SOMMET DE LA FRANCOPHONIE SANS ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
Kais Saïed avait proposé de reporter cette édition qui
coïncidait avec le 50ème anniversaire de la fondation de l’OIF, créée à la
suite d’une initiative du président Habib Bourguiba, en collaboration avec les
présidents du Niger, du Sénégal et avec le Prince du Cambodge. Louise
Mushikiwabo avait alors proposé d’organiser cette édition à Djerba. Pour
mémoire, Israël n’a jamais été admis dans l’organisation malgré ses 150.000
francophones, car l’admission d’un nouveau membre doit être décidée à
l’unanimité. Or le veto libanais persiste.
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Fondateurs francophonie |
Le président tunisien compte beaucoup sur cette
réunion pour être mis à la lumière auprès des chancelleries internationales et
pour se donner une stature internationale. En avril 2020, il avait déjà appelé
les États ainsi que les organismes internationaux à mettre en place une
stratégie globale pour lutter contre la pandémie qui avait frappé l’humanité.
Il a estimé que les pays ne devaient pas se contenter de stratégies
individuelles de lutte, mais qu’il fallait également une réaction collective. À
ce titre, il avait lancé une initiative pour convoquer une réunion d'urgence du
Conseil de sécurité afin de lui soumettre un projet de résolution visant la
recherche de stratégies concertées à l’échelle internationale pour résister à
la propagation du virus. Il avait été entendu puisque le Secrétaire général des
Nations Unies, António Guterres, avait lancé un «Plan de réponse humanitaire
mondial» contre la pandémie de Covid-19 avec un appel aux dons à hauteur de 2 milliards de
dollars.
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Rached Khiari |
En plus de chercher à s’afficher auprès des instances
internationales, Kaïs cherche à présenter la Tunisie sous un jour positif après
toutes les prises de positions anti israéliennes qu’il a affichées ces derniers
mois. Mais il existe toujours des trublions qui viennent lui gâcher l’ambiance.
Par ses déclarations intempestives, il a poussé les Tunisiens à persister dans
leur islamisme suicidaire. Et pour preuve, le député tunisien Rached Khiari avait
justifié le meurtre du professeur français Samuel Paty : «Celui qui porte
atteinte au prophète doit en assumer les conséquences !». Donc pour lui, il
est tout à fait normal de décapiter un enseignant qui tente d’expliquer à ses
élèves le contexte polémique de ces caricatures.
Mais un autre député s’était élevé contre l’OIF. Le
député Yassine Ayari avait demandé au président de la République, Kais Saïed,
d’annuler le sommet de la Francophonie, prévu en Tunisie. Cet illustre élu
considérait que ce sommet auquel prennent part essentiellement la France et ses
«anciennes colonies», visait à «consolider les valeurs et la langue
françaises à travers des pressions sous couvert de coopération politique,
académique, culturelle et économique». Yassine Ayari estimait qu’il était
inadmissible d’abriter ce sommet en Tunisie dans un moment où la culture
française se permet de «ridiculiser et de mépriser nos croyances et
d’imposer des restrictions sur les diverses cultures sur son sol pour des
raisons politiques et électorales, loin du respect mutuel».
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Yassine Ayari |
Telle est cette nouvelle Tunisie gangrenée par les
islamistes qui s’affichent ouvertement avec la complicité d’un président qui se
déshonore tous les jours. Et comme l’avait écrit le Canard Enchainé : «le
président tunisien s’est vendu comme un conservateur éclairé. Ce n’est pas
vraiment le cas !». La Tunisie va de plus en plus à la dérive ! Au lieu
d’encourager la démocratie laïque, Kaïs n'a fait que nourrir l’islamisme et,
par conséquence immédiate, l’islamisme radical. Il ne faut donc pas s'étonner
qu'il enfante des monstres capables de s'attaquer à la culture.
Le 18e Sommet de la francophonie réunit les chefs d’État des pays qui
ont en commun la langue française et il marquera l’histoire de
l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) : la Tunisie est en
effet le premier pays arabe nord-africain à l’accueillir. Quatre-vingt-cinq
délégations sont attendues, ainsi que trente et un chefs d’État. L’événement
coïncide avec la célébration du cinquantenaire de la création de la
Francophonie institutionnelle. La Tunisie en est l’un des pays fondateurs, par
la voix de son ancien président Habib Bourguiba. Les liens entre le pays du
Jasmin et le monde francophone remontent à l’époque beylicale, bien avant le
protectorat français de Tunisie, établi en 1881.
Djerba profitera de ce sommet pour offrir une belle vitrine touristique au moment où le tourisme tunisien s’est effondré, entrainant une crise économique grave. Le paradoxe tient au fait que la pratique du français en Tunisie est en fort recul depuis l’indépendance et le départ des citoyens français. L’enseignement dans les écoles a été réduit dans une sorte de rejet de cette langue symbolisant le colonialisme. Pour l’ambassadeur de France, André Parent, «ce recul par rapport aux dernières décennies est dû aux programmes scolaires et au manque d’accès aux chaînes de télévision ainsi qu’aux radios françaises». En tant que diplomate il a préféré ignorer les vraies raisons du rejet de la langue de Molière.
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Abdou Diouf |
Israël est l’oublié
de l’OIF. Puisque l’entrée lui est refusée, Israël n’a rien n’a y faire. De
toute façon, l’OIF a vu son intérêt s'éroder parce que les États et les
gouvernements, répartis sur l’ensemble des continents, se sont comportés en
fossoyeurs de l’organisation en la politisant. Au lieu de promouvoir la langue
et la culture françaises et de combattre l’impérialisme envahissant de la
culture anglo-américaine, les Sommets de la francophonie ont fixé des ordres du
jour strictement politiques : paix et droits de l’homme, démocratie et
économie, technologie et environnement, enjeux environnementaux et économiques
face à la gouvernance mondiale, et enfin égalité femmes/hommes. Tout a été
organisé pour que la politique et l’idéologie priment sur la culture et la
linguistique alors que les combats n’auraient dû n’être que littéraires.
Les Francophones d’Israël
ont été écartés alors que selon l’ancien secrétaire général, Abdou Diouf «la
langue française appartient à ceux qui ont choisi de la féconder aux accents de
leurs cultures, de leurs imaginaires, et de leurs talents». L’OIF parle
uniquement politique au lieu de défendre la diffusion des textes de Zola,
Balzac ou Victor Hugo, et même de Jacques Brel ou Léo Ferré. Le Liban refuse Israël pour des raisons politiques. La culture est un
espace de liberté et de paix où les amoureux des textes, des mots et des
phrases bien faites devraient se retrouver dans le seul combat pour la défense
du talent et de la liberté de penser et d’écrire. Malraux et Sartre défendaient
d’abord le combat littéraire avant la lutte politique. Paradoxalement, l’Albanie
et les Îles Seychelles en font partie avec un nombre de francophones infime.
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Louise_Mushikiwabo |
Le comble est que la
France n’avait pas d’ambassadeur à Kigali depuis 2015 parce que le président
Paul Kagame, qui ne parle pas le français, accusait la France d’être complice
du génocide des Tutsis, perpétré par les Hutus, alliés de la France. Le 12 juin 2021,
Antoine Anfré avait été enfin nommé au poste d’ambassadeur de France au Rwanda.
Mais Paul Kagame avait fait adhérer en 2009 le Rwanda au Commonwealth,
normalement réservé aux anciennes colonies britanniques, et n’a eu de cesse de
prendre ses distances avec le français. Il a choisi l’anglais comme langue
nationale. La rédaction des actes officiels se fait maintenant en anglais. Le
français n’est presque plus enseigné dans les écoles. Même dans le cadre de
l’OIF, ou dans ses échanges avec Emmanuel Macron, Paul Kagame n’utilise que
l’anglais. Il semble incapable de prononcer quelques mots en français.
L’élue Louise Mushikiwabo, la seule francophone de l’entourage du président, avait déclaré le 11 septembre 2011 : «L’anglais est une langue avec laquelle on va plus loin que le français. Au Rwanda, le français ne va nulle part» et pire, en 2014, elle ne s’était pas opposée à la destruction programmée du centre culturel français de Kigali, sous l’alibi fallacieux qu’il était contraire au plan d’urbanisme. On ne comprend pas ce soutien français qui confirme que la France détient d’énormes pouvoirs à l’OIF, utilisés uniquement à ses fins personnelles. Alors que l’OIF a pour rôle essentiel de renforcer la démocratie et de défendre les droits de l’homme, le Rwanda est rarement cité en exemple pour leur respect puisque depuis l’année 2000 Paul Kagamé en est le dictateur «élu» jusqu’en 2034. Dans son rapport 2017-2018 consacré au Rwanda, Amnistie internationale avait écrit : «La répression exercée contre les opposants politiques se poursuit, marquée par de graves cas de restrictions aux libertés d’expression, d’association, d’homicides illégaux et de nombreuses disparitions non élucidées».
En ce qui concerne la France-Afrique, Emmanuel Macron a cassé les codes sans rien céder sur l'essentiel. Il détient de forts pouvoirs dans l’OIF. Il maintient une politique souterraine qui traduit encore un rapport de domination. La nomination de Louise Mushikiwabo en est un exemple parfait. Mais il n’a rien fait pour faciliter l’entrée de l’État juif dans l’organisation. Israël passe au second plan de la culture française alors qu’il a noué des relations diplomatiques avec une grande majorité de pays arabes, le Maroc en particulier. Mais Emmanuel Macron ne semble pas donner beaucoup d'importance à cette réunion car il ne prononcera pas de discours et ne restera pas jusqu'à la fin du sommet, puisqu'il a prévu de rentrer dès le soir en France.
6 commentaires:
Balzac, Alexandre Dumas père, Maupassant : oui
Victor Hugo et Zola : non
QUI VEUT CROIE ENCORE A LA FRANCOPHONIE SI CE N'EST CE QUI RELEVE DE LA LITTERATURE ET PEUT ETRE DE LA MODE ET DU LUXE....LA FRANCOPHONIE DEVAIT RESTER UN LIEU D'ECHANGE DE CULTURE ET NE PAS DEVENIR LA TRIBUNE DE L'ISLAMISME ET D'UN ANTI-SIONISME. LA TUNISIE AVEC SES JUIFS TUNISIONS A CONNU UNE PERIODE PROSPEREET ET DJERBA EST A VITRINE D'UNE COEXISTENCE REUSSIE QUE LES ISLAMAISTES TENTENT AVEC ACHARNEMENT A DETRUIRE - JACQUES RIVKINE - MEMOIRE DES HEBREUX D'AFRIQUE
@le rabouilleur
J’aimerais savoir pourquoi Victor Hugo et Zola non….
Merci de développer.
pour V. Allouche :
Le misérabilisme ne passera pas, en tout cas pas chez moi.
Après, les goûts et les couleurs ....
Je crois qu'on a plus de chance d'etre admis au Commonwealth. L'anglais est une matiere obligaoire dans 3 quarts des ecoles israeliennes akirs que ke francais n'st etudie que dans une poignee d'ecoles.
Le déclin de la francophonie va de pair avec le déclin de la France.
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