Shakespeare |
La dramaturgie, le personnage, ses ombres portées et, au loin, un
pays victime et spectateur impuissant. Tout y est. La vie n’est qu’une ombre
qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s’agite durant son heure et
qu’ensuite on n’entend plus. C’est une histoire dite par un idiot, pleine de
bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. Jonathan se disait,
Shakespeare n’aurait pas cru ses yeux et ses oreilles ! Trouver dans ce
monde fou du Moyen-Orient un exemple réel, vivant, de sa définition
crépusculaire. Il ne résista pas, ce soir emprunt des premiers signes de
l’hiver israélien, à s’offrir le luxe de survoler la pièce que le théâtre
politique du pays lui offrait.
Cour suprême |
Tout d’abord, comme toujours, l’acteur principal. Sujet, cause et,
finalement, c’est la règle, conséquence du drame qui se joue. Ici, comme
toujours, le poids écrasant, dominateur du roi. Le roi B…. Une intelligence
indéniable, une culture moyenne mais large, un héritage de notoriété sinon de
prestige, une vraie expérience du monde extérieur, une connaissance intime des
méandres du monde interne, un sens de la mesure et de la conduite des hommes,
une absence absolue de scrupules encombrants, un réel génie tactique. Un
sourire pour tuer, l’art de la séduction pour conquérir. La résistance par courage
et par rage. Et par-dessus tout, le développement exponentiel du goût et de la volonté
du pouvoir. Stimulé par l’histoire des victoires successives. De Gaulle l’aurai
désigné : Sûr de lui et dominateur !! Tellement, qu’il polarise sur sa personne le combat
politique. Reléguant aux oubliettes le débat d’idées, la comparaison
programmatique.
La cour, ensuite. Au premier cercle, l’ambition active, permanente,
décuplée. Jonathan imaginait le roi, mangeant sa soupe le soir, avec à ses côtés,
la sarabande de l’exigence et de l’hystérie vindicative pour décupler tous ses
efforts. Puis la noria des affidés, dépendants, prêtant leurs savoir-faire particuliers
au savoir-faire machiavélique royal. Enfin tous les autres. Le tissu des femmes
et hommes de pouvoir aussi, dans les domaines économiques et financiers, dans
le pays et à l’international. La communauté internationale des autocrates, des
dirigeants nationalistes. Sans compter les journalistes d’opinion, souvent de
conviction, comme celui qui, récemment, faisait une critique impitoyable, et
bien dans le sens du temps, des méchantes ONG, capables d’agresser de pauvres
soldats surarmés.
Roi Lear |
Comme dans les drames shakespeariens, où un évènement inopiné vient
enclencher la suite infernale de l’histoire pleine de bruit et de fureur, une
circonstance inattendue du roi, vint briser une hégémonie devenue branlante.
Nouvelle prise de la Bastille, la royauté fut renversée. Remplacée par une association
improbable, usurpatrice, iconoclaste, hétérogène. Comble du comble, boutant hors
de sa résidence la famille royale tout entière. Qui, ensuite poussa la provocation,
élaborant un budget national, développant un ensemble d’actions concrètes de
financement, modernisation, réintroduisant la minorité arabe dans le jeu
politique du pays, rétablissant une image et un réseau internationaux.
Heureusement, l’immaturité politicienne, la lutte inévitable des
egos, l’immobilisme face au conflit israélo-palestinien, ont ouvert le chemin
aux manipulations souterraines, à l’art de la déstabilisation. Pour aboutir à l’inévitable
résurgence de la royauté, à la probable réinstallation du roi sur son trône.
Probablement certaine, car en fait confrontée à des propres
contradictions. Ce roi, supposé malgré tout soucieux du bien du pays, se révèle
finalement prêt à privilégier le sort de sa personne. Le précédent, lié aux
accords d’Oslo et à un assassinat ultime, aurait pourtant dû mettre une puce à
l’oreille. Poussant une relation bien ancrée avec les milieux religieux,
jusqu’ici sécurisante politiquement, le roi porte cette relation à un point
culminant. Pour réaccéder à cette drogue du pouvoir, ainsi qu’à un espoir de
sécurisation personnelle, il a promis de donner à l’extrémisme religieux une
place prééminente. En charge des domaines clés de la justice, de la sécurité et
de la défense, de l’éducation. De rompre l’équilibre classique et de donner aux
pouvoirs exécutifs et législatifs, autorité sur le pouvoir judiciaire. Ouvrant
ainsi la voie à une transformation de la démocratie établie, historique, en une
théocratie autoritaire, raciste, nationaliste. L’ampleur de cette dérive amène
donc le roi à opérer une virevolte dont il a le secret, et à tenter un dernier
tour de passe-passe pour un compromis qui lui assure sa primauté.
Gouvernement Lapid |
Sortant de son imaginaire théâtral, comme on descend les marches du
théâtre où la pièce vient d’être joué, Jonathan se demanda quel pourrait bien en
être le dernier acte. Dans la réalité, cette fois. Le roi finira-t-il comme «un
pauvre acteur qui se pavane et qu’ensuite on n’entendra plus» ? Peu probable. L’extrémisme religieux, libéré,
dominateur, déclenchera-t-il une histoire «pleine de bruit et de fureur» ?
Possible.
Il finit par se demander si le monde réel était si shakespearien
que ça. De fait, le pays réel fonctionne, innove, crée, produit, se développe,
apprend, se bat. Il revenait, aux citoyens de ce pays, eux aussi, de sortir de la
représentation et de reprendre leur vie réelle, en toute responsabilité.
Laissant ainsi «l’idiot» enfermé dans son histoire «qui ne signifie
rien».
Super analyst - merci
RépondreSupprimerL'équilibre engendre le déséquilibre; combien de temps pour finaliser un gouvernement au lieu de créer des primadonnas . Ce gouvernement sera aussi fragile que celui qui l'a précédé
RépondreSupprimerAu train ou vont les choses, je ne serai pas outrement etonne par de nouvelles elections legislatives.
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