre la gauche et la droite. Il a aiguisé le sentiment d’appartenance à une communauté distincte mais avec qui on doit compter dorénavant.
Cependant malgré ses 15 sièges prévisibles, on voit mal la liste arabe participer à une coalition avec le camp sioniste mais elle pourrait apporter un soutien à un gouvernement minoritaire de gauche, ou une neutralité, si le camp sioniste arrivait en tête aux élections. En revanche elle pourrait favoriser la relance du processus de paix avec les Palestiniens et surtout travailler avec le gouvernement sur les questions sociales pour diminuer la pauvreté chez les citoyens arabes israéliens. 
Cette péripétie prouve que les politiciens votent des lois sans imaginer leurs réelles conséquences.



1 commentaire:

  1. Toutes les démocraties portent en elles-mêmes le germe de leur propre destruction. Pas besoin d'être expert en prospective pour réaliser que l'implosion d'Israël est programmée. Elle bénéficiera de cet accélérateur qu'est la démographie musulmane. L'éducation dispensée par le système israélien ne permettra pas une remise en question, voire une refonte du système, par les citoyens eux-mêmes. Nous pourrions alors connaître à nouveau, en tant que peuple, la soumission à une autre culture, entre les frontières mêmes du pays qui nous a été promis. Certains textes y font clairement allusion. Yaacov NEEMAN

    RépondreSupprimer