HOLLANDE CHASSE SUR LES TERRES
AMÉRICAINES D’ARABIE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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François Hollande veut prouver qu’il réussit mieux à l’étranger qu'en politique intérieure. Il a décidé de chasser sur les terres américaines en se rendant les 29 et 30 décembre 2013 en Arabie Saoudite, accompagné du PDG de Thales Jean-Bernard Lévy, pour négocier de gros contrats de matériels de défense pour un montant de 4 milliards d’euros pour le Mark-3 et 20 milliards pour le Sawari-3.
Mais il n’y
a pas qu’un seul enjeu économique dans cette visite. Le président va
chercher à agréger autour de lui le mécontentement arabe après la prise de
position américaine sur le nucléaire iranien. L’inquiétude en Arabie est telle
que le royaume cherche à présent à renouveler sa défense aérienne avec Mark-3 et à moderniser sa
flotte marine et sous-marine avec le contrat Sawari-3 qui porte sur la vente de
six frégates Fremm et la création d’une force sous-marine. Le contrat Lex d’un
milliard d’euros a déjà été signé pour la rénovation de quatre frégates et de
deux pétroliers ravitailleurs de la marine saoudienne.
Frégate saoudienne |
Le président français estime que : «L'Arabie saoudite
est un partenaire de confiance et de référence pour la France au Moyen-Orient
et il s'agit de conforter cette relation excellente». François
Hollande veut exploiter les craintes du
royaume pour se rapprocher de l’Arabie qui est pourtant un allié
historique des États-Unis. En février 1945, un pacte politique et militaire avait
été signé par Roosevelt et le roi Ibn-Saoud et il a toujours été respecté. C’est dire la vigueur des
relations entre les deux pays.
Cependant les relations ne
sont plus ce qu’elles étaient depuis le revirement de Barack Obama vis-à-vis de
l’Iran. L’Arabie avait d’abord marqué sa mauvaise humeur en refusant le siège
de membre non-permanent au Conseil de sécurité des Nations unies alors
que les Américains avaient mobilisé leurs alliés à l’ONU pour faire élire le
Royaume. Mais l’Arabie conteste le refus des Américains de frapper
militairement le régime de Bachar Al-Assad et leur décision de renouer des
liens avec l’Iran. Elle est en effet le principal soutien du CNS (coalition
nationale syrienne) qui, avec les djihadistes, tentent de faire tomber le
régime syrien. D’ailleurs le royaume a permis l’élection de son président Ahmad
Jarba contre le candidat du Qatar.
Ahmad Jarba |
Stratégie
politique
D’autre part,
le royaume reproche aux Américains de ne pas s’être engagés, après la chute de
Morsi, auprès des nouvelles autorités militaires d’Égypte, dirigées par le
général Al-Sissi, ce qui a contraint les Saoudiens à compenser l’absence d’aide
économique américaine. Les Wahhabites d’Arabie ne peuvent pas accepter une
réconciliation avec leur ennemi historique chiite. Ils craignent que le
renouveau des liens avec l’Iran favorise un soulèvement des populations chiites d’Arabie
qui peuplent en majorité les régions pétrolifères. Dans ce domaine, ils se sont
retrouvés en pleine concordance avec la stratégie d’Israël qui trouve un moyen de briser ainsi son isolement diplomatique et de se rapprocher d'un autre pays arabe.
François Hollande
s’était installé, depuis son élection, dans la posture du meilleur allié de
l’Arabie et avait déclaré «partager la frustration» saoudienne. Mais la
France ne vise pas uniquement un accord politique mais plutôt économique. Le
ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a déjà effectué trois
visites officielles durant l’année et avait invité les forces spéciales du
royaume à s’entrainer en Corse avec l’armée française. En tant que breton il
avait par ailleurs favorisé la reprise du producteur de poulets Doux, installé dans sa région, par le
groupe saoudien Almunajem.
Poulets doux vendus en Arabie |
Le ministre le Drian a préparé le déplacement du
président à l’occasion de trois visites durant lesquelles il avait été reçu en
audience par le Roi Abdallah bin Abdelaziz Al Saoud. Les entretiens du président Hollande
porteront sur le partenariat politique et stratégique qui lie les deux pays :
«Ils doivent permettre de conforter notre convergence de vues sur les
grandes crises régionales, au premier rang desquelles figurent la crise
nucléaire iranienne et la crise syrienne. L'Arabie saoudite, partenaire
historique de la France en matière de défense, entretient avec notre
pays un dialogue militaire et de sécurité confiant, qui se traduit par une
étroite coopération de défense dense et un partenariat approfondi dans le
domaine des équipements, au profit de la sécurité du Royaume et de l'ensemble
de la région».
Menace djihadiste
Israël est bien sûr intéressé par le renforcement militaire de
l’Arabie car les six frégates Fremm et les sous-marins, faisant l’objet de
contrats, pourront aider à la sécurisation de la région en patrouillant dans
les eaux de la Mer rouge. Le réchauffement des relations entre la France et Ryad, qui avaient
connu une froideur durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, entre aussi dans la
stratégie anti iranienne de l’État juif. Mais Israël doit trouver un moyen de surmonter le
paradoxe de la position saoudienne dans la région qui, tout en se rapprochant des thèses israéliennes, finance et arme les groupes
djihadistes régionaux.
Djihadistes syriens |
La menace djihadiste était relativement nouvelle et
les services de renseignements israéliens avaient du mal à traiter ce problème
car ces organisations fonctionnent en groupements autonomes, dans des camps
dispersés, avec une difficulté de fixer précisément leurs zones d’activité. C’est
une menace nouvelle depuis l’avènement des révolutions arabes qui s’inscrit
dorénavant dans la stratégie d’Israël. D’ailleurs le Cabinet de sécurité est
conscient de la donne nouvelle et, récemment encore, il s’est penché sur les
mesures qu’il doit prendre alors que jusqu’à présent il s’était contenté d’observer
les bouleversements dans le monde arabe. Une collaboration tri partite avec la France
et l’Arabie pourrait être la nouvelle stratégie à l’aube de 2014.
Israël approuve François Hollande de jouer la carte
saoudienne car les dossiers traités : le Liban, la
Syrie et l’Iran concernent aussi l’Etat juif. De source élyséenne on affirme que les discussions entre le
président Hollande et le roi Abdallah seront axées sur la protection de la
stabilité du Liban et sur la préservation de ses institutions constitutionnelles. Sur le plan
libanais, il y a une convergence de vue franco-saoudienne concernant la situation
tendue au Liban : «Nous ne voyons pas comment l’Arabie saoudite
pourrait mettre la pression sur les dirigeants libanais pour faciliter la
formation du gouvernement. Il faudra plutôt mettre la pression avant tout sur
le Hezbollah».
Israël a apprécié que les Français aient quitté leur
position neutre pour s’engager dans la bataille contre le Hezbollah et la
Syrie. L’offensive menée tout azimut par l’Arabie saoudite pourrait permettre à
la France de reprendre pied dans la région après en avoir été écartée par les
Américains. Avec l’aide du royaume, François Hollande pourrait intervenir dans
des dossiers sensibles, et même les contrôler grâce au pouvoir financier de l’Arabie.
Merci Jacques, un article richement documenté ...
RépondreSupprimerje reviendrai sur les relations Israël-Arabie Saoudite avec un prochain invité, toujours à la lumière inquiétante du rapprochement Iran-USA.
Ceci étant, certains analystes doutent vraiment que cette Monarchie devienne "amie", voir ici :
http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-4462826,00.html