ISRAËL SERA ENFIN UN ÉTAT JUIF
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Déclaration d'Indépendance |
Ceux
qui ont fait leur alyah doivent être enfin rassurés. Ils sont bien venus en Israël pour poser leurs
valises dans un État juif car, jusqu’alors et jusqu’à la décision de
Benjamin Netanyahou de voter une loi dans ce sens, ils vivaient dans un pays
sans identité précise. Le gouvernement
israélien a approuvé, le 23 novembre 2014 par 15 voix contre 7, le projet
de loi fondamentale sur le caractère juif de l’État d’Israël. Mais rien n'est acquis puisque la Knesset se
prononcera sur ce texte dans les prochains jours.
Selon le premier ministre : «Cette loi est plus que nécessaire
au moment où beaucoup de gens remettent en question l’idée qu’Israël est le
foyer national du peuple juif. Je ne comprends pas aussi ceux qui appellent à
deux États pour deux peuples, mais qui en même temps s’opposent au caractère
juif de l’État d’Israël. Ils sont prompts à reconnaître un foyer national
palestinien, mais sont farouchement opposés à un foyer national juif».
Entêtement politique
Dans une sorte d’entêtement politique,
Benjamin Netanyahou remet à nouveau sur le tapis son projet de voir Israël
reconnu comme État juif. Plusieurs partis refusent cette loi qui mettrait en danger, selon eux, le sort de la
communauté arabe israélienne au sein du pays. Cela fait plus de 66 ans que l’État d'Israël existe sans qu’aucune autorité politique n’ait eu le besoin d’affirmer une
telle identité.
Même si le pays ne dispose pas
de Constitution, la déclaration d’Indépendance de l’État d’Israël fait foi et
elle est autrement plus légitime qu’aucune loi votée par la Knesset. Cette déclaration a déjà statué sur ce
problème en précisant que «le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale des
Nations Unies a adopté une résolution appelant à la création d'un État juif en Erez
Israël… Cette reconnaissance par les Nations-Unies du droit du peuple juif à
établir son État est irrévocable». Mais la phrase la plus révélatrice
entérine le fait que «ce droit est le droit naturel du peuple juif d'être
maître de son propre destin» puis en conclusion, les représentants juifs «déclarent
la création d'un État juif dans le pays d'Israël».
Menahem Hofnung |
Il n’est pas nécessaire de demander plus de critères pour caractériser
l’État d’Israël puisque ses textes constitutifs, qui priment sur toute autre
loi, entérinent ce qui pendant 66 ans ne faisait aucun doute. Sauf à user de
sémantique pour extraire l’essence des mots, la loi de Netanyahou semble donc
faire double emploi car la déclaration d’indépendance s’impose à toute autre
loi fondatrice. Menahem Hofnung, professeur de sciences politiques à
l'université hébraïque estime que : «Il existe déjà des lois stipulant
qu'Israël est juif et démocratique. Donc, je ne suis pas sûr de l'intérêt d'une
autre loi, si ce n'est de mettre un nouvel obstacle au processus de paix.»
État nation
En
fait la loi se définit comme «une loi de l’État nation» qui met la
démocratie en seconde position puisque Israël
est qualifié en priorité d’État juif avec une forme démocratique de
gouvernement et non pas d’État juif et démocratique. Tsipi Livni et Yaïr Lapid,
qualifiés de faibles par Netanyahou, n’approuvent pas ce texte. Lapid s’est
emporté contre cette accusation : «Ceux qui ne pensent pas comme vous
monsieur le premier ministre, sont faibles. Sur ce critère Menahem Begin et
Jabotinsky l’auraient été aussi». Les autres députés de Yesh Atid et
de Hatnoua s’opposent au projet de loi qui, compte tenu des oppositions, risque
de ne pas passer à la Knesset.
Méïr Cohen |
Le
ministre des affaires sociales, Meïr Cohen, estime que cette loi s’opposerait aux
principes fondateurs de l’État d’Israël puisque la déclaration d’Indépendance
définit Israël comme un État juif démocratique et cette définition régit
les bases du mouvement sioniste depuis sa création. Cette nouvelle formulation
met clairement et sans équivoque la dimension juive d'Israël au-dessus de la
dimension démocratique. Certains y voient une volonté de changer la nature
fondamentale de l'État et craignent que la loi juive, la Halakha, se substitue un jour au droit civil. La minorité arabe
risque d’être progressivement touchée ainsi que les Juifs laïcs dans le cadre
de mesures orthodoxes touchant à la vie publique. La volonté de court-circuiter
la Cour suprême, considérée vendue aux gauchistes, inquiète aussi ceux qui pensent
qu’un jour le tribunal rabbinique aura le dernier mot en droit.
Avec le risque d’annexion totale de la
Cisjordanie on pousserait ainsi de nombreux Israéliens à émigrer vers des cieux
plus cléments et moins radicaux sur le plan de la religion. En donnant une
connotation purement religieuse à un État qui s’appuierait sur les lois de la
Halakha, la loi religieuse, les tenants de ce dogme combattent en fait les
laïcs israéliens qui considèrent que leur identité s’exprime en dehors du
rabbinat. Ces derniers préfèrent la notion «d’État des Juifs» qui
enlèverait toute référence à la religion et qui permettrait, selon eux, la
coexistence avec les musulmans et les chrétiens dans un pays qui est aussi le
leur.
Sionistes historiques
On
a peu entendu le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, dont la
conviction laïque est clairement affichée. Leader populiste, il est gêné face à
ses électeurs constitués d’une communauté d’immigrés russes qui ont perdu leurs
repères juifs sous le régime soviétique. Il avait d’ailleurs proposé de
modifier le serment des députés de la Knesset pour qu’ils jurent dorénavant
leur loyauté non pas à «l'État d'Israël et à ses lois», mais «à l’État d’Israël en tant qu'État
juif et démocratique». Sa proposition n’avait pas été acceptée.
Gouvernement de Ben-Gourion en 1952 avec les religieux |
Les sionistes historiques, et
Ben Gourion en particulier, n’ont jamais milité pour la création d’un État
destiné à la religion juive, mais plutôt pour regrouper l’ensemble du peuple
juif soumis à des lois civiles et non religieuses. Le fondateur d’Israël avait
fait le choix de négocier avec les autorités orthodoxes un statu quo qui régit
les relations entre l’État, la religion et les religieux, avec, entre autres,
le shabbat et les fêtes juives comme jours fériés, le financement du rabbinat
et des institutions religieuses, ainsi que la reconnaissance et le financement,
dans le système éducatif, de courants religieux et orthodoxes.
Certes, il s'est appuyé sur
certaines sommités religieuses, les a associées aux décisions du pays, mais il
ne leur a jamais donné le droit de légiférer au moyen de la Torah. C’est pour
cela que les orthodoxes ont toujours été opposés à la création de l’État
d’Israël, surtout par des hommes laïcs. Derrière l'offensive sémantique des
dirigeants nationalistes se cache à peine le désir de faire d'Israël un État
peuplé uniquement de Juifs, de façon à décourager les Arabes d’envisager leur
avenir à côté d’eux. Mais en cas d’annexion de la Cisjordanie, il n’y aurait
pas d’autre choix.
Le président de l’État, Réouven Rivlin, a d’ailleurs sévèrement
critiqué cette proposition de loi : «Que recherchent les hommes qui
veulent promouvoir cette loi ? Pourquoi plutôt ne pas s’interroger sur les raisons
de la réussite de l’entreprise sioniste dans laquelle nous avons la chance de
vivre ?». La qualification religieuse de l’État d’Israël devient le nouveau
cheval de bataille du premier ministre qui risque ainsi de faire éclater sa
coalition gouvernementale.
C’est peut-être la stratégie choisie pour justifier des élections anticipées au moment où il se trouve très haut dans les sondages. Il pourrait ainsi rallier à lui les sionistes religieux et certains orthodoxes qui émargent dans d’autres partis que le Likoud. À moins que le premier ministre ne cherche, par cette loi, à camoufler son échec
de convaincre le monde occidental du danger de laisser l’Iran de devenir un État
nucléaire avec ses centrifugeuses et son combustible nucléaire.
C’est peut-être la stratégie choisie pour justifier des élections anticipées au moment où il se trouve très haut dans les sondages. Il pourrait ainsi rallier à lui les sionistes religieux et certains orthodoxes qui émargent dans d’autres partis que le Likoud.
Cette analyse est très inquiétante, la montée des nationalistes religieux, le poids exorbitant du Grand Rabbinat, l'évolution démographique sont des menaces pour la démocratie du pays qui pourrait devenir assez rapidement une théocratie. Il suffirait que dans l'Etat Juif, la source du droit soit juive, donc Halakhique, logiquement, les rabbins auraient le contrôle de la constitutionnalité des lois, c'est à dire leur conformité avec la Thora.
RépondreSupprimerComme en Iran, le politique serait soumis au religieux et il n'y aurait plus de démocratie, vu que la source du pouvoir ne serait plus le peuple.
On en est pas encore là, mais on en prend la route.
En relisant l'Ancien Testament je me suis demandé ce que le mot juif
RépondreSupprimerpouvait signifier.
La réponse qui m'est venue est que le mot juif signifie l'Homme, que ce livre est le livre des Hommes, de tous les êtres humains. Qu'il y a là d'écrit toute la geste commune, tout ce que nous sommes capables de faire dans notre histoire humaine qui ne fait que se répéter comme nous nous répétons de génération en génération, de gestation en gestation.
Et je comprends pourquoi je
trouve les croyants et pratiquants arrogants et vaniteux car ils
s'enferment dans une identité, se cachent derrière un masque pour ne
plus voir que leur fantasme, comme si le dieu leur appartenaient en propre et ils édifient des établissements et des états qui correspondent à leurs visions de cloportes et ainsi ils tuent le rêve et l'utopie de l'idéal commun qui devait rester une quête pour chaque être humain en
exil sur cette île terrestre.
Ceux qui se sont érigés en maîtres de
cérémonie, en gardiens non pas du livre mais de ses applications, ces
faiseurs de lois et de "on doit" sont les usurpateurs du trône de l'esprit, une élite qui pourfend l'intelligence qui est partagée naturellement entre tous les humains. Une élite qui se corrompe facilement quand elle est en contact avec les marchands de biens et les exploiteurs de la nature. Une élite qui peut utiliser les forces de
l’oppression impériale pour interdire la libre pensée de se dire, et
contre toute velléité de révolte légitime et naturelle du troupeau égaré par eux à force de divisions. Ils divisent pour régner avec les forces de l’ordre et instaurent des différences parmi les êtres humains.
Ceux qui sont trop différents, poètes et savants et libres penseurs seront
inquiétés, questionnés, éliminés et le troupeau soumis laissera périr
les meilleurs au prix de son propre malheur, les docteurs de la foi et
du mensonge leur inculqueront la haine de la liberté. Et, en cette fin, ils établiront la misère d’un coin à l’autre de la Terre. Il ne suffira plus de souffrir seulement à cause des épreuves de la vie elle-même, mais, en plus de s’humilier en nous sacrifiant pour des maîtres
idéologues. Alors, qu’étant tombés du ventre de notre mère – et déjà
sacrifiés à l’avance avec pour effet notre propre mort - , nous nous
étions relevés pour vivre debout, face à l’Éternel et sans rien ni
personne pour nous faire de l’ombre.
Heureux celui qui n’est pas aveuglé par la lumière des fous, heureux celui qui laisse venir à lui le
mystère et s’en contente.