GAZA : DÉMILITARISATION ET FORCE DE DISSUASION
Par Jean CORCOS
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Cabinet de sécurité |
Alors que l'on désespère d'une sortie de crise qui ne soit pas une victoire, même partielle, pour le Hamas, il faut rappeler un paramètre incontournable pour Israël, mais souvent mis de côté lorsqu'on évoque une paix théorique : celui de la sécurité. Si on veut résumer ce qu'on a entendu ces dernières semaines, les choses seraient très simples à condition d'aller jusqu'au bout d'une certaine logique.
1/ L'aile la plus radicale du gouvernement israélien,
celle de Lieberman, de Bennett et des partis qu'ils dirigent, raisonne en terme
d'élimination totale de l'ennemi, à savoir le renversement du mini-Califat de
Gaza et l'éradication de tous les combattants islamistes, du Hamas ou d'autres
organisations.
Passons en revue les limites rendant
périlleuse une telle hypothèse d'école : cela impliquerait, d'après presque
tous les analystes militaires, une campagne de plusieurs semaines, avec le
sacrifice de centaines de soldats, et cela sans compter une bonne année pour «nettoyer» la bande de Gaza, devenue un
des arsenaux en armes de tous genres les plus denses de toute la planète. Il y
aurait rapidement la gestion du jour
d'après, à savoir d'une part l'obligation de prendre en charge directement
une population hostile de plus d'un million et demi d'habitants, et d'autre
part la forte probabilité de faire face à une nouvelle Somalie, une multitude
de groupuscules djihadistes prenant la place du Hamas.
De tout ceci, le premier ministre, le ministre
de la défense et son État-Major en sont plus que conscients, et cela explique
leur gestion prudente du conflit ; hélas, le Hamas l'a également bien compris
et ceci explique sa stratégie de ne rien céder, dans la mesure où il pense que
les menaces d'Israël sont du bluff.
Démilitarisation de Gaza
2/ Benjamin Netanyahou dans son discours vers le
monde extérieur - en oubliant donc l'encombrant Lieberman qui ne propose rien
en rapport à sa fonction théorique de chef de la diplomatie - et les autres
membres du gouvernement imaginent une sortie de crise par le haut, qui associerait enfin un avenir meilleur pour les
Gazaouis et la sécurité d'Israël : «Que
la bande de Gaza soit démilitarisée, et alors on fera des concessions (sous
entendu la fin du blocus)», voici l'idée en résumé. Démilitarisation allant
de pair, bien sûr, avec une reconstruction et des investissements massifs pour
l'économie de la bande côtière.
Plusieurs éléments positifs sont à noter
pour ce scénario, et il convient de les mentionner ici car, étrange cécité, les
grands média français n'ont guère insisté là dessus. Dans une déclaration en
date du 20 août, François Hollande a dit que «l'objectif doit être une
démilitarisation et en même temps une levée du blocus» et que la bande de
Gaza «ne doit être ni une prison à ciel ouvert ni une base armée.
Sinon, les mêmes causes produiront les mêmes effets.» Position parfaitement
cohérente avec celle exprimée plusieurs semaines avant par les ministres des affaires
étrangères de l'Union Européenne, qui ont aussi appuyé cette demande
israélienne de démilitarisation, avec même - et c'était remarquable - une
petite avance sur les Etats-Unis.
Au-delà de la prise en compte de
la demande israélienne, ce désarmement du Hamas serait en effet un cuisant
échec pour la tactique de l'organisation terroriste, qui est à Gaza
parfaitement calquée sur celle du Hezbollah au Liban et sur celle du parrain iranien dans tout le
Moyen-Orient : on conserve l'objectif stratégique de destruction d'Israël, mais
on peut accepter des trêves le temps de se renforcer militairement ; on obtient
un dialogue avec les Occidentaux, mais on esquive leurs demandes ; on contraint
Israël à céder sur presque tout, mais on ne lâche sur rien.
Deux options
Notons en passant deux éléments
généralement survolés par les commentateurs. Premièrement, il n'y a pas de
contradiction entre la première option et la seconde, dans la mesure où le
Hamas refuse justement tout accord comprenant une démilitarisation : il
faudrait donc d'abord le défaire totalement pour pouvoir démilitariser.
Ensuite, une défaite sur le terrain ne suffira pas supprimer définitivement
pour Gaza le spectre de la base
armée évoquée par François Hollande. En effet, qui
réaliserait le «nettoyage» pour
collecter des armes offensives camouflées partout? Comment assurer, sans une
présence armée, la sécurité de la population du Territoire et de celle des
localités israéliennes proches ? Comment empêcher l'importation d'armements dans
le futur port ou au terminal de Rafah, sans une vraie force de dissuasion ?
Ceci, justement, dans le scénario d'une Somalie qui verrait des groupes radicaux tenter d'occuper
le terrain.
Conseil de sécurité de l'ONU |
Démilitarisation rime
donc avec Force de dissuasion, et cela
ramène naturellement à la présence nécessaire d'une force internationale, ayant
un mandat du Conseil de Sécurité de l'ONU mais surtout des objectifs précis et
une résilience face aux difficultés sur le terrain. C'est justement un sujet
sur lequel les principales puissances occidentales ont déjà commencé à
s'engager : le 22 août, on apprenait l'initiative au sein
des Nations Unies de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la France et des États-Unis,
préconisant notamment un transfert du pouvoir dans le Territoire, du Hamas vers l’Autorité Palestinienne ; le
contrôle des activités à Gaza par des forces internationales ; et une reprise
accélérée des négociations de Paix entre Israéliens et Palestiniens.
Force internationale
Imaginons donc cette
force multinationale constituée, supposons résolus les problèmes triviaux mais
réels de moyens (les États-Unis refusent tout engagement au sol depuis leur
retrait d'Irak, et les pays européens ont vu fondre leur budget militaire comme
neige au soleil). Trois précédents historiques douloureux pour Israël existent,
qui font douter de l'application dans la durée de sa mission. Rappelons-les,
pour vraiment planter un décor objectif. Et cela, sans aucun parti pris du
genre le monde entier est contre nous,
vieille obsession juive et discours classique de la plus nationaliste des
droites israéliennes ...
Forces de l'ONU en 1957 |
- Entre 1957 et le
printemps 1967, le Sinaï fut démilitarisé suite à la guerre de Suez. Des
troupes de l'ONU y assurèrent une paix parfaite sur les frontières sud du pays jusqu'au
17 mai de cette année, lorsque l'Égypte de Nasser réclama leur départ, qui fut
accepté, à l’époque, sans aucune résistance du Secrétaire Général des Nations
Unies. Que se passerait-il demain si l'Autorité Palestinienne, changeant de direction,
réclamait le départ immédiat de ces nouveaux casques bleus ?
- En septembre 1982,
suite à l'invasion du Liban par Israël et à l'expulsion de l'OLP du pays, et
pour accélérer le retrait des forces israéliennes dans un pays déchiré par la
guerre civile, l'ONU mit en
place une force de maintien de la paix dénommée Force multinationale de sécurité. Elle comprenait 2.000 soldats
français, 1.600 américains et 1.400 italiens, plus un petit contingent
britannique. Deux effroyables attentats
aux camions piégés massacrèrent le 23 octobre 1983, en quelques minutes, 241
membres de l'US Army et 58 parachutistes français dans leur quartier général de
Beyrouth : quelques mois après, la Force multinationale pliait définitivement
bagages, sans gloire ; et le Hezbollah, auteur de ces attentats, pouvait
commencer sa méthodique mainmise sur le pays.
Troupes de la FINUL |
- Le 11 août 2006, la résolution 1701 du Conseil de
Sécurité de l'ONU était censée mettre un terme à la deuxième guerre du Liban,
et garantir les conditions sécuritaires associées à un nouveau retrait des
forces israéliennes du pays. Elle prévoyait notamment : «l'application intégrale des
dispositions pertinentes des Accords de Taëf et des résolutions 1559 et 1680
exigeant le désarmement de tous les groupes armés au Liban ; l'exclusion de toute force
étrangère au Liban sans le consentement du Gouvernement libanais ; l'exclusion
de toute vente ou fourniture d'armes et de matériels connexes au Liban, sauf
celles autorisées par le Gouvernement libanais.»
Depuis, le Hezbollah n'a
fait que croitre et embellir, et la FINUL n'a jamais entrepris quoique ce soit
pour affronter la puissante armée chiite.
En résumé, toute solution à
la fois idéale et équilibrée, et pour les Palestiniens de Gaza et pour Israël,
disparaitra comme un château de sable si la volonté politique n'existe pas - dans
les gouvernements occidentaux comme dans leurs opinions publiques - de résister
à la violence par la violence. Et on peut, malheureusement, douter de cette
volonté.
Tout le problème est là,personne pour faire en sorte que la démilitarisation soit effective,c'est pas l'europe et encore moins les états-unis.
RépondreSupprimerIl va bien falloir trouver une solution et pas au détriment d'Israël ce serait trop facile .