Arrestation |
Cette semaine, une vaste opération
de police impliquant près de 3.000 fonctionnaires a eu lieu à travers le pays,
entrainant des perquisitions, des arrestations sur tout le territoire de la République
Fédérale. Les services de sécurité surveillaient depuis des mois une mouvance
considérée comme dangereuse qui s’est auto proclamée, les Citoyens du Reich.
L’intervention a été décidée à la veille d’une action qui avait pour objectif
un attentat au parlement allemand. On fait immédiatement le rapprochement avec
l’incendie du Reichstag à Berlin le 27 février 1933. Ce fut le début du
nazisme. Certains y voient une forte ressemblance avec l’invasion du Capitole à
Washington le 6 janvier 2021. Dans les deux cas c’était une attaque contre la
démocratie.
Tentative de pénétration du Reichstag durant la pandémie |
Les Citoyens du Reich forment
un groupe très hétérogène de membres radicaux et violents qui ne reconnaissent
pas l’État démocratique fondé en 1949. Ses membres nient l’existence de la
République Fédérale après la seconde guerre mondiale et croient que cet État
n’est rien d’autre qu’une construction voulue et dirigée par les puissances alliées
de 1940-45. Pour eux, les frontières de 1937 de l’empire allemand existent
toujours au motif que l’Allemagne n’a jamais signé d’accord de paix avec les
Alliés et que «La loi fondamentale» allemande exige un référendum
populaire pour être régie par une constitution légitime. Ses divers groupuscules,
refusent de payer des impôts et ont même déclaré leurs propres petits territoires
nationaux qu’ils appellent le Second Empire allemand, l’État
libre de Prusse ou la principauté de Germanie.
Ils impriment illégalement des
passeports, des permis de conduire, produisent des t-shirts et des drapeaux à
des fins publicitaires. Ils ne reconnaissent pas le caractère criminel de ces
activités et proclament haut et fort, sur leur site internet, leur intention de
poursuivre la lutte contre la République Fédérale. Pour autant, ils inondent
les tribunaux d’un flot de requêtes, d’objections contre les décisions de
justice et le paiement des impôts qu’ils contestent. Indépendamment du fond,
les autorités locales sont tenues de traiter chaque demande formelle déposée. Ce
qui souligne une fois de plus les limites de l’État de droit dès lors qu’il se
trouve face à des extrémistes qui utilisent le système en place pour combattre
l’État. Non content de créer le désordre sur le plan juridique, ils s’en
prennent également physiquement aux maires des petites villes, dont ils filment
les agressions, pour les mettre en ligne sur leur site.
C’est l’émergence en Allemagne d’un
mouvement en progression qui veut délégitimer l’État démocratique. L’agence
allemande pour la sécurité intérieure (BIV) estime qu’il compte environ 21.000 dont
10% sont classés extrémistes de droite. En moyenne, il s’agit d’hommes de plus
de 50 ans, adhérents aux idéologies populistes de droite, antisémites et nazies
qu’on retrouve sur toute l’étendue du territoire. Un juge les a déjà qualifiés de complotistes.
Manifestation citoyens du Reich |
Les autorités sont d’autant plus
inquiètes qu’elles ont constaté leur affinité pour les armes à feu. Selon les
services de sécurité (BIV), ils sont prêts à commettre des actes violents.
C’est ce qui a déclenché l’opération. Lors des perquisitions, la police a
découvert de grandes quantités d’armes et de munitions. Une partie importante
du groupe est constituée par d’anciens militaires de la Bundeswehr ainsi que de
l’ancienne armée populaire de l’ex RDA, dont certains ont suivi une formation
spéciale de commando.
Le groupe est particulièrement
dangereux. Après diverses attaquent recensées ces dernières années, il a
participé en 2021 aux manifestations contre les restrictions liées à la
pandémie, avec la tentative avortée de l’assaut sur les marches du Reichstag à
Berlin. Fin 2021, 1.050 Citoyens se sont vu retirer leur permis d’armes,
mais 500 conservent encore une arme. 2.100 sont considérés comme très violents.
Parmi les personnalités arrêtées, On y retrouve le Prince de Reussen
porteur de cette idéologie : abolir l’ordre politique en Allemagne et
déposer le gouvernement pour le remplacer, l’ancien colonel Maximilian Eder
radicalisé qui appelait les forces spéciales de la Bundeswehr à venir nettoyer
correctement les manifestations anti-vaccinations à Berlin. Il avait
lui-même participé à la mise en place du commandement de ces forces dont il
avait suivi la formation.
Manifestation des Citoyens du Reich |
Un certain Rüdiger von P. ex
commandant d’un bataillon parachutiste devait être le bras armé du groupe,
exclu de la Bundeswehr pour vente illégale d’armes. Un autre ex-militaire Marco
van H. ancien policier exclu après avoir répandu les thèses des Citoyens
et fait publiquement le salut nazi durant les manifestations anti-Corona. Un
militaire actif, logisticien, ferait également partie du groupe d’action. Les
autorités ne seraient pas encore en mesure d’apprécier le nombre d’actifs
radicalisés présents dans les institutions, la police et l’armée, les tribunaux
- faute d’avoir pris conscience suffisamment tôt de l’ampleur du danger.
L’appellation Citoyens du Reich
cache la dangerosité du groupe qui comporte des branches latérales où se
retrouvent des penseurs latéraux formés militairement et d’autant plus
dangereux. Depuis 2017 la Bundeswehr a subi un certain nombre de soubresauts. Toutes
les nouvelles recrues subissent un contrôle systématique de sécurité. Ce qui
devait manifestement être insuffisant, car cinq ans plus tard, depuis octobre,
un contrôle de sécurité étendu est devenu obligatoire - donc tardivement - pour
tous les soldats destinés à intégrer les forces spéciales. Quand on connaît le
nouveau plan de développement en vue d’une armée de métier, le problème est
très sérieux en raison de la difficulté du recrutement de l’Allemagne qui avait
aboli l’armée (sauf la défense). Tout a changé depuis le conflit en
Ukraine. Les réservistes doivent
dorénavant subir un contrôle de sécurité.
L’enseignement
de cette tentative de putsch
A priori, les experts allemands
ne pensent pas qu’elle aurait pu aboutir. En revanche, même un échec représente un risque sérieux. L’Allemagne est déjà passée par là dans les années 60/70 lorsque la bande à Baader de la Fraction Armée Rouge a sévit. C’est réintroduire la terreur et un nouveau risque de déstabilisation dans une Allemagne où la coalition compliquée qu’elle est en interne, doit faire face à une situation complexe que la guerre en Ukraine a amplifiée. Provoquer l’incendie du Reichstag pourrait être l’étincelle qui serait le point de départ d’une vague encore plus violente selon l’analyse qu’on peut en faire. Rappelons-nous ce qui s’est passé en France à partir de l’action des gilets jaunes et la présence des Black Block dans les manifestations. Le norvégien Anders Breivik, en tuant 77 personnes, croyait que le retentissement de ses actions provoquerait un changement politique. C’est bien ici le sujet. Ne nous y trompons pas, c’est de la rhétorique, mais pas la réalité.
Certains des Citoyens prétendent rechercher
une transition pacifique. Pour mémoire
en avril, un groupe sous la direction d’un théologien antisémite de plus de 70
ans qui préparait aussi un coup d’État a été démasqué. Ce mouvement développait
les mêmes théories que les QAnon américains.
Ces épisodes complotistes qui
agitent la république par périodes depuis plusieurs décennies montrent que
l’idéologie nazie est toujours vivante au pays de Goethe. Le silence des
autorités politiques et judiciaires laisse penser à ces groupes qu’ils
disposent d’un soutien bien plus large que dans la réalité. Dans le même temps,
les autorités découvrent régulièrement que plusieurs corps de l’État sont
infestés par la peste brune qui a repris du service. L’extrémisme mortifère
d’extrême-gauche passé est remplacé depuis par une extrême-droite qui veut
provoquer le chaos. L’État de droit est en difficulté, car ses institutions ne
semblent pas être préparées à affronter cette situation, beaucoup d’Allemands
ont été surpris. Comme le furent beaucoup de Français durant les manifestations
des gilets jaunes et l’apparition des Black Blocks. Décidément l’histoire se
répète et on est toujours aussi surpris.
L'Histoire, en Allemagne, ne se renouvelle pas. Elle continue depuis 1923, date du coup d'etat avorte des nazis a Munich.La Fraction Armee Rouge etait profondement antisemite, et le tri des passagers de l'avion Air France detourne sur Entebbe en 1976 en fut la preuve eclatante.
RépondreSupprimerLa "denazification" ne fut qu'une vaste blague, stoppee d'ailleurs en 1949 par le chef du FBI Allan Dulles, lui ausssi nazi et antisemite.
Mais a cote de cela, il y a aussi en Allemagne des groupes liberaux, democratiques, anti-racistes. L'Allemagne a su mieux gerer l'integration de l'immigration que ses voisins.
Triste anecdote qui m'est arrivée il y a quelques années: deux Allemandes profs de collège étaient venues en Israël et nous étions allés dans un restau, l'une d'elle me dit "Netanyahou est un Nazi", je lui répondis alors que malgré tout ce que je n'aime pas chez Netanyahou et la liste s'allonge chaque jour, ce n'est pas un nazi, et qu'elle en tant qu'Allemande devrait savoir ce qu'est le nazisme, ce à quoi elle me dit que le mot "Nazismus" (en allemand dans le texte) que j'avais utilisé, n'existait pas en allemand, et son amie et collègue de renchérir avec un ton tout aussi agressif. J'étais sidéré ! Un tel mensonge effronté venait s'ajouter à de nombreuses rencontres avec des "jeunes" allemands non dénazifiés depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les mentalités sont encore suffisamment ancrées dans l'idéologie et les cœurs encore empoisonnés chez eux, que j'en ai fait une caricature "Il existe une nouvelle Allemagne, mais ne le dites pas trop fort, les Allemands pourraient y croire"...
RépondreSupprimerLes trois mamelles du National-Sozialismus etait Nazismus, Racismus et Antisemitismus .Petit changement cependant, à partir de 1933 on ne peut plus employer Nazismus, seulement la formule complete d’origine.. Dont acte si vous rencontrez de leurs adeptes
RépondreSupprimerBien cordialement