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lundi 13 mai 2013

SYRIE : LE CASUS BELLI DES ANTIMISSILES S-300



SYRIE : LE CASUS BELLI DES ANTIMISSILES S-300

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps


F-16 israélien

La Russie risque de rééditer en Syrie la situation qui  existait au Proche-Orient à la veille de la Guerre de Kippour de 1973. Effectivement les avions de chasse israéliens règnent actuellement en maitres au-dessus de l’espace aérien syrien et libanais dans le cadre d’opérations de renseignement militaire ou de frappes préventives contre les convois de missiles à destination du Hezbollah libanais. 
Mais Israël se garde bien d’intervenir dans le conflit entre le régime de Bassar Al-Assad, soutenu par la Russie, l’Iran et  le Hezbollah, et les rebelles soutenus par les occidentaux,  Al-Qaeda et ses djihadistes, et l’Arabie saoudite et ses salafistes.



Base de Tartous

Croiseur russe dans la base navale de Tartous


Les russes veulent garantir leur accès à la mer Méditerranée grâce à leur base navale dans le port syrien de Tartous mais ils craignent que la chute du régime d’Assad ne remette en cause leur présence. D’ailleurs des grands navires de débarquement de la Flotte du Pacifique russe feront escale dans le port syrien de Tartous, à la fin mai prochain. L’État-major russe a précisé que : «la livraison des marchandises à Tartous en Syrie est l'une des missions principales du plan au cours de la réalisation d'un certain nombre de missions de formation et de combat par le groupement de la marine dans la Méditerranée».

Le port sert à débarquer le matériel utilisé par l’armée syrienne et il représente une pièce importante dans le dispositif de soutien logistique de plus en plus marqué des russes à l’égard de  Bassar Al-Assad. 
Missiles russes S-300
Ce port est d’ailleurs considéré par les israéliens comme inviolable. Mais l’inquiétude des israéliens provient de la décision des russes de doter la Syrie de missiles sol-air S-300 dans le cadre de la coopération militaire et technique entre les deux pays.  Les dernières versions du S-300, qui ont une portée de 150-200 km, peuvent neutraliser des avions et même des missiles de croisière furtifs à une altitude de 6 à 100 m.


Guerre de Kippour


F4-Phantom israélien


C’est le même scénario, à quelques évolutions techniques près, qui a été réalisé dans les années 1970. En effet en 1969, les États-Unis avaient décidé de fournir à l’aviation israélienne des F-4 Phantom qui s’étaient distingués dans les combats au Vietnam et qui devaient tailler en pièces l’adversaire égyptien et syrien. Il fera des merveilles dans des missions de guerre psychologique avec comme seule arme employée le bang supersonique provoqué à faible altitude au-dessus des villes. Après plus de 116 victoires dans le ciel pour une quarantaine d’avions perdus au combat, Israël dominait le ciel proche-oriental. Cette domination avait été facilitée par le fait que l’État juif avait décimé l’aviation égyptienne durant la Guerre de Six-Jours. 
Missiles SA-6

Mais pour contrer ces avions de combat, les soviétiques décidèrent de doter l’armée égyptienne d’avions  Mig-23 et de missiles sol-air SA-6 qui avaient réduit de manière notable la suprématie israélienne dans les airs. Ils avaient du même coup favorisé l’esprit de revanche des égyptiens qui n’ont eu de cesse que de planifier une nouvelle guerre contre Israël. Les plans militaires israéliens prévoyaient cependant une attaque préventive si Israël devait se trouver en incapacité d’agir et de voler dans le ciel égyptien car la sécurité de ses frontières n’était plus assurée. Informé d’une guerre imminente, le gouvernement israélien a préféré temporiser car Henry Kissinger avait prévenu que, si Israël attaquait en premier même de façon préventive, alors aucune aide ne viendrait des États-Unis. 


Risque du Hezbollah




La livraison de S-300, si elle devait être confirmée, serait considérée comme un véritable danger par Israël car il n’aurait plus la maitrise des airs. Il mesure aussi le risque de voir certains de ces missiles tomber entre les mains du Hezbollah. Dans son discours du 9 mai à l’occasion de l’anniversaire des 25 ans de sa radio, le leader du Hezbollah avait laissé entendre que si Israël avait certes détruit des fusées Fatah-110 qui lui étaient destinées, de nouveaux types d’armement étaient attendus en provenance de Syrie, sans donner de calendrier précis : «La résistance contre Israël est prête à accepter des armes sophistiquées, même si elles devaient briser l'équilibre dans la région. Nous sommes dignes d'avoir de telles armes et nous aimerions les utiliser pour défendre notre peuple et notre pays et nos lieux saints.» Ces insinuations pourraient être liées au S-300.
Poutine-Netanyahou

Israël serait donc contraint d’attaquer préventivement au lendemain d’installation de ces antimissiles. Le premier ministre israélien est conscient du dilemme et il a donc décidé de se rendre à Moscou dans les prochains jours pour convaincre Vladimir Poutine de surseoir à sa livraison de missiles anti-aériens S-300 à la Syrie. Il s’était déjà entretenu par téléphone avec le président russe qui l’a invité à en discuter de vive voix au Kremlin. Benjamin Netanyahou en profiterait d’ailleurs pour aborder avec lui le problème du nucléaire iranien.

Une certaine ambiguïté règne cependant en ce qui concerne ces S-300. Le ministre russe des affaires étrangères a précisé qu’il n’existait aucun projet de vendre un système avancé de défense aérienne mais que la Russie se contentait s’assurer les termes d’un vieux contrat concernant un système techniquement moins évolué. Les russes tiennent en effet à interdire toute intervention extérieure dans le conflit actuel en Syrie et ils se justifient en arguant qu’ils doivent respecter les contrats déjà signés. En fait ces contrats n’ont jamais fait l’objet d’une réalisation complète car la Syrie était dans l’impossibilité d’assurer le paiement du matériel. La Russie est prête aujourd’hui à faire des efforts financiers pour garantir la survie du régime de Bassar Al-Assad.  

L’introduction de S-300 en Syrie sera considérée par Israël comme un casus belli qui le pousserait à renoncer à sa neutralité dans le conflit syrien avec toutes les conséquences militaires que cela entraine pour la région.

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