RadioJ – 21 juin 2022
LE COUP DE POKER DE BENNETT ET
LAPID
J.BENILLOUCHE au micro d’Ilana FERHADIAN
Il s’agit véritablement d’un coup de poker engagé par le duo Bennett-Lapid. Ils ont décidé de prendre de vitesse leurs adversaires et surtout leurs frondeurs. Nous l’avions écrit, la Knesset était devenue le lieu d’une commedia dell'arte politique où alternent les drames et les comédies. Certains députés ont voulu jouer une partition différente avec leur parti, après avoir bafoué les règles démocratiques internes consistant à respecter la discipline de vote ou à se démettre en cas de désaccord. Mais ils n’ont pas voulu perdre leurs avantages matériels, le salaire et la voiture de fonction. Alors ils ont usé et abusé du chantage sachant que leur voix était indispensable à la coalition. Pour narguer leurs dirigeants, ils ont laissé filtrer les propositions qui leur étaient faites par la partie adverse, prête à tout pour faire tomber le gouvernement. Cinq députés, de trois partis de la coalition, se sont distingués par une attitude ambiguë expliquant qu’ils ne voteraient plus les textes de lois de la coalition mais qu’ils réfléchiraient en cas de motion de censure. L’incertitude était à son comble et le couperet de la dissolution était brandi comme arme ultime.
Partie/1
Elie Avidor d’Israël Beitenou a exigé un poste de ministre en
échange de son soutien au gouvernement et il l’a obtenu. Amichai Chikli qui n’avait pas réussi l’étape
des primaires du Likoud s’est rabattu sur Yamina qui lui avait offert une place
éligible. Il a décidé de voter contre toutes les lois proposées par Yamina. Idit
Silman de Yamina a reçu une assurance pour son avenir au Likoud et pour celle
de son époux. Elle a laissé planer le doute sur son vote de censure. Michael
Biton, de Kahol-Lavan, conteste lui-aussi la politique gouvernementale mais il
s’est engagé à ne pas voter la censure. Enfin la candidate
Meretz, Ghaida Rinawie Zoabi, s’accroche à son poste en se revendiquant d’abord
arabe pour soutenir les siens et en envisageant de voter la censure parce
qu’elle n’approuve plus la politique arabe de son gouvernement. Cela était trop
pour la coalition qui gouvernait depuis quelque temps avec une épée de Damoclès
au-dessus de la tête.
Partie/2
Alors Bennett et Lapid ont pris l’opposition par surprise en décidant eux-mêmes de la dissolution de la Knesset. Ils ont estimé le moment propice pour cette manœuvre pour plusieurs raisons. Benjamin Netanyahou avait annoncé qu’il n’était pas encore prêt et qu’il ne conseillait pas à ses troupes de présenter une motion de censure qui n’avait aucune chance d’être votée. En effet, en cas d’échec aucune autre motion ne pouvait être représentée dans un délai de six mois. Par ailleurs une fronde s’est levée au sein du Likoud, sous la conduite de l’ancien chef de la Knesset, Uri Edelstein, qui estime que le Likoud ne pourra jamais retourner au pouvoir tant que le leader reste Netanyahou. Les nombreux sondages confirment effectivement que le Likoud et ses alliés atteignent difficilement les 60 députés, soit encore une situation de blocage.
Les chefs de la coalition s’entendent parfaitement entre eux et il n’y a jamais eu de rivalité ni de conflit entre eux. Chacun s’occupe de son ministère en toute indépendance. Avigdor Lieberman et Benny Gantz gèrent les affaires publiques avec efficacité. Bennett et Lapid estiment que leur gouvernement n’a pas démérité et que les électeurs leur donneront acte de la réussite dans leurs actions. Ils ont vaincu le Covid parmi les premiers pays dans le monde. Le chômage a été éradiqué. Pour la première fois depuis 2008, le déficit budgétaire est à zéro à savoir que le gouvernement dépense exactement ce qu’il prélève en impôts, sans aucun déficit. Il a stabilisé la situation sécuritaire face à Gaza qui n’a plus envoyé de roquettes depuis plusieurs mois au point qu’à présent plus de 30.000 ouvriers gazaouis passent la frontière pour travailler en Israël afin de donner une bouffée d’oxygène économique à une population arabe sacrifiée par ses dirigeants.
Mais le point nouveau est la recomposition du paysage politique à venir et il fallait ne pas donner à l’opposition le temps de réagir et de s'organiser. Un nouveau venu entre en scène en la personne de l’ancien chef d’État-Major, Gadi Eizenkot, qui a décidé d’entrer en politique contre le Likoud. Sa réussite dans la réorganisation de l’armée la rendu très populaire et son origine marocaine peut lui permettre de drainer vers lui une partie de l’électorat séfarade du Likoud. Des regroupements de petits partis sont prévus.
Lapid et Bennett sont des grands joueurs et ils misent gros sur cette décision. Ils jouent à quitte ou double. Ils veulent que les électeurs décident de ce qui est bon pour le pays et non pas pour ce qui est bon pour un clan. Les frondeurs seront tous punis et ils risquent de ne pas retrouver leur poste de député, à force de vouloir trop exiger en se croyant indispensables.
La surprise de la dissolution a été totale car elle a été décidée par le gouvernement lui-même et elle a pris de court l’opposition prise dans son propre jeu de menaces systématiques. Les électeurs arbitreront. C’est le principe dans une démocratie moderne.
Bibi pourrait etre vainqueur des prochaines elections et aussitot prendre des mesures anti-democratiques ne permettant pas a l'opposition de le menacer, a annuler ou a reporter a la saint-glinglin ses comparutions a la justice tout en modifiant le systeme judiciaire israelien. Bibi, democrate au debut de sa carriere politique a trouve en Trump et surtout en Poutine des enseignements correspondants mieux a sa personnalite et l'histoire politique de sa famille. Il est fort possible que Bibi, arrive au pouvoir, changera le systeme politique israelien en une democrtie "forte" pour ne pas dire dictatoriale. Le pari risque de Bennett et de Lapid pourrait s'averer vain et conduire ses auteurs a l'emprisonnment sous le chef de "haute trahison". Bibi a prouve tres efficacement sa puissance politique et cela aura un echo dans les resultats de la prochaine election legislative (et peut-etre probablement la derniere).
RépondreSupprimerVous n’avez pas évoqué l’avenir des partis arabes aujourd’hui dans la coalition gouvernementale, le resteraient ils selon vous ?
RépondreSupprimerLe systme electoral en Israel est tel qu'il a oblige, pour la premiere fois, de faire appel a un parti arabe. Pour eviter une nouvelle experience, il faudrait changer le systeme electoral, mais pour cela ul faut une majorite speciale, et ce changement n'est pas du gout des petits partis qui risquent de disparaittre, et non plus de Bibi pour qui la fonction de Premier Ministre est primordial pour effacer les accusations dont il est "victime" et sortir de ses casseroles blanc comme neige. Alors, un parti arabe fera partie de la prochaine coalition gouvernementale qu'elle soit dirigee par Bibi ou par un autre.
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