A LA KNESSET NETANYAHOU ÉLUDE LES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES
Par Jacques BENILLOUCHE
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Ouverture de la Knesset |
La nouvelle session de la Knesset s’est ouverte le 14 octobre 2013 sur une impression de déjà vue. Le premier ministre Benjamin Netanyahou a récité son discours plat tandis que la chef de l’opposition, la travailliste Shelly Yacimovich, a détaillé quelques critiques convenues. Mais tous les deux ont éludé les vrais problèmes économiques.
Problèmes économiques éludés
Rien de nouveau à l’horizon sur les
négociations avec les palestiniens mais cela semble normal puisque les
Américains ont imposé le secret absolu dans l’intérêt des deux parties. Ensuite
la place a été faite au nucléaire iranien dans un discours convenu, déjà
entendu à l’Assemblée de l’ONU, qui se situe à l’opposé de la stratégie
américaine faite de dialogue et de renoncements. Soit.
Mais deux problèmes de taille ont
été presque passés sous silence alors qu’il était de la responsabilité de
l’opposition de manifester sa grogne face aux licenciements prévus à Teva
Pharmaceutical Industries et à la raffinerie de Bazan.
Teva, entreprise pharmaceutique
israélienne spécialisée dans les médicaments génériques et dans les composants
actifs, est l’une des 25 plus grandes entreprises pharmaceutiques au
monde. Ces mesures sociales apportent un autre éclairage sur la santé
économique du pays mais ces décisions économiques prouvent à l’évidence
qu’Israël est devenu un pays comme les autres, ultra libéral. Le gouvernement,
et surtout son ministre des finances, le centriste Yaïr Lapid, n’ont plus
leur mot à dire face à des dirigeants d’entreprises israéliennes qui n’ont plus
de fibre nationaliste.
800 salariés de Teva sur 7.400
seront licenciés en Israël alors que la multinationale réalise d’énormes
bénéfices tout en étant financée par des fonds publics. Le PDG Jeremy Levine ne
semble pas perturbé outre mesure par des mesures qui touchent ses concitoyens
alors qu’il aurait pu faire preuve d’exception en ne touchant pas aux salariés
israéliens de son entreprise. Pourtant Teva est l’exemple même d’une entreprise qui
a réussi. En effet, dans la jungle économique internationale, il est difficile
d’ignorer les 14 milliards de dollars de bénéfices réalisés entre 2003 et 2012
pour sa seule activité en Israël.
Mais la colère des Israéliens est
suscitée par l’aide fiscale consentie par l’État d’Israël à l’entreprise, entre
2006 et 2011, pour un montant de 3,4 milliards de dollars sans contrepartie sociale évidente. Le taux moyen israélien de perception de l’impôt sur
les sociétés est de 25 % et il est prévu d’abaisser ce taux à 18% en 2016. Mais
Teva ne paie pourtant, par dérogation, que 5,5% d’impôt sur les bénéfices, soit
une économie de 2,7 milliards de dollars qui auraient pu servir, au moins, à
maintenir les emplois locaux.
Ces avantages fiscaux ne sont
normalement attribués que pour favoriser l’emploi en Israël mais la décision de
la direction de l’entreprise semble sans appel alors qu’il était du devoir du
ministre des finances, Yaïr Lapid, de frapper du poing sur la table et même de
menacer l’entreprise de représailles. Il avait seriné dans tous ses discours de
campagne électorale qu’il était pour la justice sociale et pour une meilleure
répartition des profits du pays. Or ses actes ne semblent pas pour l’instant en
accord avec ses convictions et la critique la plus courante qui lui est faite
est d’être sorti des radars politiques des médias.
Le premier ministre a certes éludé cette question économique mais la responsable travailliste s’est montrée peu pugnace face à un problème qui concerne en priorité ses électeurs. Elle a donné l’impression que seuls les problèmes de politique l’intéressaient.
Le premier ministre a certes éludé cette question économique mais la responsable travailliste s’est montrée peu pugnace face à un problème qui concerne en priorité ses électeurs. Elle a donné l’impression que seuls les problèmes de politique l’intéressaient.
Yossef Shapira |
Le contrôleur de l’État, Yossef
Shapira, vient d’ailleurs de dénoncer dans son rapport la politique
fiscale du gouvernement. Seul au gouvernement, le ministre Naftali Bennett
prend le parti des entreprises en prônant d’offrir d’importants avantages
fiscaux aux investisseurs étrangers pour les amener en Israël. Mais il laisse
sous silence la contrepartie nécessaire pour justifier les cadeaux
fiscaux : «il est bon pour Israël de donner d'importants avantages
fiscaux aux grandes entreprises étrangères qui viennent en Israël. Même s’ils
paient moins d'impôts en opérant en Israël, les investisseurs étrangers
continuent de créer des emplois pour les Israéliens et paient des impôts
secondaires comme les taxes municipales et des biens». Le cas de Teva est
flagrant comme exemple de cadeaux fiscaux sans retour.
L’autre problème d’actualité
concerne la raffinerie Bazan, Oil Refineries Ltd. ORL, l'un des plus grands
groupes énergétiques de raffinage du pétrole d'Israël et complexe
pétrochimique basé à Haïfa au nord d’Israël, est parmi les raffineries
les plus importantes et les plus complexes de la région de la Méditerranée
orientale. Le groupe est contrôlé par la famille Ofer.
Juste quelques jours après l'annonce
du licenciement collectif de Teva, la raffinerie Bazan a annoncé le
licenciement de 240 salariés sur 1.500 à la suite de lourdes pertes. La société
a connu une période difficile récemment, après avoir perdu 167 millions de
dollars en 2012 et 24,5 millions de dollars en 2011. Ces pertes sont dues
à un retard de trois ans dans la production de gaz naturel à partir du forage
israélien dans la mer Méditerranée. Les dettes financières ont atteint 2,1
milliards de dollars à fin juin 2013.
Si certes la situation de Bazan ne
peut être comparée à celle de Teva, il s’agit cependant d’une activité
stratégique pour le pays puisque le raffinage permet à Israël une indépendance
énergétique. Au nom de la sécurité d'Israël, la société doit être aidée au même
titre que Teva. Mais les lois économiques ne peuvent pas s’encombrer de
critères politiques.
Il est donc étonnant que pour son
discours à la séance d’ouverture de la session de la Knesset, Benjamin
Netanyahou n’ait pas abordé les questions sociales et économiques avec les
députés, représentants de la nation. On en vient à regretter le temps où Tsipi
Livni, leader de l’opposition, lançait sans cesse ses critiques acerbes contre
le programme du gouvernement.
L’opposition actuelle est atone et,
elle-aussi, sans vision réaliste sur l’avenir. Une véritable erreur de casting
a mis la journaliste Shelly Yacimovich à la tête des travaillistes. Mais il
faut reconnaitre à son actif qu’elle a été la seule dirigeante politique à
s’être engagée pour les 800 licenciés de Teva, dans l’indifférence totale de
ses collègues et face au mépris du premier ministre.
Shelly Yacimovich |
Netanyahou surfe donc sur la
faiblesse d’une opposition dont l’une des deux composantes, le parti
ultra-orthodoxe Shass, cherche à surmonter ses querelles internes après la mort
de son Guide suprême, pour continuer à exister au-delà de ses primaires prévues
le 14 novembre.
Mais le paradoxe de cette situation
économique en Israël tient dans l’annonce par la Banque d’Israël que ses
réserves en devises ont atteint le niveau record de 79,9 milliards de dollars.
Pour le seul mois de septembre 2013, les réserves ont augmenté de 1,38
milliard. D’ailleurs la Banque d’Israël ne cesse d’acheter du dollar, tous les
jours, pour maintenir le cours de la devise américaine et pour compenser les
effets de la production de gaz naturel sur le taux de change.
La devise du pays, le shekel, est
forte, mais elle n’influe pas sur les décisions du gouvernement et sur son rôle
à lutter contre le chômage même si celui-ci est faible, à 6,1%. C’est le propre
des gouvernements libéraux qui alignent leur politique économique sur celle des
États-Unis.
Il ne faut pas se
voiler la face devant la réussite insolente de l'économie d'Israël qui masque
les réelles difficultés de populations dans la détresse qui vivent ailleurs que
dans la bulle de Tel-Aviv, la prospère. L’OCDE a publié des chiffres alarmants
précisant que 21% des Israéliens étaient pauvres, presque autant qu’en Grèce,
en Espagne et en Irlande. Elle prévoit que 31% d'entre eux risquent de tomber
dans la pauvreté dans l’année courante. Les deux groupes de
populations les plus pauvres sont les juifs ultraorthodoxes et les Arabes
israéliens. Ces chiffres ne sont pas surprenants.
De nombreux
rapports ont montré qu'Israël possède l'un des taux de pauvreté les plus élevés
de l'OCDE. La qualification de pauvre est donnée aux ménages dont le revenu par
personne est inférieur à 3.450 shekels (735 euros). Mais le plus grave concerne
40% des enfants en danger immédiat de tomber dans la pauvreté, comparativement
à la moyenne OCDE qui s’établit à 20%. Ce n'est plus une question de positionnement politique de droite ou de gauche mais de bon sens, de réalité économique et de
solidarité nationale. La pauvreté des enfants n'est ni de droite et ni de gauche.
Karnit Flug |
Et pendant ce temps,
Netanyahou et Lapid ne parviennent pas s’entendre sur le nom du remplaçant de
Stanley Fischer à la tête de la Banque d’Israël, quatre mois après son départ.
Ils n’arrivent pas en fait à corriger la maladresse qu’ils ont commise en ne
nommant pas au poste son adjointe, Karnit Flug, qui le méritait mais
surtout qui avait les compétences exigées sans les défauts des hommes politiques et qui a certainement été victime du machisme gouvernemental.
Par dépit, elle a démissionné de son poste à la banque mais consciencieusement,
elle a accepté d’assurer l’intérim jusqu’à l’arrivée du successeur. Il est
certain qu’elle ne sera pas perdue pour tout le monde et que de nombreuses
institutions financières privées sauront exploiter l’expérience qu’elle a
acquise durant des dizaines d'années au sein de la Banque d’Israël. Ne
s’improvise pas ministre des finances qui veut !
La seule statistique valable serait d'avoir le taux de pauvreté ex Haredim et Arabes. Ceux-là n'étant soit pas formés, soit inintégrables dans une économie moderne, soit ne voulant rien faire d'autre qu'étudier n'ont pas vocation à être intégrés pour calculer un taux de pauvreté et en tirer des conclusions.
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