Défilé commun Hezbollah-Hamas à Beyrouth |
Au Liban, le dernier vendredi du ramadan, le Hezbollah a organisé
une parade dans la banlieue sud pour commémorer la Journée de Jérusalem (Yom Al-Quds).
Cette année, on a remarqué des changements, des cadres dirigeants du Hamas
étaient présents. Cette participation atteste du nouveau rôle que les deux
organisations entendent faire jouer au Liban. C’est une forme de retour aux
années 1970 - 1980. Depuis 2019, le Hezbollah a utilisé les nombreuses
manifestations liées à la crise pour transformer le rôle du Liban dans le
conflit au Moyen-Orient à trois niveaux :
1/ Beyrouth devient un refuge pour les dirigeants du Hamas
expulsés. Le Hamas a initialement soutenu le soulèvement syrien, c'est pourquoi
ses dirigeants basés à Damas avaient dû quitter le pays. La plupart sont
allés au Qatar ou à Istanbul. La position du Hamas a également tendu les
relations avec le Hezbollah et Téhéran. Il y a eu un changement récent
dans la structure de direction de l'organisation : Yahya al-Sinwar, un partisan de
«l'Axe de la Résistance» dirigé par l'Iran, est arrivé au sommet de
l'organisation.
Un indice de la présence du Hamas
au Liban est l’explosion dans un dépôt d'armes présumé dans le camp de réfugiés
de Burj al-Shemali près de Tyr, le 12 décembre 2021. La presse israélienne avait,
semble-t-il, anticipé l’événement dès le 3 décembre : «le Hamas a
secrètement établi une filiale libanaise, cette filiale est basée à Tyr». Le récent
rapprochement turco-israélien met également la pression sur le Hamas.
Ankara aurait expulsé dix militants du Hamas et deux autres dirigeants se sont
installés à Beyrouth, Ziyad Al-Nakhaleh, chef du Jihad islamique, est
également basé à Beyrouth.
2/ La présence du Hamas au Liban : le responsable Hamza Shahin tué dans l'explosion – niée par le Hamas - mais dont la nécrologie publiée précise qu'il est mort durant une «mission djihadiste».
Grande réunion organisée à Beyrouth entre partisans des deux organisations |
Front uni contre Israël : De Beyrouth, Al-Arouri, l'un des dirigeants du Hamas, a déclaré en mars 2022 que «nous devons toujours tenir compte de ce que Hassan Nasrallah déclare, à savoir que les empiètements israéliens à Jérusalem pourraient conduire à une guerre régionale». Nasrallah a prononcé ce discours en mai 2021, après les affrontements entre Israéliens et Palestiniens à Jérusalem-Est. «Si les lieux saints sont en danger», déclarait Nasrallah, «les supposées frontières n'ont aucune valeur». Les experts israéliens soulignent également la probabilité croissante que les futurs affrontements dans le sud du Liban opposeront Israël aux combattants du Hezbollah, mais également aux recrues du Hamas.
3/ l’alignement entre le Hamas et les alliés de l'Iran dans la
région a changé : le Liban, l'Irak et, dans une moindre mesure, la Syrie et le
Yémen. On doit examiner les derniers attentats terroristes en Israël à travers
deux prismes.
A) Il peut s’agir d’une vague de terreur limitée mais pas
l’indication d’un changement systémique,
B) alternativement d’une
approche systémique d’une campagne orchestrée par le Hamas en coordination avec
le Djihad islamique et le soutien iranien afin de créer un front uni
réunissant les différentes factions qui engagerait une confrontation tous
azimuts contre Israël, avec le soutien iranien. En offrant refuge aux
responsables du Hamas et en invoquant constamment de manière rhétorique un
front uni contre Israël, le Hezbollah rouvre de vieilles blessures au Liban.
La nouvelle politique du Hezbollah pilotée par l’Iran envers le
Hamas, s'explique aussi par la politique étrangère de plus en plus incohérente
de l'État libanais face à la montée en puissance militaire du Hezbollah et à
ses opérations à l'étranger. Ce qui est particulièrement évident depuis
qu’en 2012 le Hezbollah est intervenu dans le conflit syrien. Ce qui a exaspéré
les tensions au Liban, dont le gouvernement tentait de maintenir le pays à
l'écart du conflit.
L'absorption des groupes d'opposition des États du Golfe par le
Hezbollah, qui a déjà établi ses propres médias au Liban et qui y organise à
plusieurs reprises des conférences de haut niveau, avait déclenché une crise avec
l'Arabie saoudite sur fond d’un profond désaccord sur la manière de gérer
l’influence iranienne.
Elle
n'a pris fin qu'au printemps 2022. Compte tenu de la situation catastrophique
du Liban, la politique du Hezbollah envers le Hamas est particulièrement
risquée et potentiellement dommageable, rendant le pays encore plus
vulnérable. Tout conflit avec Israël pourrait marquer la fin du Liban
comme État.
Jérusalem devrait anticiper et contrecarrer ce plan en adoptant
une stratégie préventive de division et de neutralisation qui demeure la seule
susceptible de lui donner un avantage décisif face à un Iran et ses affidés qui
veulent sa destruction. Les derniers conflits (11 jours en 2021) ont démontré
qu’après conclusion d’une trêve, les hostilités reprendront à terme même si
Tsahal déclare - régulièrement - avoir atteint 90% de ses objectifs. Le concept
de guerre préventive est rejeté par la plupart des pays qui se prétendent amis
de l’État hébreu car aucun d’eux ne se trouve dans sa situation. De plus la
notion de guerre asymétrique et de «réaction disproportionnée» constitue
un second motif d’incompréhension. Enfin, Israël ne peut se satisfaire des
bonnes intentions de tel ou tel gouvernement prompt à voter sa condamnation à
l’Onu ou à l’Unesco. Il doit décider par lui-même, pour lui-même et ses citoyens.
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