LA
TROISIÈME INTIFADA N’AURA PAS LIEU
Par
Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Libération de prisonniers palestiniens |
On peut accuser Benjamin Netanyahou de tous les défauts mais certainement pas de brader la sécurité du pays ni d’être un piètre politique. Il vit la politique comme d’autres vivent leur passion. C’est peut-être un illusionniste capable de jouer avec les cartes politiques mais il prouve souvent qu’il sait être pragmatique quand l’intérêt du pays l’exige.
Grogne des ministres et députés
Il a dû faire face à la grogne de certains membres de
son gouvernement et de députés de son propre parti, le Likoud. Les avis étaient
très partagés sur l’opportunité de la libération des 26 prisonniers
palestiniens sans contrepartie immédiate et tangible. Certains jugements à son encontre étaient sans appel.
Miri Regev |
La
députée Miri Regev, ancienne général de Tsahal et ancienne porte-parole de
l’armée, estime que la libération de prisonniers était un «aveu de faiblesse»
et qu’elle aurait plutôt préféré un gel de la construction dans les
implantations. En écho, la députée Shuli Moalem de Habayit Hayehudi, le parti
sioniste religieux de Naftali Bennett, est en revanche pessimiste sur l’avenir : «L'actuel processus
mènera à rien mais à la terreur» car la libération de prisonniers risque
d’entrainer une
augmentation des attaques terroristes en Cisjordanie.
Shuli Moalem |
L’argumentation
du gouvernement consiste à affirmer que les prisonniers libérés ont été
emprisonnés en raison de crimes commis avant les accords d'Oslo de 1993 qui
ont donné de nouvelles responsabilités aux dirigeants palestiniens et institué une
collaboration étroite entre les deux services sécuritaires. Certains palestiniens étaient en
prison depuis 1985, soit depuis 28 ans. Aucun prisonnier libéré n’a effectué
moins de 19 ans d’emprisonnement. Sauf à instituer la peine de mort en Israël,
le gouvernement estime qu’il est inconcevable, sur un plan de pure humanité et
sans minimiser l’horreur des crimes de sang commis, de ne pas donner un infime
espoir à ceux qui croupissent dans l’enfermement.
Mais le premier ministre israélien a
surtout choisi une stratégie politique qui le protège doublement. D’une part
vis-à-vis des Occidentaux, et des Américains en particulier, il démontre qu’il tient
à poursuivre les négociations de paix et qu’il sait respecter ses
engagements même lorsque certains
incidents sont sciemment provoqués par ceux qui ont intérêt à saboter les
relations israélo-palestiniennes. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si des roquettes
ont été lancés depuis Gaza sur le sud d’Israël, quelques heures seulement après
la publication du nom des prisonniers libérés. L’aviation israélienne a riposté
en détruisant deux lance-roquettes dans le nord de Gaza mais la procédure de
libération n’a pas été enrayée.
En grand stratège, Benjamin
Netanyahou a surtout voulu étouffer dans l’œuf toute velléité de reprise des
manifestions palestiniennes contre l’armée qui auraient pu dégénérer en
troisième Intifada. En procédant aux libérations par étapes, espacées de
quelques mois, Israël retarde d’autant les hostilités en maintenant une épée de
Damoclès sur les libérations planifiées pour les mois à venir. Même si de
nombreux palestiniens déçus estiment, en ces jours commémorant la deuxième
Intifada déclenchée en septembre 2000, que les accords d’Oslo ne sont
qu’illusion, ils ne sont pas prêts à relancer les hostilités alors qu'ils subissent la pression des familles de prisonniers.
Retour des prisonniers |
Les quelques affrontements sporadiques entre l’armée
et de jeunes Palestiniens soulignent certes l’absence de perspectives mais ne
suffisent pas à convaincre les dirigeants à recourir à un soulèvement. Aucune
Intifada ne peut être lancée alors que règne la division dans le camp
adverse. Les Palestiniens ne sont pas unis et ne disposent d'aucun projet national, choisi par le peuple et non par ses dirigeants souvent
discrédités. Par ailleurs l’absence de continuité géographique en Cisjordanie,
volontairement entretenue par les Israéliens, s’oppose à une action concertée
et réaliste.
Action non violente
Pour ces raisons, il semble certain
aujourd’hui que les Palestiniens n'envisagent plus d'affrontement militaire
avec l’armée, ou avec les Israéliens des implantations, parce qu’ils sont
conscients de leur état d’infériorité qui les conduirait à un suicide. Benjamin
Netanyahou le sait et c’est pourquoi il ne veut pas abuser de sa situation de force et préfère offrir
régulièrement des gages sous forme de libérations de prisonniers. Il ne reste
aux Palestiniens que deux seules autres voies pour parvenir à un projet
d’indépendance : Les négociations de paix ou la résistance non violente incluant le recours aux Nations-Unis.
Gaza et la Cisjordanie ne peuvent
avoir de stratégie politique ou militaire commune. Le Hamas a des relations
tendues avec le nouveau pouvoir militaire égyptien. Il devient prudent car l’ouverture du passage de Rafah est une nécessité tandis que la destruction des tunnels une menace vitale. Paradoxalement, l’approvisionnement lui vient d’Israël grâce aux 400 camions
qui traversent la frontière tous les jours. Il ne peut pas se permettre
d’ajouter la guerre à une situation dramatique d’une population en crise.
En Cisjordanie, le président Mahmoud Abbas joue le jeu,
contraint et forcé, bien qu’il ne se fasse aucune illusion sur l’issue des
négociations. Mais il n’est pas prêt à les saboter par une militarisation d’une
Intifada. Alors de nombreux comités populaires d’activistes se forment pour
s’opposer à Israël sous une forme non violente, à travers des actions
pacifiques.
Il en est ainsi de «Cinq caméras brisées» qui est, selon les critiques, non seulement un très beau film, nominé aux Oscars 2013, mais un véritable coup de fouet pour le spectateur qui s’immisce dans la réalité de la vie quotidienne palestinienne. Le film a été conjointement réalisé par Emad Burnat, 41 ans, habitant du village de Bil’in en Cisjordanie et Guy Davidi, 34 ans, cinéaste israélien né à Jaffa.
Burnat et Davidi |
Il en est ainsi de «Cinq caméras brisées» qui est, selon les critiques, non seulement un très beau film, nominé aux Oscars 2013, mais un véritable coup de fouet pour le spectateur qui s’immisce dans la réalité de la vie quotidienne palestinienne. Le film a été conjointement réalisé par Emad Burnat, 41 ans, habitant du village de Bil’in en Cisjordanie et Guy Davidi, 34 ans, cinéaste israélien né à Jaffa.
Mais les actions de ces comités sont diffuses, sans
soutien officiel, sans soutien populaire large, et axées sur des projets qui
s’opposent sur fond d’intérêts personnels et de réalisations opposées conçues sans concertation. Il
n’existe par ailleurs aucune
coordination entre eux parce qu’il n’y a pas de personnalité charismatique
palestinienne à leur tête.
La division effective du peuple palestinien ne permet
pas de déclencher une troisième Intifada car l’organisation de la révolte
impose une réunification de toutes les forces en présence qui existait
effectivement en 1987 et en 2000 à l’occasion des autres Intifada. Les
Palestiniens avaient alors créé un Commandement Unifié de l'Intifada qui imposait les actions à
entreprendre et qui les gérait avec efficacité. Aujourd’hui la résistance
devient individuelle, avec un impact très limité.
C’est pourquoi la politique de Benjamin Netanyahou consiste
à lâcher du lest de temps en temps pour éviter une réunification des forces
palestiniennes sur le terrain, seule condition pour organiser un soulèvement.
C’est ce que les jeunes loups politiques israéliens n’ont pas encore compris
par manque d’expérience parce qu’il leur manque les quelques années de combat
politique du premier ministre.
Il sait donner parfois pour recevoir plus sous une autre forme politique. Ainsi, selon la radio militaire, Israël va construire 1.500 logements dans le quartier de Ramat Shlomo à Jérusalem-Est. Cette annonce, survient juste après la libération par Israël des 26 prisonniers palestiniens. C'est du donnant donnant.
Constructions dans les territoires |
Il sait donner parfois pour recevoir plus sous une autre forme politique. Ainsi, selon la radio militaire, Israël va construire 1.500 logements dans le quartier de Ramat Shlomo à Jérusalem-Est. Cette annonce, survient juste après la libération par Israël des 26 prisonniers palestiniens. C'est du donnant donnant.
@KRAVI
RépondreSupprimerJe n'ai pas vu le film mais je me suis appuyé sur sa nomination aux Oscars 2013 et sur les critiques positives qui doivent s'expliquer par le fait que les deux réalisateurs sont israélien et palestinien.
Je suis sûr que les spectateurs se feront leur propre idée et nous communiqueront leurs impressions. Le site est toujours ouvert.
RépondreSupprimerSans préjuger du contenu, le film a été présenté à l'International Documentary Film Festival Amsterdam 2011, où il a reçu le Prix du public et le Prix spécial du jury, ainsi qu'au Festival de Sundance 2012, où il a remporté le Prix du meilleur réalisateur international.
Il est également nommé à l'Oscar du meilleur film documentaire en 2013.