ISRAËL FACE AUX CHANGEMENTS DE PARADIGMES AU MOYEN
ORIENT
Par Francis MORITZ
Jeunes Palestiniens en révolte
Une fois de plus,
tout change très vite dans la région. La reprise des relations diplomatiques
entre l’Arabie saoudite et l’Iran sous l’égide de la Chine, la reprise des
relations de l’Arabie avec Damas, le Qatar qui intervient financièrement au
Liban sans faire de vagues. Le Hezbollah qui change les règles du jeu, le Hamas
et le Djihad qui veulent profiter de l’effondrement de l’A.P. La jeunesse
palestinienne des territoires qui désespère et qui n’entrevoit d’autre issue
que dans la violence au quotidien. Autant de défis et d’opportunités alors que
le pays est confronté à une contestation populaire qui en est a sa neuvième
grande manifestation et dont on ne voit pas la fin. On a coutume de dire que «c’est avec les lumières du passé que l’on se conduit
dans l’obscurité de l’avenir» Tentons d’y voir clair, pour notre futur.
Reunion au sommet Irano-Saoudienne |
Il y a 20 ans, les États-Unis
démontrèrent au Conseil de Securite à l’aide de vrais-faux documents, que
l’Irak disposait d’armes de destruction massives. On connait la suite, mais pas
toute la suite. Les États-Unis déclenchèrent la guerre. Le 20 mars 2003, le président
américain, dans une allocution télévisée, déclarait que les Irakiens devraient
être libérés et soulignait l’engagement continu à faire de l’Irak un pays uni,
stable et libre. Le monde entier a également vu les images dégradantes
prises dans la trop fameuse prison d’Abu Ghraeib. Depuis l’Amérique a quitté
l’Afghanistan dans les conditions que l’on sait. Tout cela, le monde arabe ne
l’a pas oublié. La crédibilité de l’Occident a été largement entamée, pour
longtemps.
Aujourd’hui l’Irak
est devenu un satellite de l’Iran, qui contrôle le pays grâce à ses milices. Malgré
de relatifs échecs en 2020 et 2021, son bras local, la Muquawama, qui regroupe plusieurs
milices pros iraniennes, Kata’ib Hezbollah, Asa’ib Abi al Haq et Harakat
Hezbollah al-Nujaba, soutenues par le corps des Gardiens de la révolution et
qui figurent sur la liste des organisations terroristes. Les médias se sont
beaucoup intéressés à Wagner, mais ont oublié toutes les autres milices non
gouvernementales, dont la liste est longue. L’Irak dispose d’une constitution
que les politiciens pro-irakiens ont su utiliser à leurs fins. L’Iran en a fait
un État chiite satellite. La même méthode progressive s’applique au Liban, autre
pays qui dispose d’une constitution. Le Hezbollah y exerce un contrôle de fait.
Irak les milices iraniennes au pouvoir
On ne voit pas
comment les États-Unis peuvent modifier cette réalité et au fond le veulent-ils
vraiment ? Dans le même temps, on apprend que l’Arabie Saoudite et l’Iran ont
renoué des relations diplomatiques. Surprise? Peut-être pas pour tout le
monde. On oublie vite en Occident que le double standard est chose courante au
Moyen Orient. On apprend aussi que l’Arabie saoudite et la Syrie rétablissent
leurs relations après dix ans de suspension, ce qui est la voie ouverte à une
réintégration au sein de la Ligue Arabe. C’est aussi une perspective pour Damas
d’avoir accès au soutien financier saoudien à condition de revoir sa dépendance
vis-à-vis de Téhéran, car tout a un prix. Ce qui peut faire l’affaire d’Israël à
terme. Bahrein renouera sans doute également avec l’Iran.
Peut-être est-ce
aussi le moyen de résoudre la guerre du Yemen qui oppose deux factions soutenues
par l’Arabie et l’Iran. Au Liban, le Qatar, contrairement aux autres monarchies
du Golfe, a discrètement continué à soutenir financièrement les Forces Armées
Libanaises pour éviter leur désagrégation et leur prise en main par le Hezbollah.
Déjà lors du conflit de 2006, le Qatar a aidé à la reconstruction dans le sud
du pays. En mai 2008, l’accord de Doha a mis fin à une impasse de 18 mois. Ce
qui a permis une importante relance économique, mais devant la montée en
puissance du Hezbollah, l’Arabie en tête, les pays du Golfe se sont retirés. Seul
le Qatar a poursuivi ses investissements. Il serait maintenant question qu’il investisse
massivement dans le système bancaire pour éviter sa disparition dans ce pays au
bord de la dislocation.
En juin 2022, le
Qatar a assuré la fourniture de denrées alimentaires pour les forces armées
libanaises et a fait don de 60 millions de dollars pour régler les salaires. Enfin,
le ministre Qatari de l’énergie et des représentants libanais ont signé à
Beyrouth un accord dans lequel le Qatar prendrait une participation de 30% dans
un consortium d’exploration du pétrole et du gaz offshore. C’est peut-être
aussi le signe qu’il s’agit de contrebalancer en partie l’influence iranienne. Accessoirement
on n’oublie pas que la plus importante base américaine du Moyen Orient se trouve
au Qatar. C’est bien de double standard qu’il s’agit.
Et la sécurité d’Israël ?
Le Hezbollah et le Hamas agitent en permanence des menaces qui relèvent très
souvent de la propagande. Pour autant, on ne peut pas les classer toutes dans
cette catégorie. L’infiltration d’un terroriste près de Megiddo ne doit pas
être prise à la légère même si les autorités ont tendance à la minimiser. Au
fil de l’intensification des opérations de harcèlement du Hezbollah le long de
la frontière nord, on assiste à un changement du statu quo implicite entre
Israël et le groupe terroriste affidé de l’Iran. En clair, Nasrallah pense être
devenu assez fort pour changer les règles du jeu. Les faits semblent lui donner
raison, du moins en partie. Le terroriste a pu parcourir environ soixante kilomètres
sans être inquiété. Les sources bien informées pensent qu’il s’agit d’une
action orchestrée par le Hezbollah même si formellement, sur Telegram, c’est un
groupe intitulé les forces de Galilée - les Loups solitaires qui en
revendique la responsabilité. Ce groupe publie divers photos et lieux désignés comme
prochaines cibles. C’est le dernier incident d’une liste déjà longue.
Découverte d’un tunnel Hezbollah
Le Hezbollah est en
train de réécrire les règles du jeu et de rompre le statu quo. Engagée dans la
guerre civile en Syrie, l’organisation terroriste avait fait le choix d’un plan
à plus long terme, dont la création de tunnels faisait partie. Israël a réussi à
les neutraliser à partir de 2018. Nasrallah croit désormais pouvoir déchiffrer
et anticiper les intentions d’Israël, selon certains analystes. C’est ce qui
l’a conduit à approuver au cours des trois années écoulées une série d’actions
de plus en plus agressives. On comprend que ses lignes rouges ne seraient franchies
que si Israël frappait des cibles sur le sol libanais ou s’en prenait à des
membres de l’organisation directement.
Après l’attaque de
drones à Beyrouth en 2019, Nasrallah s’est engagé à tirer sur les drones de
surveillance israéliens. En février 2022 il déclarait que ses capacités de défense
anti aérienne avaient forcé Israel à réduire substantiellement ses vols de
drones au-dessus du sud Liban et à s’abstenir au-dessus de la Beqaa. Le chef de l’armée
de l’air israélienne Amikam Norkin n’a pas démenti toutes ces informations. Il
aurait même conclu Israël n’a plus sa pleine liberté d’action au-dessus du Liban. L’explosion du port de. Beyrouth a temporairement détourné le
Hezbollah de ses expéditions. En juillet dernier Nasrallah menaçait d’attaquer Israël,
si Israël commençait l’extraction avant conclusion de l’accord sur la frontière
maritime. L’envoi d’un drone non armé constituait un message de confirmation.
Sa propagande a souligné le rôle du Hezbollah dans l’importation de pétrole iranien, sans Israël n’intervienne. Une nouvelle politique semble expérimentée lorsque des harcèlements par rayons laser provoquent des explosions. L’instabilité actuelle en Israël est mise à profit pour augmenter les actions et tester les réactions de Tsahal. Les dernières déclarations du ministre Yoav Galant et de toute la classe militaire, d’active et de réserve, indiquent une vive inquiétude sur les capacités sécuritaires du pays, malmenées par les dissensions au sein de la coalition et par l’absence d’expérience de certains ministres. A ce jour il n’y a pas encore de cabinet de sécurité. Ce qui encourage les organisations terroristes, Hezbollah et Hamas, d’être de plus en plus entreprenantes. Ce qui augmente d’autant le risque de dérapage, en l’absence de réactions israéliennes ciblées, au-delà des déclarations de bonnes intentions.
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