Pages

lundi 14 novembre 2022

Charme rompu entre la France et l'Allemagne par Francis MORITZ


CHARME ROMPU ENTRE LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE


Par Francis MORITZ

 

G7

La lune de miel de circonstance entre la France et l’Allemagne aura été de courte durée. Malgré les sourires et les poignées de mains, les dissensions sont grandes entre un chancelier qui est sous la pression permanente de sa coalition et un président qui en cherche une. Le conflit en Ukraine a obligé les dirigeants européens à «parler vrai». Les Allemands sont en première ligne en matière d’énergie pour leur industrie, pendant que la France se félicite de disposer de l’énergie nucléaire, sauf quand elle est en pause. La France a effectué une visite d’amitié en Algérie avec 16 ministres, pendant que 15 jours plus tôt, l’Italie a signé un contrat de fourniture de gaz en bonne et due forme.


 
Macron Shultz

L’Allemagne, enfant chéri de toujours de l’Amérique, a décidé de créer une armée qu’elle voudrait la plus forte d’Europe à l’image de son industrie. La France aspire à une défense européenne qu’elle conduirait, car elle seule dans l’UE, dispose de l’arme nucléaire, celle de l’Armageddon. Mais c’est à partir de là que leurs routes diffèrent, car les intérêts ne sont pas communs. Chacun revendique sa souveraineté.

L’Allemagne, dans l’Otan, est la cheville ouvrière de Washington. C’est le pays où sont stationnés les avions Torpédo capables d’emporter une ogive nucléaire qui seront remplacés par des F35 déjà commandés aux États-Unis et non par des Rafales. A la suite de la décision historique de se réarmer, qui a entrainé une modification de sa constitution, l’Allemagne sur les 100 milliards d’euros du budget prévu, vient d’en passer commande pour 80% aux États-Unis et l’on parle de défense européenne. La France escompte toujours la réalisation de deux grands projets communs, l’avion de combat et le char européens. Les divergences sont telles que ce n’est pas demain qu’ils verront le jour. Paris pensait devenir le premier fournisseur de Bonn, politique commune européenne oblige.

Israël Arrow 3 air defense system


Opportunité pour Israël

À l’initiative du chancelier Scholz, son pays veut commander à Israël le système de defense aérienne Arrow 3 qui est le fruit d’une coopération américano-israélienne, IAI-Boeing. Pour l’instant, la Maison Blanche bloque cette vente de 3 milliards de dollars, car le développement a été financé à hauteur de 2,2 milliards de dollars par les contribuables et le système comporte des composants américains. Ce serait la première vente à un client international. Si ce contrat est confirmé, Jérusalem entrerait par la grande porte dans le programme de défense de l’Otan, son bouclier européen aérien. Paris souhaite développer un tel système. Ce qui prend des années. On peut donc comprendre que la France soit à nouveau déçue par ce choix.

L’attitude envers la Chine est un autre grand différend entre Allemagne et France. Le gouvernement allemand défend des intérêts conflictuels car soumis à une très forte pression de ses industriels qui ne veulent à aucun prix y perdre leur marché. Ce qui le conduit à adopter une politique porteuse de contradictions conflictuelles entre choix politiques et intérêts économiques.

En septembre 2021 le compagnie chinoise de transport de conteneurs Cosco, numéro quatre mondial, a conclu un accord avec le port de Hambourg en vue d’acquérir une part minoritaire de 35% du plus petit terminal de conteneurs du port, dénommé Tollerort. Il s’agit d’une pratique courante en l’espèce. La compagnie allemande Hapag Lloyd a la même démarche par ailleurs pour augmenter ses volumes. Cosco détient déjà des participations à Rotterdam, Anvers et Haïfa. Les oppositions très vives au sein de la coalition ont débouché sur un compromis. La participation a été ramenée à 24,9%. Que dirait-on d’une prise de participation chinoise dans le port du Havre ou de Marseille ?

Une récente analyse de l’institut Mercator de Berlin démontre à quel point l’industrie allemande de l’automobile continue de gagner en importance en Chine. D’une part c’est le plus grand marché du monde, de l’autre les constructeurs chinois de voitures électriques sont clairement en avance notamment pour ce qui concerne les batteries et les logiciels. Les constructeurs allemands ne peuvent plus et ne veulent plus se désengager de la Chine. C’est vital pour être en mesure de conclure des alliances avec les constructeurs chinois hautement innovants, qui vont se lancer à la conquête du marché mondial en concurrence avec eux.  

Christine Lambrecht ministre allemande de La Défense


C’est un renversement technologique. Les Allemands sont demandeurs et investissent avec force en Chine dans la recherche et le développement pour bénéficier de cette avance et des capacités considérables de ses constructeurs. On en parle peu, mais les constructeurs allemands exportent déjà des véhicules de Chine y compris vers l’Allemagne et l’Europe. Certaines activités en R & D y sont déjà délocalisées, avant même des mouvements plus importants. Ce sont autant de défis conflictuels. La France ne se projette pas, ou pas encore dans cette perspective.

On observe une trajectoire semblable en matière de batteries, cœur de la voiture électrique. Le numéro-un mondial le Chinois Catl investit en Allemagne. La France cherche désespérément à relocaliser ses industries perdues, tandis que Berlin mène une politique, qui à terme, risque de lui faire perdre des pans entiers de son industrie. En France on se souvient du dossier Alsthom et de ses péripéties, dont l’ukase de la commission européenne contre un groupe ferroviaire commun franco-allemand.

En Egypte, en marge de la conférence sur le climat, la deutsche Bahn vient d’enregistrer une commande de plusieurs milliards pour y exploiter un réseau à grande vitesse de l’ordre de 2.000 kms qui comporte la fourniture de locomotives, wagons et autres équipements (le sixième plus long au monde) produit par Siemens pour 8,5 milliards. Alors que depuis 2014 un accord lie l’Egypte et la Chine qui élargit substantiellement sa pénétration du marché. Donc ce type d’accord est géo-stratégiquement important pour l’Allemagne et aurait pu l’être pour l’UE. Deutsche Bahn a obtenu d’autres marchés en Inde, au Canada. Ces développements se font cependant au détriment de la mise à niveau de son réseau national. Une contradiction de plus. On observe donc le cavalier seul de l’Allemagne face à une France devenue vulnérable qui n’a pas les arguments et les moyens pour faire avancer ses idées face à ses propres contradictions et difficultés intérieures, un déficit commercial qui se creuse et une dette extérieure en croissance permanente.

Le président Macron chef des armées en visite à Toulon


En matière militaire

S'adressant pendant près de 45 minutes mercredi à un public composé en grande partie de militaires, le président Macron a expliqué que le nouveau plan stratégique «montrera, à travers ses articles, ses chiffres et ses engagements, le tableau d'une France unie et forte, autonome dans ses appréciations et souveraine dans ses décisions, robuste et crédible, respectée pour son statut de puissance nucléaire».

Résilience. «L’esprit de résilience et de planification doit irriguer nos ministères», a affirmé le chef de l’État, qui dit notamment compter sur la réserve française, les services civiques, ainsi que sur «notre grand projet de service national universel» pour faire face aux «menaces logistiques, énergétiques, environnementales, informationnelles, culturelles et psychologiques». «Il ne s’agit pas de militariser la société, mais de renforcer l’esprit de résilience», a-t-il insisté.

On ne parle plus de défense européenne. Sauf revirement de l’administration américaine, qui a attendu le résultat des élections, Israël bénéficiera de cette commande. On connait par ailleurs les relations anciennes et confiantes avec l’Allemagne, notamment pour les équipements navals militaires. On peut donc imaginer une augmentation substantielle des fournitures israéliennes dans le futur.

Sans faire injure aux personnages historiques que furent les dirigeants du passé, entre le général de Gaulle et le chancelier Adenauer, ce fut un mariage d’amour. Puis entre le chancelier Brandt et Giscard d’Estaing un mariage de raison, enfin aujourd’hui entre France et Allemagne c’est devenu un mariage de convenance. Israël pourra tirer le meilleur parti économique et politique de cette évolution. Chaque État ayant toujours en vue ses propres intérêts bien compris.

4 commentaires:

  1. L'Allemagne n'a jamais accepte se defaites de 1918 et 1945. La "Denazification" a ete une vaste plaisanterie, et le paiement des reparations aux seuls Juifs n'est tout au plus qu'un remboursement des interets economiques des Juifs europeens d'avant-guerre.
    L'Allemagne a donc decide de rompre (pour le moment) ses ambitions politiques et militaires, meme si elle a tout fait pour encourager l'Union europeenne a integre ces Etats europeens de l'Est, pauvres comme Job, mais pro-germaniques (et antisemites) a fond. L'Allemagne a ete, avec les USA, le grand depeceur de la Yougoslavie. Et ainsi la Croatie et la Slovenie sont devenues membres de l'UE, meme si leur economie st inferieure a celle de la Serbie pestiferee.
    L'Allemagne soutient l'Ukraine a contre-coeur car cela a amene la Russie a coupe les fournitures de gaz et comme dit Poutine: "on les verra crever de froid cet hiver". Les accords entre la France et L'allemagne se sont fait contre l'opinion de De Gaulle, qui comprenait la geostrategie bien mieux que les radicaux et socialistes francais. Les Trentes Glorieuses furent du pain benit et un lent empoisonnement. La France ne s'en remet toujours pas, et les divers gouvernements socialistes surent toujours mettre les boeufs devant la charrue. Exemple? La semaine des 35 heures sans une economie egale a celle de l'Allemagne. Mais pourquoi s'etonner quand les socialistes voterent les pleins pouvoirs a Petain?
    Et pourtant la France a de nombreux elements positifs, des ingenieurs et des techniciens de haut niveau. Mais elle a aussi des commerciaux et des politiciens presses de demolir tout ce qui se construit au nom de l'egalite sociale (foutaises francaises typiques).
    Petite rectification, M.Moritz: lkes Americains ont puise dans l'"aide militaire" a Israel pour l'aider a developper ses armes anti-aeriennes car ces "aides" ne sont que des subventions deguisees aux industries americaines de la Defense.
    Israel n'a pratiquement plus d'usines d'armement sur son sol et les Americains font pression pour les relocaliser sur le territoire americain. Tout cela permet aux USA de controler etroitement les politiques israeliennes.

    RépondreSupprimer
  2. Merci à Francis Moritz qui apporte, un fois de plus, un éclairage et une hauteur de vue qui souvent font défaut dans les médias, en ligne ou papier.
    Quelques commentaires :
    - d'abord une petite erreur chronologique, Willy Brandt a quitté la Chancellerie au Printemps 1974 exactement quand Giscard arrivait à l'Elysée. Qui devait ensuite entretenir des relations très étroites avec son successeur, Helmut Schmidt. Par contre, à ce que j'ai lu, les relations entre Pompidou (non cité) et Brandt ne furent pas bonnes.
    - sur l'énergie, c'est être bien méchant que de dire que la France compte sur le nucléaire "quand il n'est pas en pause". Certes, une cascade de raisons, techniques et autres, explique qu'un pourcentage élevé de réacteurs étaient à l'arrêt cet été, mais jamais le nucléaire n'a cessé de fournit la majorité de l'électricité chez nous, et les choses se rétabliront peu à peu : j'espère trouver un prochain jour le temps de proposer un article là-dessus.
    - la leçon globale de cet article me semble qu'à un moment les gaps technologiques imposent les choix industriels, et c'est bien expliqué dans l'article concernant par exemple l'avance israélienne en matière d'anti-missiles. Mais le choix allemand de s'appuyer sur la Chine pour les voitures électriques n'est-il pas inquiétant d'un point de vue géopolitique ? Les USA ont défini que cette grande puissance était leur adversaire stratégique numéro 1, et à un moment donné certaines contradictions seront aveuglantes pour les Allemands.

    RépondreSupprimer
  3. Je remercie Georges Kabi et Jean Corcos pour leur lecture attentive et contributions qui permettent un partage d’opinions et enrichissent nos connaissances. Merci à Jean Corcos d’avoir rectifie mon erreur ( lapsus calami électronique) Je pensais evidemment Helmuth Schmidt et Giscard qui de notoriété publique avaient une proximité qui avait permis à l’attelage franco-allemand de connaitre une période relarivement prospère. En la matière on connait des attelages à double et triple paires, mais pas à 27. Ça s’appelle tirer à hue et à dia.
    On realise que le problème climatique bouleverse les équilibres, pendant que la Chine prend de l’avance dans des domaines où le monde occidental était supposé être maitre. La guerre en Ukraine s’avère etre un redoutable révélateur des rapports de forces dont on n’a pas fini de découvrir les conséquences. L’exemple de l’automobile électrique n’est qu’un exemple, mais très significatif.

    RépondreSupprimer
  4. Ingrid Israël-Anderhuber14 novembre 2022 à 08:54

    Votre conclusion : "Chaque État ayant toujours en vue ses propres intérêts bien compris."
    "Chaque Etat" peut-être à l'exception cependant de la France car la France a un président qui est d'abord et avant tout européen et mondialiste donc qui fait tout pour que la France ne soit plus française mais d'abord et avant tout européenne. Et le résultat est bien là : Continuité dans le chaos et la destruction du service public (initiée par Sarkosy, je lui accorde cela), à commencer par la destruction de l'Hôpital, de l'éducation nationale, de la force publique (police, gendarmerie) etc., la casse sociale (mauvaise gestion des aides ; suppression d'autres aides), la pauvreté, la submersion migratoire de MASSE et INCONTRÔLEE (pacte de Marrakech entre autres), le changement de régime (la France est classée et qualifiée pour la deuxième année consécutive de "démocratie défaillante) en marche vers la dictature...

    Klaus Schwab du WEF a dit de Macron "c'est un bon Guide". Pour lui, effectivement, puisque Macron met tout en oeuvre et en place pour l'instauration du Nouvel Ordre Mondial qui est sa principale préoccupation et seul but à atteindre...

    RépondreSupprimer