ISRAËL SUR LA VOIE DE
L’EXTRÊME-DROITE EUROPÉENNE
Par Jacques BENILLOUCHE
Leaders de l'extrême-droite européenne |
Viktor Orban |
Le premier pays à
mettre l’extrême-droite au pouvoir est La Hongrie. Le
nationalpopuliste Viktor Orbán, devenu héros des extrêmes-droites du monde
occidental est arrivé au pouvoir en 2010 en rognant sur les libertés acquises.
Le code du travail a été modifié au profit des employeurs qui peuvent licencier
sur de vagues raisons. Le droit de grève a été limité et le rôle des syndicats
affaibli. Les allocations chômage ont été limitées à 3 mois et les chômeurs
dirigés automatiquement vers un travail obligatoire. La Hongrie est devenue un
paradis fiscal où les revenus des entreprises sont les moins taxées en Europe tandis
que la TVA est la plus forte d’Europe avec un taux d’imposition unique sur le
revenu. Le droit d’asile a été aboli. La théorie du «grand remplacement»
a été appliquée : «Soit nous aurons un gouvernement national, et la
Hongrie restera un pays hongrois et nous nous battrons pour une Europe
européenne ; soit nous aurons un gouvernement internationaliste, qui sera
essentiellement installé par George Soros, et alors la Hongrie deviendra un
pays d’immigration».
Le poids de l'extrême-droite en Hongrie |
Les
auteurs antisémites et pronazis ont été imposés dans les écoles ainsi que des
cours de religion en même temps que les valeurs culturelles chrétiennes,
l’attachement à la patrie et à la famille. Le contrôle des universités a été
transféré à des fondations verrouillées par le pouvoir tandis que la
presse a été reprise en main ainsi que la radio. Aucun débat politique n’est
autorisé. Une police politique, aux mains des autorités, échappe au contrôle des
juges. La Constitution sur mesure verrouille le système législatif en
appliquant des lois qui ne sont abrogeables qu’avec les 2/3 de l’Assemblée
nationale. L’histoire de la Shoah a été réécrite pour dissimuler les
responsabilités hongroises. Un seul bémol pour les Juifs, la communauté juive
orthodoxe Loubavitch a obtenu le statut d’Église officielle subventionnée par
l’État.
Jaroslaw Kaczynski |
La Pologne est l’autre cas modèle où la
droite nationaliste n’a plus jamais lâché le pouvoir. Le Mur de Berlin a
accéléré beaucoup plus vite la recomposition politique dans les anciens pays
communistes de l’Europe de l’Est. De fait, ils ont anticipé de beaucoup le
clivage politique. Comme dans la plupart des pays à l’est de l’Europe, les
anciens apparatchiks communistes se sont empressés de devenir, le plus souvent,
des «sociaux-démocrates», en embrassant la logique du libéralisme pour
se reconvertir. Jarosław Kaczyński est moins connu qu’Orban mais il est le réel
leader de la Pologne depuis plus de 10 ans. Il a pris le pouvoir à la suite de
la recomposition de son pays en deux nouveaux partis. L’un avec le libéral
Donald Tusk, dont l’affairisme a fait sombrer le parti et l’a décrédibilisé
pour un long moment. L’autre avec le PiS, le parti des frères jumeaux
Kaczyński, deux des chevilles ouvrières du fameux syndicat Solidarność.
Il s’agit donc d’une droite nationaliste et
autoritaire, qui a un discours très fort sur le social et une critique très
profonde du libéralisme permettant à la population d’adhérer au programme très
social. Mais elle contrôle tout dans le pays, les médias, la justice,
l’économie et l’Église. Les élections se succèdent et l’extrême droite gagne
toujours. Le monopole des moyens de l’État est trop fort quand il est aux mains
des populistes autoritaires. La plupart des Polonais ont approuvé les gouvernements
du PiS de Jarosław Kaczyński, surtout sur le plan économique. Des droits
basiques tels que les allocations familiales et le SMIC n’étaient pas
disponibles avant la droite nationaliste. Mais au revers de la médaille le pays
a sombré dans l’autoritarisme. Une fois
au pouvoir, l’extrême droite ne le lâche plus. Elle casse l’école, l’ouverture
de la société à l’autre, elle ment, elle manipule les médias, et ronge le pays
de l’intérieur en faisant vivre les positions extrêmes, sans qu’un débat
politique soit possible. L’extrême-droite au pouvoir ne respecte jamais les
valeurs de démocratie, de pluralisme et d’égalité. L’audiovisuel public est
entre les mains du gouvernement pour diffuser du contenu aux accents
propagandistes, frôlant parfois la caricature. L’appareil judiciaire a été mis
au pas.
L'extrême-droite en Suède |
Ailleurs en Europe, l’extrême droite gagne du
terrain. En Suède, le parti nationaliste, est devenu la deuxième force
politique. Il était impensable il y a
quelques années de voir des militants vanter ouvertement les idées de l’organisation
néo-nazie «Mouvement de résistance nordique». Le parti des Démocrates
de Suède, fondé par des nationalistes et des néonazis à la fin des années 1980,
a réalisé 20% des voix, derrière les sociaux-démocrates. Il permet à la
coalition de droite de battre sur le fil le bloc de gauche (sociaux-démocrates,
écologistes et gauche radicale). L’extrême-droite entre donc au gouvernement.
La campagne a été largement dominée par les thèmes
de l’insécurité et de l’immigration, les sujets de prédilection de l’extrême
droite. Les problématiques d’intégration des immigrés, en particulier ceux
originaires du Moyen-Orient, sont utilisées pour expliquer l’augmentation des
règlements de compte entre gangs, le plus souvent liés au trafic de drogue. À
droite comme à gauche, les partis se sont saisis de ses questions et ont durci
leurs positions sur l’immigration. La montée en puissance de l’extrême droite a
fini par submerger la digue qui la dissociait de la droite classique. La droite
conservatrice traditionnelle est en grand danger de disparaître car elle n’a pas
pris la mesure du phénomène. Pour
s’assurer une place au pouvoir, cette droite en déclin envisage désormais tranquillement
une coopération plus ou moins approfondie avec l’extrême droite. C’est la fin
du «cordon sanitaire». Il y a encore quatre ans, en Suède, il était
impensable de négocier avec les nationalistes. L’extrême-droite est désormais
présentée comme «respectable» et ses fondateurs néonazis à l’origine du
parti sont négligemment oubliés. Elle se prépare à la guerre civile en ciblant Juifs
et musulmans.
La France ne fait pas exception à cette
montée des extrêmes, avec un record historique de sièges à l’Assemblée
nationale pour le RN en avril. Seuls deux pays européens échappent e à la
montée de l’extrême droite : l’Allemagne en raison de son Histoire et le
Royaume-Uni par suite d’un système électoral uninominal à un tour.
giorgia meloni |
En Italie, les élections viennent de placer en
première ligne Georgia Meloni, cheffe du parti d’extrême-droite les Frères
d’Italie (Fratelli d’Italia). L’alliance des droites dirigée par son parti a
obtenu plus de 44 % des suffrages, une majorité claire et nette, tant à la
Chambre des députés qu’au Sénat. La nouvelle alliance comprendra une alliance
avec la Ligue du Nord, parti de Matteo Salvini également à l’extrême droite, et
Forza Italia, le parti très à droite de l’ancien Premier ministre Silvio
Berlusconi.
Cette Romaine de 45 ans qui, jeune militante, disait
admirer Mussolini, est parvenue à dédiaboliser son image et rassembler sur son
nom les peurs et les colères de millions d'Italiens face à la flambée des prix,
au chômage, aux menaces de récession ou à l'incurie des services publics. Le
prochain gouvernement devra notamment gérer la crise causée par l'inflation
galopante, l'Italie croulant déjà sous une dette représentant 150% du PIB, le
ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce. Mais l’Italie, qui a
toujours subi une instabilité gouvernementale chronique, a conclu un mariage de
raison entre trois alliés aux ambitions différentes qui donnent à la coalition
victorieuse une durée de vie limitée. Mais si la victoire de Giorgia Meloni et
de sa coalition constitue une nouvelle forte percée populiste, pour l’instant,
elle ne donne pas à penser que la solidité institutionnelle de la démocratie
soit menacée.
Itamar Ben Gvir |
En Israël, si l’on croit les sondages
d’opinions qui se sont toujours trompés, la droite de Netanyahou pourra obtenir
une majorité étriquée de 61 sièges sur 120 avec l’appoint des 12 ou 13 sièges des
deux dirigeants extrémistes Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir. Cela n’étonne
plus car depuis plusieurs années déjà l’opinion israélienne s’est déplacée à la droite de l’échiquier
politique. Netanyahou avait toujours
refusé de s’allier avec le diable Ben Gvir mais aujourd’hui il tient à revenir
au pouvoir et donc toutes les ficelles sont bonnes. Après l’interdiction de
Kach en Israël, Ben Gvir avait été inculpé à huit reprises, notamment pour
incitation au racisme et soutien à une organisation terroriste de feu le rabbin
Kahana. Pendant près de dix ans, Ben Gvir, paria politique autrefois boudé par
le Likoud et l’establishment de droite, a tenté d’entrer au Parlement israélien
mais il n’a jamais réussi à franchir le seuil des 3,25 % requis pour prétendre
à un siège.
Rabbin Kahana |
À l’approche de l’échéance du 1er
novembre 2022, Benjamin Netanyahou, craignant de perdre des voix à sa droite, a fait
pression sur le Parti sioniste religieux, pour qu’il fusionne sa liste avec
celle de Force juive (Otzma) de Ben Gvir qui est totalement opposé à toute
négociation avec les Palestiniens. Son parti est le successeur idéologique du
parti Kach, une formation suprémaciste juive et raciste réclamant l’expulsion
des citoyens arabes du pays et l’instauration d’une théocratie. Il insiste
également sur la refonte du système judiciaire israélien afin de mettre
l’accent sur les valeurs juives plutôt que sur les valeurs démocratiques, en
particulier en ce qui concerne les droits des minorités. Otzma son parti
revendique l’annexion de toute la Cisjordanie, mais sans accorder aux
Palestiniens la citoyenneté israélienne et il souhaite expulser d’Israël les
citoyens arabes «déloyaux». Il encourage les arabes en général à émigrer
afin de renforcer le caractère juif d’Israël. Le parti insiste également sur la
refonte du système judiciaire israélien afin de mettre l’accent sur les valeurs
juives plutôt que sur les valeurs démocratiques, en particulier en ce qui
concerne les droits des minorités.
Itamar Ben Gvir vu tenant une décoration de la voiture du Premier ministre Yitzhak Rabin, |
Il a fait parler de lui en 1995 lorsqu'il brandit à
la télévision israélienne l’emblème d’une Cadillac, le véhicule du Premier
ministre Yitzhak Rabin : «On est arrivés à sa voiture. On arrivera jusqu’à
lui aussi». Yitzhak Rabin sera assassiné quelques semaines plus tard par un
autre militant d'extrême droite. Avoir un parti kahaniste dans la coalition
serait une situation sans précédent en Israël, et ce serait une façon de
légitimer les opinions racistes et extrémistes d'Otzma. Les alliés d’Israël à
l’étranger s’inquiètent déjà, en particulier les États du Golfe.
En 2019, lorsqu'Otzma avait rejoint un bloc de
partis qui semblait susceptible de le faire entrer à la Knesset, le Comité juif
américain avait déclaré qu'il se sentait «obligé de s'exprimer»,
qualifiant les opinions du parti de «répréhensibles». L'AIPAC a approuvé
ces termes en disant qu'il boycotterait le parti.
Bonjour M.Benillouche,
RépondreSupprimer"Elle se prépare à la guerre civile en ciblant Juifs et musulmans". Cette phrase visant le parti des "Démocrates de Suède" n'est pas documentée. Dans The Times of Israêl du 5 décembre 2016, je lis cette déclaration de Jimmy Akesson, président de ce parti, relative à l'exclusion d'une de leurs parlementaires, Anna Hagwall, à la suite de propos jugés antisémites: " « Depuis de nombreuses années, les Démocrates de Suède oeuvrent résolument à faire cesser les courants antisémites et les théories conspirationistes dans la société. Par ses déclarations, Anna Hagwall a porté préjudice à ce travail et à l’image du parti ». Cette déclaration semble contredire votre assertion. Avez vous plus de contenu à proposer à vos lecteurs sur le parti nationaliste suédois et son supposé antisémitisme ? Merci pour votre travail.