MOHAMED DAHLAN SE REPLACE SUR LA SCÈNE POLITIQUE
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Alors que les négociations israélo-palestiniennes
piétinent et que Benjamin Netanyahou rejette tout plan de paix de Barack Obama, une personnalité palestinienne de premier
plan refait surface sur la scène politique. Mohamed Dahlan avait été, durant
plusieurs années, haut responsable de la sécurité de l’Autorité palestinienne.
Combattant du Fatah
En
tant que combattant du Fatah, il a été plusieurs fois incarcéré dans les
prisons israéliennes où il a appris couramment l'hébreu ce qui lui facilite les contacts avec le gouvernement israélien. Longtemps homme fort à Gaza,
il est considéré comme un habile politicien et un rempart contre les
islamistes. Il avait été sacrifié sur l’autel de la réconciliation avec le
Hamas et avait été contraint à l’exil en Jordanie en 2011.
Haniyeh, Abbas et Dahlan |
Sa
disgrâce avait été imputée aux violentes attaques contre Mahmoud Abbas qui «ne reconnait ni le droit et ni la morale et
qui se sent au-dessus de la loi. Il tente de dissimuler ses échecs politiques.
Le Fatah a perdu Gaza, le parlement et même les élections municipales. Nous
sommes devenus sans horizon politique et il n'y a aucun espoir pour les palestiniens.
Nous sommes dans une situation pathétique». Mais en fait, il contestait son
leadership et il semble que le conflit ait eu des origines financières le jour
où Dahlan avait exigé des explications sur les 1 à 2 milliards de dollars du
Fonds d’investissement palestinien, envolés à la mort de Yasser Arafat, et qui
auraient été transférés en 2005 à Mahmoud Abbas.
Dahlan piaffe d’impatience
Mohamed
Dahlan, symbole de la collaboration arabo-américano-israélienne, rêvait d’occuper le poste de vice-président
qu’il n’a jamais obtenu. Il sort à présent de l’ombre car il sent que la
situation pourrait tourner en sa faveur devant la montée des mécontentements à
la fois en Cisjordanie et à Gaza. Pour la première fois dans la bande de Gaza,
au moins 500 manifestants ont appelé le 26 septembre au renversement du
gouvernement du Hamas en scandant : «Le
peuple veut la chute du régime». Par ailleurs le retrait de la vie
politique du très charismatique leader du Hamas, Khaled Mechaal, lui laisse une
voie libre.
Après
avoir gardé le silence, il a publié plusieurs communiqués. Le 23 septembre il a
accusé le Hamas de se présenter comme «seul
représentant du peuple palestinien et de vouloir éliminer le Fatah et l’OLP de
la scène internationale».
Mahmoud Abbas à l'ONU |
Le
26 septembre il a estimé que Mahmoud Abbas devrait présenter un projet de
résolution à l'Assemblée générale des Nations Unies à la place d'une demande
pour que la Palestine soit reconnue comme un État non membre : «Une année s'est écoulée depuis la première
proposition soumise au Conseil de sécurité des Nations Unies en Septembre 2011.
L’Autorité a manqué une occasion de présenter une autre proposition l’an
dernier à l'Assemblée générale malgré le soutien arabe et international». Mohamed Dahlan a ajouté que «si un projet de résolution n'est pas mis
aux voix immédiatement lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, alors
cela aidera Israël à imposer sa vision d'un État palestinien provisoire, et offrira
la possibilité au Hamas d’annoncer la création d’un émirat dans la bande de
Gaza».
L’ancien
homme fort de Gaza, sous le règne d’Arafat, ne perd pas espoir de reprendre le
contrôle de la région qu’il dirigeait d’une main de fer. Il ne cesse de
réclamer auprès des américains et des israéliens le droit et les moyens pour traverser
la frontière égyptienne avec ses troupes. Il espère obtenir l’aval des
égyptiens car il pense être capable, avec ses miliciens, d’éradiquer le Djihad
islamique au Sinaï et d’en découdre avec le Hamas en entrant en force à Gaza
par la frontière de Rafah.
Répression du Hamas par le Fatah |
Il
avait été qualifié comme l’homme à la fois de la CIA et du Mossad tant il était
proche des occidentaux. Les rumeurs
semblent avoir été plusieurs fois fondées. Vanity Fair avait révélé en 2008 qu’il avait rencontré George W. Bush pour obtenir
que la CIA finance un coup d’État avorté contre le Hamas. Cette structure
paramilitaire, soutenue par les américains, est encore en place en Cisjordanie.
Dahlan est tellement impliqué avec les israéliens qu’il aurait convaincu
Mahmoud Abbas et le premier ministre Salam Fayyad d’utiliser le Shin-Bet
israélien, service de sécurité intérieure, pour leur protection lors de leur
déplacement durant sa période d’exil.
Mohammed
Nazal, membre du bureau politique du Hamas, l’accuse officiellement de
travailler pour les services de renseignements israéliens en expliquant que
Dahlan a chargé certains de ses agents du Fatah de recueillir des informations
détaillées sur les membres du Hamas à Gaza et, en particulier, de déterminer le
lieu de leur résidence. Les israéliens s’en servent ainsi pour envoyer leurs
missiles avec efficacité. Ces preuves de collaboration expliquent pourquoi les
tentatives égyptiennes de réconcilier le Fatah et le Hamas sont vouées à
l’échec. Le Fatah a bien signé un accord en octobre 2009 mais le Hamas s’est
refusé à le faire car il ne pouvait pas accepter l’intégration des forces
armées du Hamas dans celles de l’Autorité palestinienne.
Envahir Gaza
Les
motivations de Dahlan sont nationalistes. Il agit parce qu’il est convaincu que
le régime de Gaza nuit aux intérêts des palestiniens. Il sait que la partition
entre la Cisjordanie et Gaza satisfait les israéliens et les américains qui,
grâce à cette scission, arrivent à mieux peser sur les palestiniens. Il est
d’ailleurs rejoint dans son analyse par le politologue Ibrahim Ibrash, résidant
à Gaza : «Beaucoup de pays arabes ont
commencé à réaliser le risque engendré par la séparation de Gaza de la
Cisjordanie.». Il justifie donc son activisme pro-occidental par la
nécessité de donner à l’Autorité les moyens financiers et militaires pour
étendre son pouvoir à Gaza.
Par
certains côtés, Dahlan reste un illuminé. Des sources du renseignement
israélien affirment qu’en tant que ministre, il avait présenté à son comité
central un plan d’invasion de Gaza pour restaurer le pouvoir de l’Autorité
palestinienne. Il avait prétendu que plusieurs pays européens et arabes
approuvaient son initiative puisqu’ils acceptaient de former ses troupes pour
la réussite de la mission. Il collabore donc avec les experts sécuritaires
jordaniens, israéliens et même égyptiens. Son plan répartit d’ailleurs les
tâches qui impliqueraient aussi Israël. La Jordanie est supposée devenir
responsable de la formation d’un commando maritime qui attaquerait Gaza par la
mer tandis que la frontière serait ouverte à Rafah.
Les
occidentaux avaient été sceptiques sur la viabilité d’un tel projet car le coup
d’État de 2007 à Gaza fut un échec cuisant et la fuite des généraux du Fatah
vers l’Égypte n’avait pas été perçue comme une preuve de courage et une volonté
de réussite. Dahlan a donc engagé ses troupes dans une guerre de renseignements
contre Al-Qaeda pour s’attirer les faveurs américaines et, contre le Hamas pour
convaincre les israéliens qu’il poursuit le même objectif d’éradication du
régime de Gaza.
Manifestation de nuit à Gaza |
Aujourd’hui
il veut reprendre du service face à un président d’Autorité faible et
discrédité par son peuple qui, en Cisjordanie et à Gaza, manifeste, non pas
pour la liberté, mais pour une amélioration de ses conditions de vie. Dahlan se
présente donc en sauveur.
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