SYRIE : LE CASUS BELLI DES ANTIMISSILES S-300
Par
Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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F-16 israélien |
La Russie risque de rééditer en Syrie la situation qui existait au Proche-Orient à la veille de la Guerre de Kippour de 1973. Effectivement les avions de chasse israéliens règnent actuellement en maitres au-dessus de l’espace aérien syrien et libanais dans le cadre d’opérations de renseignement militaire ou de frappes préventives contre les convois de missiles à destination du Hezbollah libanais.
Mais Israël se garde bien d’intervenir dans le conflit entre le régime de Bassar Al-Assad, soutenu par la Russie, l’Iran et le Hezbollah, et les rebelles soutenus par les occidentaux, Al-Qaeda et ses djihadistes, et l’Arabie saoudite et ses salafistes.
Base de Tartous
Les russes
veulent garantir leur accès à la mer Méditerranée grâce à leur base navale dans le port
syrien de Tartous mais ils craignent que la
chute du régime d’Assad ne remette en cause leur présence. D’ailleurs des
grands navires de débarquement de la Flotte du Pacifique russe feront escale
dans le port syrien de Tartous, à la fin mai prochain. L’État-major russe a précisé que : «la
livraison des marchandises à Tartous en Syrie est l'une des missions
principales du plan au cours de la réalisation d'un certain nombre de missions
de formation et de combat par le groupement de la marine dans la Méditerranée».
Le port sert à débarquer le matériel utilisé par l’armée syrienne
et il représente une pièce importante dans le dispositif de soutien logistique
de plus en plus marqué des russes à l’égard de Bassar Al-Assad.
Ce port est d’ailleurs
considéré par les israéliens comme inviolable. Mais l’inquiétude des
israéliens provient de la décision des russes de doter la Syrie de missiles
sol-air S-300 dans le cadre de la
coopération militaire et technique entre les deux pays. Les dernières versions du S-300, qui ont une
portée de 150-200 km, peuvent neutraliser des avions et même des missiles de
croisière furtifs à une altitude de 6 à 100 m.
Missiles russes S-300 |
Guerre de Kippour
C’est le même
scénario, à quelques évolutions techniques près, qui a été réalisé dans les
années 1970. En effet en 1969, les États-Unis avaient décidé de fournir à l’aviation
israélienne des F-4 Phantom qui s’étaient
distingués dans les combats au Vietnam et qui devaient tailler en pièces
l’adversaire égyptien et syrien. Il fera des merveilles dans des missions de
guerre psychologique avec comme seule arme employée le bang supersonique
provoqué à faible altitude au-dessus des villes. Après plus de 116 victoires dans
le ciel pour une quarantaine d’avions perdus au combat, Israël dominait le ciel
proche-oriental. Cette domination avait été facilitée par le fait que l’État juif avait décimé l’aviation égyptienne durant la Guerre de Six-Jours.
Missiles SA-6 |
Mais pour contrer ces avions de combat, les soviétiques décidèrent
de doter l’armée égyptienne d’avions Mig-23 et de missiles sol-air SA-6 qui avaient
réduit de manière notable la suprématie israélienne dans les airs. Ils avaient
du même coup favorisé l’esprit de revanche des égyptiens qui n’ont eu de cesse
que de planifier une nouvelle guerre contre Israël. Les plans militaires
israéliens prévoyaient cependant une attaque préventive si Israël devait se
trouver en incapacité d’agir et de voler dans le ciel égyptien car la sécurité
de ses frontières n’était plus assurée. Informé d’une guerre imminente, le
gouvernement israélien a préféré temporiser car Henry Kissinger avait prévenu
que, si Israël attaquait en premier même de façon préventive, alors aucune aide
ne viendrait des États-Unis.
Risque du Hezbollah
La livraison de
S-300, si elle devait être confirmée, serait considérée comme un véritable
danger par Israël car il n’aurait plus la maitrise des airs. Il mesure aussi le
risque de voir certains de ces missiles tomber entre les mains du Hezbollah. Dans
son discours du 9 mai à l’occasion de l’anniversaire des 25 ans de sa radio, le leader du Hezbollah avait laissé entendre que
si Israël avait certes détruit des fusées Fatah-110 qui lui étaient destinées,
de nouveaux types d’armement étaient attendus en provenance de Syrie, sans
donner de calendrier précis : «La résistance contre Israël est prête à
accepter des armes sophistiquées, même si elles devaient briser l'équilibre
dans la région. Nous sommes dignes d'avoir de telles armes et nous aimerions
les utiliser pour défendre notre peuple et notre pays et nos lieux saints.» Ces
insinuations pourraient être liées au S-300.
Poutine-Netanyahou |
Israël serait donc
contraint d’attaquer préventivement au lendemain d’installation de ces
antimissiles. Le premier ministre israélien est conscient du dilemme et il a
donc décidé de se rendre à Moscou dans les prochains jours pour convaincre
Vladimir Poutine de surseoir à sa livraison de missiles anti-aériens S-300 à la
Syrie. Il s’était déjà entretenu par téléphone avec le président russe qui l’a
invité à en discuter de vive voix au Kremlin. Benjamin Netanyahou en
profiterait d’ailleurs pour aborder avec lui le problème du nucléaire iranien.
Une certaine
ambiguïté règne cependant en ce qui concerne ces S-300. Le ministre russe des
affaires étrangères a précisé qu’il n’existait aucun projet de vendre un
système avancé de défense aérienne mais que la Russie se contentait s’assurer
les termes d’un vieux contrat concernant un système techniquement moins évolué.
Les russes tiennent en effet à interdire toute intervention extérieure dans le
conflit actuel en Syrie et ils se justifient en arguant qu’ils doivent
respecter les contrats déjà signés. En fait ces contrats n’ont jamais fait
l’objet d’une réalisation complète car la Syrie était dans l’impossibilité d’assurer
le paiement du matériel. La Russie est prête aujourd’hui à faire des efforts
financiers pour garantir la survie du régime de Bassar Al-Assad.
L’introduction de S-300 en Syrie sera considérée par Israël comme
un casus belli qui le pousserait à renoncer à sa neutralité dans le conflit
syrien avec toutes les conséquences militaires que cela entraine pour la région.
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