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mercredi 24 avril 2013

LA POSITION AMBIGÜE DE LA TURQUIE



LE REGARD DE JACQUES BENILLOUCHE POUR  TRIBUNEJUIVE.INFO

LA POSITION AMBIGÜE DE LA TURQUIE



La Turquie ne semble pas avoir définitivement fixé la position à adopter vis-à-vis d’Israël. Elle donne l’impression d’avoir eu la main forcée par Barack Obama qui avait mandaté son secrétaire d’État John Kerry auprès de Tayyip Erdogan pour obtenir une réconciliation entre les deux anciens alliés. Les excuses présentées par Benjamin Netanyahou au gouvernement turc n’ont pas totalement débloqué la situation. Et pourtant la gravité de la situation aux frontières avec la Syrie impose le renouvellement de la coopération entre Ankara et Jérusalem pour gérer ensemble le problème des armes chimiques risquant de tomber entre des mains ennemies.



  

Arrogance israélienne

Kerry et Erdogan


Au cours de la première année de la révolution en Syrie, Israël avait fait des estimations qui s’avèrent aujourd’hui erronées. Il s’attendait à la chute inévitable et rapide du régime de Bassar Al-Assad. Or la guerre perdure en Syrie et, dans ce contexte, Obama avait exercé des pressions fortes sur le premier ministre turc pour qu’il renoue avec Israël afin de maintenir un front commun contre la Syrie.

Erdogan donne pourtant l’impression de chercher à mettre Israël à l’épreuve pour «casser son arrogance» à vouloir se comparer à la puissante Turquie. Il estime que sa population de 70 millions d’habitants, la taille de son pays et le million de soldats turcs n’ont rien de comparable avec les chiffres concernant Israël, dont l’armée certes forte, est en état d’infériorité numérique et dont l’espace territorial est presque un confetti. L’orgueil d’Erdogan n’a pas de limite et il rêve de restituer à la Turquie ses splendeurs du passé, du temps de l’empire ottoman. C’est pourquoi il cherche à imposer, en mégalomane, son influence dans un Proche-Orient où règnent des potentats arabes anachroniques.
Empire ottoman


Il n’arrive pas à effacer de sa mémoire l’incident de la flottille de Gaza qu’il considère comme une insulte en raison de ses neufs morts. Il semble à présent vouloir obtenir plus que les excuses déjà présentées. Il a compris qu’il pouvait d'abord tirer un grand bénéfice à des fins de politique intérieure,  ensuite renforcer le statut de la Turquie dans le monde musulman et enfin marquer quelques points vis-à-vis de la communauté internationale. Il est convaincu que seuls les intérêts régissent les rapports entre États.



Liberté de la presse rognée



C’est pourquoi Tayyip Erdogan poursuit sa stratégie pour devenir l’homme fort à la fois dans son pays et au Moyen-Orient. Il accroit son travail de sape contre ceux qui lui résistent. Il a réduit au silence les généraux de son armée, mis à la retraite d’office ou emprisonnés. Il s’attaque à présent aux journalistes qu’il veut museler parce qu’ils font preuve de trop de liberté à son gré. Sur un diktat du premier ministre, la direction du grand journal turc, Habertürk, a été contrainte de limoger une de ses plumes célèbres, la journaliste Amberin Zaman, parce qu’elle critiquait le gouvernement sur sa position à l’égard de la réconciliation avec les Kurdes. Le chroniqueur Milliyet Hasan Cemal a connu le même sort. 
Amberin Zaman


Plus de 30 journalistes ont été touchés par des mesures similaires dans tout le pays, donnant une image dégradée de la démocratie en Turquie, dirigée par le «Nouveau Sultan», sobriquet donné par la presse à Erdogan en raison de sa volonté hégémonique d’être le chef incontesté d’un État quasi-islamique. Le gouvernement n’apprécie pas la manière dont les journalistes couvrent le conflit avec la Syrie. Ainsi la journaliste vedette Ceyda Karan, de la télévision Habertürk-TV a été elle-aussi licenciée pour avoir présenté un reportage sur le soutien turc à l’ASL (armée syrienne libre), jugé offensant sinon maladroit. Erdogan verrouille la presse et a interdit aux journalistes de se rendre en Syrie. 
Ceyda Karan



Provocation



Les israéliens ne comprennent pas le jeu de balancier auquel s’adonne Erdogan qui souffle le chaud et le froid dans le but de mieux monnayer auprès des américains sa réconciliation avec Israël. Ainsi dans une sorte de provocation, le premier ministre turc a annoncé qu’il se rendrait fin mai à Gaza, après une visite officielle aux États-Unis le 16 mai. Dans un discours télévisé, il n’a pas précisé la date exacte de ce déplacement comme s’il voulait laisser l’espace à un revirement. Le déplacement à Washington était prévu pour avril, mais il a été repoussé sur demande américaine car les États-Unis ne souhaitaient pas d’interférences avec les négociations devant se tenir entre la Turquie et Israël. 
Sakir Özkan présente ses lettres de créance à Mahmoud Abbas

Alors qu’Israël avait accepté d’adresser des excuses officielles à la Turquie et de négocier des indemnités pour convenir d’un retour en poste des ambassadeurs des deux pays, la Turquie est devenue le premier pays à mandater un ambassadeur auprès de l’Autorité palestinienne. Ainsi, l’ambassadeur Sakir Özkan Torunlar, ex-consul turc à Jérusalem, a présenté ses lettres de créance au chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à la Mouqataa de Ramallah.

Les turcs annoncent qu’ils ne souhaitent pas être entrainés dans une «sale» négociation sur le montant des indemnités de réparation à payer pour les morts du Mavi Marmara. Une délégation israélienne est arrivée à Ankara le 22 avril pour engager des discussions sur la normalisation des relations diplomatiques et sur la compensation financière pour les morts du Mavi Marmara. 
Yaacov Amidror

Cette délégation comprendra le conseiller à la sécurité nationale Yaakov Amidror, ainsi que le représentant du premier ministre Joseph Ciechanover, ancien directeur général du ministère des affaires étrangères. Ils auront à négocier face au vice-premier ministre turc Bulent Arinc et au vice-secrétaire du ministère des affaires étrangères Feridun Sinirlioglu. Un officiel turc a précisé déjà que la Turquie exigera de substantiels dédommagements pour les familles des victimes : «Israël sait parfaitement que nous ne sommes pas dans un processus de marchandage car parler d’argent en échange de vies humaines n’est pas une chose plaisante». Il affirme que les négociations ne seront pas faciles mais qu’en aucun cas le processus de réconciliation ne sera mis en cause. 
Bulint Arinc

De leur côté, les israéliens veulent payer le même montant que le gouvernement turc avait payé  en 2011 pour dédommager des victimes tuées par son armée, soit 70.000$ par personne. Mais les turcs exigent un montant supérieur car les victimes de la flottille ont été tuées, selon eux, sur  ordre du gouvernement israélien.

En revanche, il est sûr que les organisations touristiques turques tiennent à ce que le conflit soit résolu au plus vite pour recevoir en masse, cet été, les voyageurs israéliens qui ont mis comme condition de leur retour l’installation d’un ambassadeur israélien à Ankara. La saison approche et les millions de dollars de revenus seront les bienvenus dans les caisses des agences touristiques turques.

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