JÉRUSALEM OU LES RETOMBÉES DU CONFLIT FATAH-HAMAS
Par Jacques BENILLOUCHE
Drapeaux du Hamas à Jérusalem |
Manifestations en Jordanie le 22 avril 2022 pour Jérusalem |
La Hamas a compris l’intérêt de provoquer des troubles au moment où les
trois religions monothéistes célébraient en même temps leurs fêtes, la Pâque, Ramadan
et Pâques. Par ce biais, il s’agissait ni plus ni moins que de fragiliser la
coalition israélienne car les islamistes ont toujours préféré la droite
radicale au pouvoir pour mieux justifier leur ligne dure et pour forcer le
parti Raam à suspendre son soutien au gouvernement. Le Hamas combat le Fatah et lutte pour sa prise du pouvoir en Cisjordanie. Ces troubles
affaiblissent l’Autorité palestinienne accusée de collaborer avec les services
sécuritaires israéliens.
Mais cette montée de violence prouve que le Hamas est devenu puissant en
Cisjordanie, à la limite d’y prendre le pouvoir, et qu’il conditionne la
participation de Raam à la coalition israélienne. Une preuve s’il fallait en
donner une, lors des manifestations à Jérusalem, les drapeaux palestiniens
étaient peu brandis ; en revanche les drapeaux verts flottaient à
Al-Aqsa le 22 avril. La position
sournoise du Hamas est difficile à comprendre car il a passé ses dernières
semaines à négocier par l’entremise de la médiation égyptienne pour éviter la
même guerre que l’an dernier. Mais il a conclu que l’escalade de la violence servait
plus ses intérêts sans prévoir que le gouvernement allait montrer sa fermeté et
menacer le Hamas de représailles sévères en tant que responsable de Gaza. L’excuse
du djihad islamique agissant seul en réchauffant les esprits ne tenait plus car le Hamas contrôle Gaza et toutes les factions islamistes.
Le premier ministre a décidé «d’agir dur» tout en limitant la
confrontation. Il a mis les choses au point face à l’affirmation de CNN «qu’Israël
avait commencé la confrontation à Al-Aqsa». Il s’est expliqué devant cette erreur de jugement : «Ma responsabilité en tant que Premier ministre
d'Israël est d'assurer la liberté de prière à tout le monde à Jérusalem, y
compris les musulmans, c'est pourquoi j'ai dû envoyer des policiers pour
chasser les émeutiers. Et cela a fonctionné. En effet, 80.000 musulmans ont
ensuite prié pacifiquement. Alors, vous savez, face à la violence, il faut agir
avec fermeté».
Le député Itamar Ben Gvir à une «Marche du drapeau», qui devait atteindre la Vieille Ville de Jérusalem le 20 avril 2022 |
Cette déclaration a rassuré la droite nationale et l’extrême-droite
israélienne puisqu’elle prouvait que le gouvernement ne montrait aucune
faiblesse et qu’il était prêt à aggraver d’un cran sa réaction face aux
manifestants, tout en s’abstenant de déclencher des provocations. Bennett a aussi
été ferme vis-à-vis du député d’extrême-droite Itamar Ben Gvir qui avait décidé
d’une marche des drapeaux israéliens à travers la porte de Damas et qui a été
interdit de manifestation. Le risque d’un embrasement de la situation était
évident. Netanyahou n’avait jamais osé se confronter à ses extrêmes qui lui
assuraient sa majorité.
Mansour abbas et Ayman Odeh |
Mansour Abbas, qui soutient ouvertement la coalition de Bennett, a évité le
clash en décidant de se mettre provisoirement en retrait du gouvernement, sans
le quitter formellement. Il ne pouvait pas faire autrement face à la pression
considérable du Conseil de la Choura, l'autorité religieuse de Raam, et des
députés de la Liste arabe unie qui font partie de l’opposition. L’expérience
politique de Mansour Abbas lui permet de jouer sur les deux tableaux en continuant de soutenir Bennet sans trop le montrer. Il attend que les tensions s’estompent à
Jérusalem pour rejoindre à nouveau la coalition.
Mais le maitre des horloges est évidemment le Hamas qui joue gros. D’ailleurs
le gouvernement vient de décider la fermeture du passage de contrôle d’Erez,
empêchant ainsi les centaines de camions quotidiens de ravitailler Gaza et les
dizaines de milliers d’ouvriers de traverser la frontière pour travailler en
Israël. Le Hamas est ainsi convaincu qu’il a un prix à payer. Il a mesuré les
risques et, même si Haniyeh déclare «nous sommes au début de la bataille»,
sa rhétorique est violente mais son action est pleine de retenue. Lui aussi
subit la pression des radicaux du Djihad islamique qui veulent en découdre avec
Israël, trouvant dans ces troubles une opportunité pour justifier la «résistance».
Camions au passage d'Erez |
Tsahal a immédiatement réagi en bombardant des usines militaires à Gaza,
vidées de leurs ouvriers, à titre d’avertissement. Israël a montré qu’il ne se
croiserait pas les bras, surtout après la mort de 15 israéliens dans des
attentats. Il a intensifié ses opérations dans le fief du terrorisme, à Jénine,
où le Hamas est particulièrement implanté face à un Fatah impuissant. Tsahal n’a
pas ménagé les moyens pour aller à la recherche des armes et des terroristes.
Comité ministériel arabe 22 avril 2022 |
La Jordanie, qui gère officiellement Al-Aqsa et dont le rôle reste la
défense des Palestiniens, s’est trouvée contrainte d’intervenir beaucoup plus
pour élever la voix que pour réprimander Israël. Pour se couvrir vis-à-vis de
ses alliés arabes, elle a organisé le 22 avril 2022 à Amman une réunion du Comité
ministériel arabe chargé de Jérusalem où figurent les nouveaux alliés d’Israël,
à savoir le Maroc et les Émirats. Les
délégués ne pouvaient pas faire moins que de «condamner fermement les actions israéliennes».
Le roi Abdallah II, gardien des lieux saints musulmans et chrétiens de la ville
de Jérusalem, doit tenir compte des 60% de sa population d’origine palestinienne,
sans cependant décider de l’ultime sanction, la rupture des relations diplomatiques.
Al-Sissi père et fils en tenue militaire |
Israël de son côté a joué de prudence en décidant de ne pas imposer de
bouclage de la Cisjordanie pendant Pessah, ce qui aurait empêché les Arabes d’aller
prier à Al-Aqsa. De leur côté, les pays arabes ont montré beaucoup de retenue
pour ne pas envenimer la situation et pour maintenir les excellentes relations
avec Israël. On le doit aussi aux
multiples interventions discrètes de l’Égypte qui intervient comme intermédiaire
diplomatique. Une nouvelle personnalité égyptienne vient d’ailleurs d’émerger
en la personne de Mahmoud Al-Sissi, chef adjoint de la Direction générale des
renseignements égyptiens et fils du président qui dirige les négociations. L’Égypte
ne se décourage pas et considère ces péripéties de Jérusalem comme un accident
de parcours qui ne pourra jamais remettre en cause sa volonté de parvenir à un
accord définitif entre Israël et le Hamas.
Pic-nic pacifique arabe de Ramadan à Al-Aqsa |
En fait, Israël se trouve impliqué malgré lui dans la rivalité entre le Fatah et le Hamas pour le contrôle de la Cisjordanie et des énormes subventions financières en provenance du monde entier. Le président de l'AP Mahmoud Abbas refuse d’envoyer à Gaza l’aide internationale qui lui revient et le Hamas se trouve donc contraint de se rappeler régulièrement au bon souvenir de l’opinion mondiale pour la pousser à réagir.
À votre avis, ou plutôt avezlvous des informations, M. Benillouche, sur une implication russe ou iranien dans ce « réchauffemen »t ?
RépondreSupprimer@Jabeau l'influence de l'Iran est permanente à Gaza surtout auprès du djihad islamique. En revanche la Russie n'a pas de raison d'intervenir en Israël.
RépondreSupprimer