JUIFS DE FRANCE : UNE PANIQUE INJUSTIFIÉE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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La presse francophone en Israël se réjouit du départ précipité vers
Israël de certains Juifs français tandis que la presse de France glose sur cette
information. Les quotidiens qui titrent en première page sur ce phénomène n’ont
pas une démarche innocente. Ils poursuivent des objectifs politiques sournois : ils
veulent appuyer le fait que tout va mal en France puisque, selon eux, même les Juifs fuient.
Mais ils cherchent aussi à démontrer que les Juifs ne s’assimilent pas et qu’ils
se considèrent comme étrangers puisqu’ils quittent le pays à la première occasion, surtout lorsque des raisons fiscales justifient leur décision. Les motivations de ces journaux sont loin d'être claires et certains utilisent les Juifs pour régler leur compte avec le gouvernement.
L’Agence juive, chargée de préparer les candidats à l’alyah,
la montée en Israël, ne s’est jamais
trouvée aussi débordée et il faut effectivement attendre plus de quatre mois
pour obtenir un rendez-vous pour déposer un dossier d’immigration. Dans les neuf mois de l’année 2013, 2.185 Juifs
français se sont installés en Israël contre 1.469 pour la même période de l’année
dernière. mais quelques centaines de nouveaux immigrants ne font pas le printemps juif. La presse fait ses choux gras de cette progression, certes
spectaculaire mais très relative lorsque l’on sait que 400.000 Juifs vivent en France
et que, dans les années 1990, 20.000 Juifs quittaient l’ex-URSS chaque mois. La
France est loin de se vider de ses Juifs. Il lui faudrait plus de deux siècles à ce rythme
Des nouveaux venus |
Antisémitisme relatif
Immigration de juifs |
Aucune raison ne justifie cette panique car l’antisémitisme n’y est
pas plus virulent qu’auparavant et rien ne laisse présager un antisémitisme d’État
qui mettrait les Juifs en danger. Certes les islamistes prennent une place de
plus en plus envahissante mais ils mettent en danger l’équilibre de toute la nation
française et non celui des seuls Juifs de France. La permissivité dont ils
bénéficient n’est pas nouvelle puisqu’elle a sévi sous tous les régimes
politiques depuis vingt ans, de droite comme de gauche. Bien sûr le nouveau risque
fiscal qui taxera certains comptes de Français en Israël, à compter de
2015, y est aussi pour quelque chose dans cette volonté de devenir israélien mais il concerne surtout les grandes fortunes.
Arrivée de Juifs à Haifa |
Au moment où l’on exhume l’histoire du départ en masse des Juifs
des pays arabes, au lendemain de la création de l’État d’Israël, le
rapprochement avec cet épisode historique devient déplacé. En effet, l’émigration
juive a eu trois fondements. L’émigration par idéal sioniste est celle qui
conduit à une réussite presque totale car les candidats organisent leur départ
souvent en groupes, se préparent à leur nouvelle vie avec une acceptation
réfléchie des sacrifices qu’ils auront à supporter. Et il ne s’agit pas uniquement
de sacrifices financiers mais aussi de renoncements culturels.
Réfugiés juifs d'Egypte en 1957 |
L’émigration
forcée concerne les juifs qui sont expulsés après des siècles de vie dans un
pays où ils étaient parfaitement intégrés même s’ils bénéficiaient d’un statut
de dhimmis, en quelque sorte de citoyens de deuxième zone. Enfin l’émigration
contrainte parce que la sécurité n’était plus assurée par des gouvernements
complices de leurs extrémistes. L’alyah de France ne s’insère dans aucun de ces
trois schémas.
Alyah Boeing
Les autorités israéliennes ne se réjouissent pas d’une immigration
brutale non réfléchie qui nécessite une intégration planifiée. Non organisée, elle conduit invariablement à l’échec et au retour en
masse de ceux qui croyaient retrouver leur eldorado, au moins historique.
Passer d’un pays francophone à un pays où l’anglais et les traditions anglo-saxonnes sont le
lot de tous les jours implique des difficultés d’intégration qui ne peuvent se
résorber qu’avec le temps et la volonté.
La Sorbonne |
La reconnaissance des diplômes français
est loin d’être acquise quand elle n’est pas conditionnée par une expertise
approfondie de la langue hébraïque. Pour les Israéliens, si l’on n’a pas fait la Sorbonne, seule
université connue et reconnue en Israël, on n’a aucune compétence même si l’on
sort de Centrale, d’HEC ou de Polytechnique. Les avocats français ignorent le
droit anglo-saxon appliqué en Israël. La structure des centres de soins diffère
de la médecine libérale en usage en France et un salaire mensuel de 15.000
shekels dans un hôpital ou un dispensaire risque d’être insuffisant pour un
médecin à la tête d’une petite famille.
Alors les nouveaux venus contournent
les difficultés professionnelles en continuant à travailler en France durant la
semaine pour passer le week-end en Israël. Mais les retours vers la famille s’estompent,
techniquement et progressivement, pour s’espacer en entrainant un déséquilibre
du couple et des enfants.
C’est pourquoi l’alyah doit se préparer dans son pays d’origine, à
la manière américaine, par l’apprentissage approfondi de l’hébreu, par une
reconversion professionnelle éventuelle dans sa langue maternelle, et par une
prise en compte psychologique d’un déracinement que tout idéal sioniste ne peut
estomper. Certains candidats à l’émigration ont déjà des problèmes en France et
ils pensent les résoudre sans se rendre compte qu’ils sont décuplés en arrivant
en Israël car les problèmes matériels se couplent aux problèmes familiaux.
Solidarité communautaire
Enfin les Français doivent apprendre en Israël la solidarité
communautaire qui devrait les unir en une seule entité qui pèse pour être plus
efficace. Comme dans tous les pays, des réseaux existent, ceux de l’université,
ceux de l’armée, ceux du pays d’origine, ceux des anciens de... Les Français qui
arrivent en Israël ne peuvent donc être intégrés à aucun réseau digne de ce nom
qui peut leur adoucir leur déracinement pour éviter l’échec honteux du retour, plus de 30% selon les statistiques non publiées. Les Juifs d’Afrique du nord se sont
parfaitement intégrés en France, en partant de rien, car le réseau
communautaire a bien fonctionné pour favoriser les échanges à travers une
collaboration désintéressée.
Il est triste de dire qu’en Israël rien de tel n’existe comme si les difficultés individuelles entrainaient un égoïsme justifié à postériori. Les clans se divisent, se déchirent et s’invectivent au lieu de se bonifier et cela devient du chacun pour soi. La fracture religieux-laïcs s’est intensifiée alors qu’elle était le ciment en Diaspora.
Il est triste de dire qu’en Israël rien de tel n’existe comme si les difficultés individuelles entrainaient un égoïsme justifié à postériori. Les clans se divisent, se déchirent et s’invectivent au lieu de se bonifier et cela devient du chacun pour soi. La fracture religieux-laïcs s’est intensifiée alors qu’elle était le ciment en Diaspora.
Alors il faut être être moins prolixe et discret en parlant de l'alyah et cesser de glorifier cette croissance timide de l’immigration
française si la mentalité ne change pas au profit du bien commun.
Comme souvent dans vos articles, il y a des constats pertinents, mais des analyses qui, de mon avis, le sont moins.
RépondreSupprimerQui a parlé « de départ précipité vers Israël de certains Juifs français » ?
Il y a certes un mouvement de reprise avec des effets d’entraînement, mais point de précipitation.
Que la presse de France glose sur ce phénomène, c’est sont problème, elle serait mieux inspirée de s’interroger sur sa responsabilité dans la montée du sentiment anti-israélien, et par voie de conséquence, ant-Juif.
« Même les Juifs fuient », dites-vous. Non, les Juifs ne fuient, ils concrétisent un projet depuis si longtemps remis à demain, leur « retour à Tsion ».
Bien entendu que « les Juifs ne s’assimilent pas », mais il ne faut pas confondre assimilation et intégration. Parce que, qui mieux que les Juifs sont intégrés là où depuis des générations ils sont installés ?
Il est donc faut d’insinuer « qu’ils quittent le pays à la première occasion », et surtout pas pour des raisons fiscales », motif stupide et pernicieux inventé je ne sais par qui et que le projet de taxation de certains comptes de Français en Israël, n’y est pour rien dans cette volonté de devenir israélien, et concerne même même si peu les grandes fortunes qui iront voir ailleurs qu’en Israël.
C’est vrai que l’Agence juive est débordée, mais il est aussi vrai que l’AJ n’est pas, ou plus à la hauteur de sa mission.
Il est vrai aussi que « la France est loin de se vider de ses Juifs ». Alors que dans d’autres circonstances autrement plus tragiques, les Juifs ne le firent pas.
Il est infondée de parler de panique, alors que, contrairement à ce que vous prétendez, l’antisémitisme y est plus virulent qu’auparavant, c’est-à-dire depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, et que si l’on ne peut pas parler « d’antisémitisme d’État », l’Etat français est quand même infiltré de ces nouveaux antisémites que sont les prétendus ‘antisionistes » à travers les « Verts », l’extrême gauche, des gens du PS et du PCF qui militent pour la délégitimation d’Israël et en faveur du BDS.
Sans parler de glorification, je me demande en quoi cette croissance encore timide de l’immigration française vous gêne ?
Est-ce le projet sioniste dans lequel vous ne vous reconnaissez pas ?
Rien ne justifie la panique de certains juifs en France, les problèmes liés à la délinquance dans les cités concernent tous les français, et partir en Israël ne résoudra rien, il y a aussi là bas de la délinquance. Les autorités françaises protègent leurs ressortissants, et aucun parti n'est favorable à l'antisémitisme.
RépondreSupprimerPour la sécurité des juifs du monde entier, il faut lutter contre le foyer d'infection principal de l'antisémitisme : l'antisémitisme islamique, il faut le traquer dans les mosquées, auprès des officines de gouvernements corrompus et racistes. La France,comme le reste du monde occidental est contaminable, et ce ne sont pas les français qui sont les plus atteints;
Pas d'accord et illogique. Les premières aliyot agissaient dans un but purement sioniste . Comment le pays d'Israël eut été bâti aussi rapidement ? Ce n'est pas dangereux du tout et il y a des juifs qui resteront en Amérique non pas pour défendre Israël, mais pour défendre leur propre condition. Quand on aime un pays on y réside ! C'est là qu'on peut être le plus utile. Les français installés outre-mer ne luttent pas pour l'intérêt de la France ?
RépondreSupprimerSi je ne croyais pas au projet sioniste, je ne vivrais pas en Israël alors que rien ne m’y oblige.
RépondreSupprimerMais je ne suis pas partisan d’une alyah de masse non préparée. Les Français de 1962, avaient fait une tentative mais ont réintégré le sol français. De l’alyah française des années 1970, tous sont repartis à l’exception de David Harari. Cela était dû à une mauvaise organisation de leur intégration.
Je ne voudrais pas que cela se reproduise en 2013.
Trop de juifs oublient que le 'ça' freudien ne se limite pas forcément aux pulsions criminelles notamment antisémites; qu'il englobe aussi, par exemple, la peur, l'angoisse, la phobie, l'irréflexion... Et ils tiennent des discours qui ne nuisent pas qu'à eux, mais aussi à leurs coreligionnaires, parents et alliés athées & co. M. Benillouche met le doigt sur quelques points notables, et certains commentaires ne sont pas à l'honneur de leurs auteurs. Imaginez une capture d'écran, et l'usage que certaines personnes très mal intentionnées feraient de cela. Il faut être exemplaire personnellement et pour le bien de tous, et mériter des prix nobel, pas se vanter de ceux de ses cousins éloignés. Je m'indigne souvent, comme vous, des mêmes choses que vous. Essayons cependant de ne pas nous rabaisser au niveau des ignorants, des aveugles, des humoristes grossiers, des violents et des méchants.
RépondreSupprimerVotre vision est juste et claire.
RépondreSupprimerC’est une communauté juive au bord du précipice comme on vient de le voir lors des élections au Consistoire.
C’est fort inquiétant ! Alors que les juifs de France sont mal perçus en Israël.
Le mot panique est certainement exagéré :
RépondreSupprimerCependant se créent des périodes charnières pendants lesquelles différents signes et événements laissent présager un vent néfaste pour les juifs en Europe.
- l'insécurité de leurs enfants à l'école
- le nombre croissant de dépôts de bilan qui conduit certains ex-chefs d'entreprise à envisager un autre milieu pour se reconstruire.
- le conseil de l'Europe qui demande que l'on considère la circoncision comme un délit.
- l'amalgame populaire, désormais acquis, entre judaïsme et sionisme, souligné par un antisionisme d’État.
- Une société, qui était ouverte à tous dans les années 60, qui se transforme en société de communautarismes accolés.
- le manque de clarté d'un projet politique.
L'ensemble de ces choses en conduisent nombreux à s’interroger sur leur avenir.
Cependant imaginer qu'en transplantant leur mode de vie actuel dans un autre pays ils auront trouvé la solution reste une erreur fondamentale.
Car refuser leur environnement actuel ne les conduira pas à accepter et être accepté dans un environnement encore plus différent, sauf à apprendre un nouveau mode de vie, totalement différent, malgré les apparences, du mode de vie « à la Française » dans lequel ils ont été élevé.
Mais qui parle panique ? Les nouveaux olim que je rencontre en nombre, ne serait-ce qu'à l'oulpan de Netanya, n'ont nullement l'air paniqués. De tous les âges, majoritairement jeunes, certes beaucoup viennent de secteurs "sensibles" d'Ile de France et de Toulouse, mais c'est surtout l'amour d'Israël qui a dicté leur choix. Qu'est-ce que cela signifie "partir en Israël ne résoudra rien, il y a aussi là bas de la délinquance" ? Si, cela résoud un vœu vieux de presque 2000 ans et c'est bien suffisant ! Quant à dire que "partir en Israël ne résoudra rien, il y a aussi là bas de la délinquance", c'est comme si l'on avait dit avant 1948, ne fuyez pas l'Europe, il y a aussi des problèmes là-bas ! Bien heureusement des Juifs debout en tinrent compte et firent face et sont parvenus à faire qu'Israël réexiste. Michel Levy, vous avez bien sûr le droit de rester vivre à Dijon qui est une ville agréable, proche de ses cités sensibles que je connais bien professionnellement, mais n'en découragez pas autrui et surtout ne péjorez pas leurs choix. Bonjour d'Israël.
RépondreSupprimerLa panique dont parle Jacques c est celle qu'on attribue aux Juifs de France...ceux qui sont â Natania n'ont aucune raison de paniquer ,ils ont fait leur choix...cela dit ,l'article est plein de bon sens et met en garde ceux qui se laisseraient influencer...changer de vie ne peut être laissé au hasard et puis n'est ce pas qu'Israël à besoin de la diaspora comme la diaspora a besoin d'Israel
RépondreSupprimerHuguette Bokobza, parler de "panique" est exagéré et ne correspond pas à la réalité du terrain. Est-ce que cette assertion résulte d'un travail d'enquête sur le terrain ? Assurément non, ou alors que l'on me cite des sources. Je me déplace d'un oulpan à l'autre et je discute sur les motivations des nouveaux "olim hadachim", leur motivation première à faire leur alyah n'est pas la panique. Alors pourquoi laisser croire cela ? Qu'il y ait dans la "masse" des nouveaux arrivants en Israël des individus qui auraient leur alyah sans grande évaluation préalable, c'est possible, mais ils faut les chercher tant ils ne représentent pas la tendance de l'ensemble. De même qu'il y en a inévitablement toujours eu, il est possible qu'il s'en trouve encore. Mais laisser croire que c'est une tendance dominante est faux.
RépondreSupprimerLa panique concerne uniquement les juifs de France et non ceux d’Israël.
RépondreSupprimerMes sources sont fiables : l’Agence juive de Paris et l’Agence juive de Marseille qui sont totalement débordées et qui ne peuvent pas suivre tant les demandes ont dépassé les normes habituelles. Les délais pour un rendez-vous sont passés de un mois habituellement à maintenant 5 mois. Certains candidats exigent d’obtenir un départ avant la fin de l’année.
Trouvez un autre terme que panique et je l’adopterai pour expliquer cet empressement subi des juifs français.
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
Vous parlez de panique ayant saisi les Juifs de France, et j'en suis abasourdie. Vous nous dites que les agences juives de Paris et Marseille sont débordées, et je ne peux que vous croire.
Cependant il serait intéressant de savoir quelle est l'origine de cette "panique" ? Ne concerne-t-elle que ces deux grandes villes ? Qui la propage, car chacun sait que la panique gagne de place en place ?
Pour l'instant, et si je puis me permettre, "Les Juifs de François Hollande" ne semblent nullement "paniqués" par l'antisémitisme des banlieues - qui lui, n'est pas un mythe - il est même question de donner le droit de vote dès seize ans aux prochaines élections municipales, dans l'espoir de capter le vote des jeunes musulmans.
C'est ce qui s'appelle de la "realpolitique", je crois !
Très cordialement.
les juifs de france sont biens en france. on a du travail, certains ont des postes à recsponsabilités, d'autres des commerces fleurissants.
RépondreSupprimerbref tout va bien. le seul hic c'est qu'à paris, nous manquons un peu de soleil. personne ne songerait à faire une alya pour quelques degrés de plus.
Paris est gris, comme londres les deux grandes villes juives europennes. je prefere moins de soleil que de finir dans une banlieu pourrie de tel aviv