De tout temps, Jonathan l’avait entendu se référer à ses deux
maîtres révérés. La Fontaine pour la mise à nu des choses et des gens. Alfred
Jarry pour la mise en dérision des fausses vertus et des fausses pensées. Cette
fois-ci, pour se remettre des résultats électoraux aussi indiscutables que
contraires à ses vœux, il fit appel à leur double inspiration. Shlomo, donc, ce
grand touche-à-tout, espèce de neveu de Rameau contemporain, se planta devant
lui, le lendemain de ce vote, pour lui si funeste. Sans autre déclaration, il déclama,
«Les Grands pour la plupart, sont masques de théâtre / Leur apparence impose
au vulgaire idolâtre». Puis, sans transition, confessant la violence
du choc subit le soir précédent, à l’annonce des résultats, il proposa à
Jonathan d’être à la fois le premier spectateur et le juge d’une pièce de
théâtre, justement, qu’il avait fiévreusement imaginé pendant la nuit. Piégé,
mais aussi intéressé et vaguement amusé, Jonathan se cala dans son divan et,
royal, tapa trois fois du pied pour l’ouverture de la pièce.
Acte premier
-Mère Bubu : tout à ma légitime satisfaction, roi Bubu, je
vous vois bien content de pouvoir, enfin, de nouveau, poser votre postérieur sur
notre royal siège antérieur.
-Roi Bubu : du fait de ma chandelle bleue, Mère Bubu, je ne
suis pas content, je rayonne. Déchu par traitrise, trainé comme un brigand à deux
agorots devant un tribunal ignorant de mon rang, mi-remis en cause par des affidés
enhardis par ma semi-disgrâce, remplacé par une assemblée d’illégitimes
arrogants, chassé infâmement de ma royale demeure, contraint de te réduire au
silence toi-même, ma noble et très publique compagne, et notre bon fils sans
peur ni lois, qu’ai-je fait, ma douce, mon exigeante égérie ?
-Mère Bubu : Je sais mon roi. Tu as, patiemment, tissé ta
toile. Je connais ton cocktail. Coups de menton mussoliniens pour s’affirmer,
coups tordus pour dérouter, coups de charme pour rallier comme pour débaucher, coups
de dédain pour dénaturer.
-Roi Bubu : tout juste,
mère Bubu. Ajoute la touche finale ! L’art de dire. A ce brave peuple ce qu’il veut entendre. L’ordre,
la force, la propriété, le territoire, tout le territoire. Et l’art de
promettre à mes partenaires, ce qu’ils demandent. Postes, priorités, politique.
La religion, toute la religion.
-Mère Bubu : garde, roi Bubu ! Le peuple, oui. Ton art réussit
d’autant plus qu’il agit dans le sens du poil actuel du monde. J’entends
résonner partout le «à droite, toute». Mais, prend garde ! Toi qui te
crois trop roi de droit. Le coup de la promesse vaut pour les gogos. Il marche
pour ceux à qui il va comme un Gantz. Mais peut-être moins pour ceux qui
pensent que le droit, c’est la Droite et pas le roi qui la dicte.
-Roi Bubu : ne crains, ma douce. Je saurai bien les décerveler.
Tout comme j’ai lapidé cet impudent imposteur prétendant me remplacer ! Moi !!
-Mère Bubu : au secours ! Voilà qu’il se prend à parler
en alexandrin !
Acte Deux
-Le Lapidé : et pourtant ! Quel bilan !! En un temps
si court !! Justice sociale ! Avec des budgets pour aides
alimentaires, la prévention de la violence domestique, la revalorisation des
travailleurs sociaux, des prestations vieillesse et allocations familiales, des
allocations des rescapés de la shoah, pour augmenter les lits dans les hôpitaux
et la construction de deux nouveaux hôpitaux, pour l’intégration des personnes handicapées….
-Z fils : l’ignorant !
-Le Lapidé : économie ! Des réformes pour faire baisser
les prix en diminuant le taux de chômage, en augmentant la concurrence, en
affaiblissant les monopôles. Finance ! avec un budget, en bonne et due
forme, après trois ans, trois années d’impérities, d’immobilisme, sans budget
de la nation….
-Z fils : le crédule !
-Le Lapidé : diplomatie : des avancées historiques, avec le
sommet du Néguev pour consolider le bloc régional Israël /pays arabes et
renforcer la réponse au danger iranien, l’accord maritime et économique avec le
Liban, le redressement de l’image internationale d’Israël….
-Z fils : l’ingénu !
-Le Lapidé : démocratie ! Revitalisation du statut des
minorités arabes en légitimant leur participation à la gouvernance d’un pays
qui est aussi le leur, en rétablissant leur citoyenneté, mise en place et en
action d’un gouvernement d’union, défense de l’équilibre institutionnel entre
exécutif, législatif et justice, contrôle de la place et limitation du rôle du
religieux dans a vie publique nationale….
-Z fils : ah ! Nous y voilà !! Impudent ! Et
imprudent en plus !! Pauvres gobe-mouches ! Vous n’avez pas compris que
là, ce n’est pas la ligne verte que vous touchiez. Mais que vous dépassiez la
ligne rouge.
-Le Lapidé : et notre bilan ? Il suffit à faire passer
toutes les lignes.
-Z fils : Votre bilan ? Transparent mon pauvre. Peu
importe. Notre terre. Toute notre terre. À nous, peuple élu. Depuis la nuit des
temps. Voilà ce qui importe. Une appartenance qui ne se partage pas. Les
minorités encombrantes n’ont qu’à bien se tenir. Celles qui ne s’y tiendront
pas, ont le choix. Ad patres ou aller voir ailleurs.
-Le Lapidé : rustres !
-Z fils : quant à votre bilan. Ce fameux bilan ! Tout ce
qui ne convient pas au vrai droit, le droit religieux, il sera tout simplement
détricoté. Justice, éducation, culture, finance, indépendance, nous
revisiterons tous vos coins et recoins.
-Le Lapidé : Aveugles ! Nous ne le connaissons que trop
bien. Le roi Bubu saura bien vous réserver, comme il l’a fait pour nous, son
art du retournement.
Acte trois
-Roi Bubu : sois rassuré, mon unique douce. Mes grands alliés se retrouvent tous heureux, tous devenus ministres. La paix intérieure est assurée. Intérieure à notre gouvernement, j’entends. Les autres, intérieure ou extérieure au pays, on verra bien. Il faut bien des priorités, indeed.
-Mère Bubu : comme tu causes bien américain, mon roi !
-Roi Bubu : bien entendu, ministres ils sont. Mais, bien
entendu aussi, ministres de domaines où ils sont incompétents. Ce qui me
confère la prise nécessaire sur chacun d’entre eux.
- Mère Bubu : Quel talent !
-Roi Bubu : Au Phynances, un habitué des tribunaux
spécialisés. À l’intérieur, un inapte mal aimé des forces de terrain. À l’armée
un va-t’en-guerre ignorant militaire. A la justice….
-Mère Bubu : Alors, dis-moi vite. Pourquoi ce silence ?
Tu sais pourtant que ce domaine est pour moi, pour nous, le plus déterminant.
- Père Bubu : aussi le plus «touchy», comme dit mon
grand ami américain. Il faut à la fois, que les apparences soient sauvegardées,
et que nous sablions notre champagne en fêtant notre blanchiment.
-Z fils : ah, Bubu, roi pour les autres ! Partenaire pour
moi. Je me réjouis d’avoir entendu, clandestinement j’avoue, votre déclaration.
Elle me permet de jouer avec vous à la barbichette.
-Mère Bubu : Quelle barbichette ? ça n’est pas juste
d’écouter aux portes du pouvoir.
Z fils : Juste. Vous avez le bon mot, mère Bubu. Votre noble
époux, lui a compris. Pour que la justice réponde à vos vœux, il faudra bien
que notre liberté d’action réponde aux nôtres. Ça s’appelle «la barbichette»,
mère Bubu.
-Mère Bubu : Que te semble, mon roi ?
- Roi Bubu : J’ai de grands prédécesseurs, ma douce. Qui ont
déjà crié, «Un cheval pour un royaume». Je prends le cheval de
justice !!
Belle parodie qui s’adapte complètement à notre nouveau ( et ancien) roi. Bibi s’est allié les partis religieux pour accéder au pouvoir, il en assumera les conséquences.
RépondreSupprimerIl faudra attendre l’ambition des futurs ministres de la droite extrême sur ce nouveau gouvernement pour conclure ou pas: « tel est pris qui croyait prendre ».