LES ISLAMISTES TUNISIENS FACE À LEUR ÉCHEC
Par Jacques BENILLOUCHE
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La crise en Tunisie est profonde et, comme toujours
dans ce cas, les dirigeants cherchent un alibi en accusant le précédent régime ou
les journalistes pourvoyeurs de mauvaises nouvelles. Alors, pour détourner
l’attention sur ses échecs, le parti Ennahda pousse la population à manifester
sur la place de la Kasbah contre les médias et contre les membres du parti RCD (Rassemblement Constitutionnel démocratique) de
l’ancien président Ben Ali.
La
manifestation avait été organisée par un nouveau mouvement islamiste «Ekbes» (Magne-toi), proche d'Ennahda. Ces nouveaux
militants veulent représenter les purificateurs de la vie politique tunisienne
pour «activer les réformes, faire juger les corrompus et assurer au peuple
tunisien que ceux qu'il a choisis ne resteront pas les bras croisés face aux
ennemis de la révolution».
La presse en
Tunisie est malmenée et vouée aux gémonies par Riadh Chaïbi, responsable
d’Ennahda : «Les médias ne rapportent pas la vérité sur les
accomplissements du gouvernement dans les régions». Pourtant le parti avait
muselé la presse en remplaçant, de manière arbitraire, les principaux
responsables des rédactions et en menaçant de poursuites les artistes qui prendraient
trop de libertés avec l’islam.
Béji Caïd Essebsi |
La déception
des tunisiens les pousse vers les valeurs sûres de l’ancien régime à l’image de
Béji Caïd Essebsi, qui avait été chef du
gouvernement après la chute de Ben Ali. Il a gagné en popularité devant les
atteintes aux libertés des islamistes qui donnent à penser aux tunisiens que les
nouveaux dirigeants se comportent exactement comme ceux du régime déchu, avec
chantages et violences à la clef.
Yadh Ben
Achour, juriste, estime que «nous risquons dans peu de temps de nous
retrouver dans une dictature pire que celle de Ben Ali, une dictature
théocratique et nous risquons de perdre l'un des acquis les plus chers de la
révolution : la liberté d'expression».
Parti
dominant
En fait,
Ennahda cherche à neutraliser ses adversaires pour devenir le parti dominant en
Tunisie en accaparant tous les pouvoirs. Ceux qui avaient voté pour lui nous
écrivent : «Je ne fauterai pas une deuxième fois en hasardant l'avenir
de tout un pays et celui de mes enfants» et assurent qu’ils réserveront
leur vote au parti, «l'Appel de la Tunisie», de Caïd Essebsi car il
représente la structure la mieux organisée et la seule voie du salut. Ils
poursuivent : «La Tunisie plurielle, avant-gardiste et démocrate ne
peut se réaliser dans un régime théocratique avec lequel, seuls, nous ne
pouvons, objectivement et logiquement, faire le poids».
Les nouvelles
sur la situation économique sont mauvaises. Les notes de la
dette souveraine et la note d’évaluation du système bancaire tunisien (BICRA)
sont dégradées. La Tunisie a été exclue du classement 2012-2013 de l’Indice
Mondial de la Compétitivité élaboré par le Forum de Davos en raison d’un manque de clarté des
données de compétitivité économique, rejoignant ainsi le Soudan, l’Angola ou la
Somalie. La Tunisie occupait pourtant la 32ème place sur 141 en 2010
et la 40ème en 2011. Cette
exclusion sème le doute face à un gouvernement qui donne l’impression de ne pas
savoir comment aborder la situation économique, comment définir sa politique de
développement et comment rendre claires ses priorités, ses plans d’action et sa
trajectoire de progrès. Or, il est accusé de trop s’occuper à régler la
législation islamique personnelle de chaque citoyen.
Déclarations
pro-israéliennes
C’est un appel
au secours qui est lancé par de nombreux citoyens tunisiens auprès de leurs
relations dans le monde occidental pour qu’ils relayent la nécessité de
changement de politique du gouvernement car si la situation économique continue
à se dégrader, alors la révolution aura perdu sa raison d’être.
Chedly Ayari |
Pourtant
quelques lueurs d’espoir avaient brillé lorsque, sur proposition du
gouvernement, l’Assemblée nationale constituante (ANC) avait approuvé la
nomination à la tête de la Banque centrale de Chedly Ayari, docteur en économie de la Sorbonne. Ce
technocrate compétent, proche du président Bourguiba, reste pourtant
controversé en raison de son long passé ministériel et à la tête d’organisations
internationales.
Sur le plan
international, des hauts dirigeants tunisiens ont fait quelques pas timides en
direction d’Israël qui ne semble plus frappé d’ostracisme. Elle estime pouvoir
tirer des bénéfices économiques de nouvelles relations avec un pays reconnu par
l’Égypte et la Jordanie, disposant d’un potentiel industriel lui permettant de
rivaliser avec les plus grands.
Des tentatives avaient été faites pour créer un pôle de sous-traitance high-tech pouvant débloquer des centaines d’emplois pour les tunisiens diplômés alors qu’Israël manque de main-d’œuvre qualifiée au point de sous-traiter, très loin en Inde.
Moncef Ben-Jaafar |
Des tentatives avaient été faites pour créer un pôle de sous-traitance high-tech pouvant débloquer des centaines d’emplois pour les tunisiens diplômés alors qu’Israël manque de main-d’œuvre qualifiée au point de sous-traiter, très loin en Inde.
Lors d’une
visite officielle à Vienne, Mustapha Ben Jaâfar,
président de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), la plus haute instance
en Tunisie, a estimé que «la normalisation des relations avec Israël n’est
bloquée que par une minorité de nationalistes extrémistes».
Cette déclaration peut-être rapprochée avec celle de Rafik Abdesselam, ministre des affaires étrangères, qui avait signifié en mars 2012 son rejet de toute idée d’inclure une clause dans la Constitution tunisienne criminalisant la normalisation avec Israël. Il avait certes atténué l’impact de sa position en précisant que le gouvernement n’établira pas de relations avec «l’entité sioniste». Un deuxième ministre d’Ennahda, Tarek Dhiab, ministre de la jeunesse et des sports a lui aussi déclaré, en avril 2012, que le gouvernement tunisien ne voyait aucun problème à accepter une aide d’Israël.
Rafik Abdesselam |
Cette déclaration peut-être rapprochée avec celle de Rafik Abdesselam, ministre des affaires étrangères, qui avait signifié en mars 2012 son rejet de toute idée d’inclure une clause dans la Constitution tunisienne criminalisant la normalisation avec Israël. Il avait certes atténué l’impact de sa position en précisant que le gouvernement n’établira pas de relations avec «l’entité sioniste». Un deuxième ministre d’Ennahda, Tarek Dhiab, ministre de la jeunesse et des sports a lui aussi déclaré, en avril 2012, que le gouvernement tunisien ne voyait aucun problème à accepter une aide d’Israël.
cliquer sur le triangle noir pour écouter le ministre
Tarek Dhiab confirme que le gouvernement tunisien accepterait l'aide d'Israël
Mais tant que la
Tunisie, qui soutient la cause palestinienne, ne s’inspirera pas de la
stratégie égyptienne de relations économiques tout azimut alors, elle refusera
la normalisation avec Israël et par contre coup l’aide des grandes entreprises
mondiales liées à l’État juif. La Tunisie ne pourra sortir de sa torpeur
économique que si elle fait preuve du même pragmatisme qui a conduit le Hamas et l'Égypte à
orienter leur action vers la guerre économique plutôt que vers le conflit
militaire.
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