IRAN : UNE LONGUE SÉRIE D’ACCIDENTS OU D’ÉLIMINATIONS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Parchin en feu |
L’Iran est coutumier des problèmes
de fonctionnement dans ses centrales nucléaires. Périodiquement il revient au-devant
de l’actualité avec l’annonce d’un nouvel «accident».
Une explosion vient d’avoir lieu, le 6 octobre, dans le complexe de Parchin, à
une trentaine de kilomètres à l’est de
Téhéran. Selon les autorités iraniennes, l'ampleur de l'explosion a fait deux
morts et le flash a été ressenti à plusieurs kilomètres de l’installation
nucléaire. Bien sûr, les regards se sont portés sur les services occidentaux,
et sur Israël en particulier qui ne commente pas, comme à son habitude, ce
genre d’accident intervenu hors de ses frontières.
Guerre de l’ombre
Pour les autorités iraniennes, il ne
fait aucun doute que les Israéliens et les Américains sont les instigateurs de
cette guerre de l'ombre visant à entraver leur programme nucléaire. La
planification et la sophistication de ces opérations accréditent la thèse de
l'implication du Mossad, qui dispose du savoir-faire et des capacités pour intervenir
à l’intérieur des bases iraniennes en bénéficiant de complicités locales. Les
Israéliens pourraient ainsi faire comprendre aux Américains leur opposition au
programme nucléaire de Téhéran sachant que les sanctions n’ont pas eu d’effet
dissuasif sur le régime iranien.
Négociateurs nucléaires |
L'explosion vient à un mauvais moment et
décrédibilise les Mollahs alors que s’engagent les négociations sur le
nucléaire iranien qui doivent se terminer le 24 novembre. Ce 29 septembre à la
tribune de l’ONU, Benjamin Netanyahou a mis en garde l’Assemblée contre un Iran
doté de l’arme nucléaire et a réaffirmé la position claire d'Israël qui
n’acceptera jamais le développement d’armes nucléaires iraniennes. Cette usine
de Parchin, qui a subi une forte explosion, était déjà dans la ligne de mire de
l'agence de surveillance nucléaire de l'ONU qui avait demandé un contrôle de
ses services. Mais l'Iran avait refusé arguant qu’elle n’entrait pas dans les
installations ouvertes pour inspection.
Site de Parchin non contrôlé
Le complexe militaire de Parchin est une
base militaire qui n’est pas censée être un site nucléaire. L'AIEA soupçonne
l'Iran, depuis une dizaines d’années, d’y effectuer des tests d'explosifs servant
à la fabrication d’armes nucléaires. L’Iran a toujours refusé à l’AIEA l’accès
à ce site sous prétexte qu’il s’agissait d’une installation militaire
conventionnelle. Les services de renseignements confirment cependant que cette
usine produit des têtes nucléaires.
Commando-Shayetet-13 |
On ignore encore si l’accident est dû à
une défaillance technique ou à une action de sabotage occidentale. Aucun
service étranger n’a revendiqué la responsabilité de cette explosion laissant
cependant l’espace pour toutes les interprétations. En effet par coïncidence, le
chef d’État-Major israélien vient d’honorer les 500 blessés israéliens de la
guerre de Gaza en décernant en particulier des médailles d’honneur à l’unité
prestigieuse de commandos de la marine, Shayetet-13, spécialisée dans les
incursions terrestres par mer à partir de sous-marins. Sans donner de détails,
il a souligné que ces commandos étaient à l’origine d’une série d’opérations
secrètes réalisées au-delà des lignes ennemies. De là à laisser entendre qu’ils
avaient provoqué l’explosion dans le complexe iranien, il n’y a qu’un pas qui a
été franchi par différents médias. Selon le général Benny Gantz : «Ce qui caractérise les hommes de Shayetet,
c’est leur capacité d’initiative opérationnelle. Ils ne rechignent devant
aucune mission», sous-entendu des missions dans des territoires ennemis.
Têtes nucléaires
L’usine de Parchin est à la base du
programme nucléaire iranien puisqu’elle met au point les mécanismes d’explosion
et les détonateurs nucléaires à insérer dans une bombe aérienne ou une ogive de
missile. L’ampleur de l’explosion suggère que le nombre de victimes a été volontairement
minimisé. Les États-Unis ont immédiatement recueilli des échantillons d’air de
la zone de l’explosion, grâce à leurs drones, afin d’en faire une analyse
approfondie pour déterminer leur diagnostic final.
Shahab-3 |
Alors que les processus d’enrichissement
d’uranium et la construction d’un réacteur à eau lourde pour la production de
plutonium sont effectués au grand jour, la production d’armes nucléaire reste
secrète car l’Iran prétend que son programme est purement civil. Cela explique
pourquoi ces sites particuliers sont interdits aux inspecteurs de l’AIEA. Les
services de renseignement sont certains que l’Iran y construit des bombes à
insérer dans les ogives balistiques pour les missiles Shahab-3 et Sejil. D’ailleurs
l’activité nucléaire de Parchin est avérée puisque, depuis de nombreuses
années, les Occidentaux ont détecté que les Iraniens inondent d’eau la zone autour
de l’usine pour limiter la diffusion de la radioactivité. Le directeur général
de l'AIEA Yukiya Amano a exigé, en vain, des responsables du programme
nucléaire de Téhéran, le droit de visite de cet établissement. Les Iraniens
refusent car ils ont certainement quelque chose à cacher. Cela confirme ainsi
que les tests liés au programme nucléaire se sont toujours poursuivis malgré
les affirmations contraires américaines.
Drone israélien abattu |
Mais Israël, qui n’a jamais cru à
l’arrêt du programme nucléaire iranien, a toujours surveillé les installations sensibles
en Iran. D’ailleurs
en août 2014 un drone israélien Hermes-450, disposant d’un rayon d’action de
800 kms, a été abattu par la défense iranienne au-dessus de l’usine de Natanz,
après avoir décollé de la base aérienne de Nakhitchevan en Azerbaïdjan. Cet
appareil bénéficie d'un système de vidéo évolué et d’appareils de photo qui
peuvent capturer des images en couleur, de très haute résolution, dans toutes
les conditions météorologiques et même dans les cas de mauvaise visibilité. Les
drones disposent aussi de capteurs capables de mesurer les niveaux radioactifs
et de fournir des détails sur l'état d'avancement du programme d'enrichissement
d'uranium.
Hermes-450 |
Élimination de savants
Les services occidentaux, Israël en
tête, mettent tous les moyens pour freiner ce programme nucléaire. L’épopée du
virus Stuxnet, qui a contaminé 30.000 systèmes informatiques en Iran, avait
entrainé la mise hors d’état de fonctionner de milliers de centrifugeuses,
depuis remplacées. Le programme a donc connu de nombreux mois de retard et un
coût exorbitant de remplacement des matériels ce qui a permis à Meïr Dagan,
l’ancien patron du Mossad, d’affirmer que l’Iran n’aurait pas l’arme nucléaire
avant 2015. Mais en plus d’accidents, l’Iran a connu, depuis plusieurs années,
l’élimination de plusieurs de ses savants et responsables nucléaires.
Massoud Ali Mohammadi |
En janvier 2010, était assassiné le
physicien Massoud Ali Mohammadi à Téhéran. Il était sur son chemin pour donner
une conférence à l'Université Sharif de Téhéran lorsqu’une moto piégée a
explosé près de sa voiture.
Majid Shahriari, mort le 29 novembre
2010, physicien iranien spécialisé dans la physique quantique, travaillait au
Commissariat à l'énergie atomique iranien. Il fut victime d’un attentat à la bombe.
Selon l'hebdomadaire allemand Der
Spiegel dans son édition du mardi 2 août 2011, le Mossad israélien serait
responsable de l'assassinat du physicien nucléaire iranien Dariush Rezaei,
professeur de physique nucléaire de l'Université de Mohaaqeq Ardebili, dans la
ville d'Ardebil, situé dans le nord-ouest de l'Iran, abattu le 23 juillet 2011
devant sa résidence par un homme en moto non identifié. Le journal, qui cite
une source proche des services de renseignements israéliens, indique que cette
action serait la première opération dirigée par le nouveau chef du Mossad,
Tamir Pardo, et ferait partie d'un plan visant à saboter par tous les moyens le
programme nucléaire iranien.
Hassan Tahrani Mokaddem |
Le général Hassan Tahrani Mokaddem,
président de l’Institut du Djihad pour l’autosuffisance et les recherches,
affilié aux Gardiens de la Révolution islamique, par ailleurs parrain de
l’industrie des missiles iraniens, a été tué en novembre 2011 dans l'explosion intervenue
dans le camp «Malard», durant le
transport d’équipements militaires.
Mostafa Ahmadi Roshan |
En janvier 2012 un autre scientifique
nucléaire a été assassiné par une voiture piégée dans la rue. Mostafa Ahmadi
Roshan avait été administrateur de l’usine Natanz d'enrichissement d'uranium.
Deux
tueurs à gages à moto ont collé une bombe magnétique sur sa voiture le tuant sur
le coup, au nord de la capitale. Expert en chimie, il était impliqué dans le
développement du programme atomique de Téhéran. L'assassinat a eu de fortes
similitudes avec d'autres exécutions de scientifiques liés au programme.
En janvier 2013, Hassen Shatri Chetaari,
chargé des relations avec le Hezbollah et responsable des Gardiens de la
Révolution iraniens au Liban, avait été éliminé alors qu’il quittait le Liban
pour se rendre en Syrie. Il était officiellement chargé «des opérations de reconstruction du sud-Liban» mais les Israéliens
le soupçonnaient d’être chargé de la diffusion de techniques nucléaires, de
bombes sales, auprès du Hezbollah.
Enfin, le site iranien Alborz avait
annoncé qu’un fonctionnaire de l’unité d’élite des Gardiens de la Révolution,
Mojtaba Ahmadi, commandant du quartier général de la cyberguerre, avait été
abattu près de Karaj, une ville au nord-ouest de Téhéran. Il avait quitté sa
maison le 30 septembre 2013 et avait été retrouvé quelques heures plus tard,
mort de deux balles dans le cœur tirées à bout. Le modus operandi laisse
supposer qu’il ne peut s’agir que de l’œuvre d’un professionnel.
Il semble bien que les services spéciaux
occidentaux aient décidé de perturber le fonctionnement des centrales
nucléaires pour forcer Téhéran à négocier avant la date butoir du 24 novembre,
lui laissant comprendre, qu’en cas d’échec, ils laisseraient les Israéliens agir en toute
liberté. C’est la signification de ce nouvel «accident» nucléaire.
Mise à jour du 9 octobre 2014
Les effets d'une forte explosion dans le centre du complexe de Parchin peuvent être clairement vus dans les images satellite qui viennent d'être diffusées. Les analystes militaires ont détecté les signes révélateurs de "dommages correspondant à une attaque contre les bunkers dans une localité centrale au sein du complexe de recherche militaire".
Merci pour cet article Jacques ... difficile d'être plus complet sur le sujet !
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