L’EXCEPTION
TUNISIENNE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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La Tunisie reste une exception
dans le concert des Nations qui ont été secouées par les révolutions du printemps
arabe. Alors qu’on s’y attendait le moins, ce pays a été à l’origine, en
2011, des révolutions qui ont réussi à éliminer les dictateurs en Tunisie, en Égypte,
et en Libye et à secouer le régime établi en Syrie. Cependant, les révolutions
ont mal tourné sauf pour la nouvelle démocratie tunisienne.
En effet, conformément à la
Constitution promulguée le 7 février 2014, les élections législatives
tunisiennes, auront lieu le 26 octobre afin de désigner pour la première
fois les membres de l'Assemblée des représentants du peuple pour cinq ans, selon un scrutin proportionnel plurinominal. Elles seront suivies par l’élection, le 23 novembre, du président
de la République tunisienne pour un mandat de cinq ans.
Démocratie apaisée
Alors que
des coups d’État, et même des guerres, ont frappé les révolutions, la Tunisie
donne l’image d’une démocratie apaisée en raison de son passé politique.
Bourguiba s’était appuyé sur les syndicats durant la guerre d’indépendance qu’il
avait menée contre la France. En effet, le dirigeant historique Ferhat Hached
avait créé l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) et s’était distingué
en étant l'un des principaux chefs de file du mouvement national aux côtés de
figures comme Habib Bourguiba et Salah Ben Youssef. Les syndicats ont été les
véritables pouvoirs et les véritables opposants qui ont affronté le régime
colonial. C’est pourquoi Ferhat Hached a été assassiné par la Main rouge, organisation armée favorable à la présence française en Tunisie, qui pensait ainsi mettre fin à la rébellion tunisienne.
Meeting Ennahda |
Ferhat Hached avait insufflé cette culture syndicale qui a perduré
durant les dictatures de Bourguiba et Ben Ali. La puissance des syndicats a
pesé, et pèse encore, dans la vie politique tunisienne en prônant un pragmatisme salvateur.
C’est eux qui ont permis cette exception tunisienne. Mais la nouvelle réussite
démocratique est surtout due au comportement du parti islamiste Ennahda, qui
était sorti vainqueur des élections à l’Assemblée constituante mais qui a
préféré composer avec les laïcs pour faciliter la pluralité politique, quitte à
se mettre en retrait du pouvoir. Il a en effet décidé de prendre ses distances avec les Salafistes de Tunisie qui ont pollué l'atmosphère politique du pays.
Sérieux dangers
Mais de
sérieux dangers guettent la démocratie tunisienne naissante. La situation ne
s’est pas stabilisée pour autant car des forces obscures cherchent à faire
basculer le pays dans le chaos. Les djihadistes, qui ont pratiquement investi
la Libye voisine, se sont répandus en Tunisie en y apportant comme à leur
habitude la violence, le sang et le désordre.
Forces spéciales tunisiennes le 23 octobre |
Mais l’armée
tunisienne s’est défendue. Après 24 heures de siège le 23 octobre 2014, et un assaut meurtrier, les forces spéciales de la
garde nationale tunisienne ont quitté Oued Ellil, en périphérie de Tunis, sous
les applaudissements des habitants. Un agent de police avait été
abattu par balle en essayant de pénétrer dans une maison du quartier alors
qu’il procédait à deux arrestations. Mais des djihadistes, qui préparaient un
attentat y étaient cachés. L’assaut de la police a fait six morts, dont cinq
femmes, et un enfant blessé pour un djihadiste interpellé les armes à la main.
Cet
incident démontre que le terrorisme constitue le premier danger pour la démocratie
tunisienne car les islamistes maintiennent la pression contre le gouvernement. Huit
soldats avaient été sauvagement tués, certains égorgés, le 29 juillet 2013 lors
d’une attaque qui s’était produite quelques jours après l’assassinat du député
de gauche Mohamed Brahmi à Tunis. Tout récemment, le 17 juillet 2014, quatre soldats tunisiens ont été tués et d'autres
blessés dans une attaque terroriste sur le mont Chaambi, près de la frontière
avec l'Algérie, où l'armée traquait les djihadistes.
Des revenants
Cependant
les anciens dirigeants des deux précédentes dictatures n'ont pas renoncé au pouvoir et ils reviennent
au-devant de l’actualité. Ils sont prêts à tous les compromis pour retrouver
leurs anciens privilèges. Pour cela, ils ont investi les partis laïcs et en
particulier le principal d’entre eux, Nidda Tounes, dirigé par le candidat à la
présidentielle et ancien ministre de Bourguiba, Béji Caïd Essebsi, fin
politicien ayant une longue expérience derrière lui. Lors de sa première
apparition en public, il n’avait pas manqué de sortir le grand jeu.
Dans un
discours clair et rassurant drapé de versets du coran, d'humour raffiné et à
bonne dose, de références au «hadith» du Prophète Mohamed, il avait
réussi à envoûter tout un peuple. Grâce à des discours cohérents et des idées claires, il avait
rassuré et persuader les plus sceptiques : «je ne suis pas venu au
gouvernement pour parler mais pour agir». Mais il n’a pu empêcher les
revenants des anciens régimes de rejoindre pêle-mêle des militants de gauche et
de nombreux hommes d’affaires qui cherchent à protéger leur fortune ou à
participer à la distribution des nouvelles richesses.
D’autre part, le nouveau régime
est sur le coup d’un désenchantement d’une population qui souffre d’une
situation économique catastrophique. Depuis 2011, rien n’a été fait pour
améliorer le sort des classes défavorisées alors que des privilégiés profitent
de pans entiers de l’économie. Les Tunisiens sont désabusés et ils risquent de
marquer leur désapprobation en boudant les urnes. Le test sera fatal pour les
nouveaux dirigeants qui auront à convaincre la population que la transition
démocratique est en bonne voie et que le terrorisme djihadiste ne perturbera
pas la marche vers le progrès social. Les enjeux du scrutin sont effectivement
à l’ordre du jour et l’influence des élections législatives pourraient se
répercuter sur l’élection présidentielle si le taux d’abstention reste faible.
Les nouveaux élus devront trouver
les recettes pour remonter l’économie tunisienne et renouer avec les pays
occidentaux qui observent le nouveau régime avec suspicion.
un excellent article, il nous faut souhaiter que la Tunisie pousuive son chemin vers plus de démocratie et qu'elle ne reste pas une exception il faut l'aider à sortir du marasme économique et pour cela elle doit bénéficier d'une aide accrue de l'occident l'idée avancée d'un plan Marshall à l'image de celui dont a bénéficié l'Europe exsangue au sortir de la seconde guerre mondiale et qui l'a empêchée de tomber dans les rets de l'URSS est à creuser sérieusement.
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerPeut-être que votre "rêve fou" se réalisera-t-il dans le futur puisque la Tunisie a réussi ce qu'aucun pays arabe de la région n'a réussi, ni l'Algérie, ni la Libye, ni l'Egypte, c'est-à-dire d'organiser des élections démocratiques où les partis laïcs et religieux ont décidé de placer l'intérêt de la nation au-dessus de leurs propres intérêts.
Verra-t-on donc la mise en place d'un gouvernement d'union nationale - dont bien des pays se disant de démocratie avancée auraient besoin - qui permettrait le retour de la croissance, de l'investissement et du tourisme ?
Déjà certains n'ont pas attendu pour chanter les louanges de ce pays modèle politique pour le monde arabo-musulman. Cela ne va-t-il pas dans le sens de votre rêve ?
Très cordialement.