POUTINE N’A PAS SU EXPOSER PACIFIQUEMENT SES ARGUMENTS
Par Jacques BENILLOUCHE
Il est difficile de justifier
l’agression russe contre l’Ukraine et surtout la guerre qui en a découlé. D'ailleurs Israël, en restant neutre, veut comprendre le cheminement absurde de Poutine vers
un conflit pratiquement généralisé entre le monde occidental et la Russie et refuse de condamner le leader russe. Sauf à le considérer comme fou,
qu’il n’est pas même s’il en a tous les symptômes, ses motivations s’inscrivent
dans l’histoire des relations des États-Unis avec les pays de l’Est. Le
déclencheur des évènements a été certainement le sentiment de faiblesse affiché
par Joe Biden et sa volonté de désengagement hors du Moyen-Orient et des
théâtres de guerre, désengagement mené de manière méthodique sous Obama, puis
dans la confusion sous Trump.
Poutine a pu ainsi se présenter
comme une alternative à l’ordre défini durant des décennies depuis Washington.
Mais loin d’être en mesure de restructurer la région sur de nouvelles bases
post-américaines, la Russie est revenue à sa politique d’un classicisme
éprouvé, voire suranné : le recours à la force militaire contre toute forme
d’opposition. Ce fut d’abord la Syrie en grande partie rasée, puis à présent
l’Ukraine détruite sous les bombes. Poutine n’aurait certainement pas agi ainsi
face à Donald Trump dont les réactions auraient été toutes aussi imprévisibles.
Tout est parti de la décision,
inspirée par Poutine, du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, de reconnaître
l'indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République
populaire de Lougansk, le 21 février 2022. Poutine a alors prononcé un discours
vidéo, annonçant la reconnaissance en tant que pays indépendants de ces deux
entités. En fait depuis l’entrée en fonction de Joe Biden, le jeu géopolitique entre
les États-Unis et la Russie s'est intensifié via l’Ukraine.
En raison de son statut
géopolitique unique, l'Ukraine favorise une rivalité à long terme entre les deux
grandes puissances mondiales sous forme «d’effet papillon», le battement
d'ailes d'un papillon en Ukraine peut provoquer une tornade en Amérique ou au
Moyen-Orient. Les États-Unis veulent utiliser l’Ukraine comme un pion pour
contenir la Russie, ce qui a pour effet d'affaiblir l'Europe en tant que
continent.
Les Russes considèrent leur
intervention en Ukraine comme un acte de défense pour éviter de se retrouver
avec des têtes nucléaires au sud de Moscou et ils refusent l'ingérence
politique de l'UE car elle sape l'espace géopolitique de «l'Union
eurasienne» dirigée par la Russie. Les présidents des cinq pays
membres de la Communauté économique eurasiatique (CEEA) ont signé le 10 octobre
2014 à Minsk l'accord de dissolution de la CEEA, qui cède sa place à l'Union
économique eurasiatique (UEEA) en 2015 et qui regroupait la Biélorussie, la
Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan. Il s'agit d'un projet
conçu pour réaliser l'intégration des marchés et des ressources des pays de la
CEI, qui ont redéfini le statut de la Russie en tant que puissance régionale.
Mais l'Ukraine, qui dispose d'une base manufacturière et de production très
solide, est le maillon le plus critique.
Depuis le début de l'année 2014,
l'Ukraine, un pays à peine visible à l'époque, est entrée au centre du débat
mondial. En février 2014, le parlement ukrainien a renversé le président
légitimement élu, Viktor Ianoukovitch, ce qui a entrainé de nombreux troubles
dans la région. Avec l'intervention des forces militaires russes, la Crimée a
déclaré son indépendance et a rejoint la Fédération de Russie par
référendum. Dans l'est de l'Ukraine, un mouvement séparatiste a suscité le
déclenchement de la guerre civile. Le pays est devenu incontrôlable. Mais ce
conflit a explosé en conflit entre la Russie et les États-Unis. La guerre
civile ukrainienne, qui s’en était suivi, a été en fait une guerre par
procuration entre la Russie et les États-Unis.
On sait à présent que les États-Unis
ont été les planificateurs de la révolution de février 2014 et les soutiens externes
du régime ukrainien face à l’influence russe qui cautionnait le référendum en
Crimée et le mouvement séparatiste à l'Est. L'ancien
président Obama l’avait officiellement admis. La Russie avait fourni des
armes et du matériel aux séparatistes russes tandis que les États-Unis et
l'OTAN avaient envoyé de nombreuses armes et du matériel de guerre aux forces
gouvernementales ukrainiennes. Des mercenaires occidentaux avaient même infiltré
les forces gouvernementales ukrainiennes entrainées par les Américains.
160 soldats américains qui entraînaient les forces ukrainiennes |
Le conflit feutré entre la Russie
et les États-Unis en Ukraine est à présent au premier plan. Les États-Unis, qui ont formé les troupes du gouvernement
ukrainien, ont prévu d'envoyer au moins 300 soldats en Ukraine mais temporisent
pour ne pas envenimer la situation. La question ukrainienne est le tournant du
conflit à long terme entre la Russie et l'Occident. À la suite de l'implosion de l'Union
soviétique, la Russie avait tenté de s'intégrer au monde occidental dans le
cadre de la politique d'occidentalisation radicale d'Eltsine. Durant ses deux
premiers mandats, Poutine avait poursuivi ses efforts pour forger des liens
étroits avec l'Occident. Sous l'administration de George W. Bush Jr., la Russie
a fermement soutenu la stratégie antiterroriste des États-Unis et a consacré de
nombreuses ressources diplomatiques au renforcement des relations avec
l'Occident.
Dans un discours de l'OTAN,
Poutine avait déclaré : «nous n'avons rien à gagner de la confrontation avec
le monde. La Russie est de retour dans le courant dominant des nations
civilisées. Elle n'a besoin que de sa voix pour se faire entendre
; les intérêts nationaux de chacun sont respectés». Néanmoins, une
Russie capable de développer son influence vers les pays voisins de la CEI, en
étant progressivement devenue une force dominante, ne pouvait être tolérée par
les Américains. Rien n’a évolué sachant que les États-Unis ont ignoré leur
engagement vis-à-vis de la Russie selon lequel l'OTAN ne s'étendrait pas vers
l'Est lorsque le Pacte de Varsovie serait dissous. Progressivement, les
États-Unis érodaient la marge de manœuvre et la sphère d'influence de
l'ex-Union soviétique.
Des décisions américaines ont été
interprétées comme une provocation. L'Europe
de l'Est et les États baltes ont été inclus dans l'UE et l'OTAN. Bush a annoncé
son retrait unilatéral du traité américano-russe sur la limitation des systèmes
de missiles antibalistiques et au contraire a mis en place des systèmes de
surveillance anti-missiles et radar couvrant l'ensemble du territoire de la
Russie, de la Pologne à la République tchèque, au détriment de l'équilibre
nucléaire stratégique entre les deux pays. Parallèlement à ces faits, les
États-Unis ont tenté de contrôler les régimes des pays de la CEI par
l'infiltration politique et en provoquant des émeutes
anticonstitutionnelles. En 2003, les États-Unis avaient soutenu le
Géorgien pro-occidental Saakachvili dans son ascension au pouvoir. De 2004
à 2005, ils ont emboîté le pas en Ukraine, soutenant le gouvernement
Iouchtchenko. La Russie, qui à l'époque reprenait des forces, a adopté une
attitude plus patiente et modérée, freinant les protestations et les
contre-mesures contre les stratégies offensives américaines susmentionnées.
Aux yeux du gouvernement de
Poutine et de la plupart des Russes, cependant, le comportement américain
ignore complètement les préoccupations sécuritaires russes et continue de
comprimer et d'affaiblir l'espace stratégique russe pour sa survie et son
développement. Avant le déclenchement du conflit ukrainien, la base de la
confiance stratégique dans les relations russo-américaines avait depuis
longtemps disparu au fil des ans.
La crise ukrainienne est devenue
le déclencheur de la détérioration rapide des relations russo-américaines,
transformant ainsi la tactique défensive de la Russie envers les États-Unis,
d'une résistance modérée en un avertissement factuel sévère, alors que les
États-Unis ont contesté la ligne de fond stratégique du gouvernement Poutine en
deux façons.
La Russie estime ne pas pouvoir rester
inactive face à la situation politique dans laquelle l'Occident contrôle sa
zone tampon stratégique environnante, permettant ainsi à l'OTAN de s'étendre
vers l'Est jusqu'aux pays de la CEI pour, selon Poutine, menacer la sécurité de
ses frontières. Il ne veut pas donner aux États-Unis une possibilité de faire
de l'Ukraine une tête de pont militaire pour contenir et menacer la Russie avec
les armes nucléaires à ses frontières. L'expérience
historique de l'intégration des trois pays baltes (plus la Géorgie) dans le
système occidental et l'inquiétude sécuritaire de la Russie face à l'inclusion
de l'Ukraine dans l'OTAN sont évidentes, car une fois que le gouvernement
ukrainien s'est entièrement tourné vers l'Occident et s'est mis au service des
États-Unis, il ne peut plus être aussi indépendant et non aligné qu'avant.
Mais quels que soient ses
arguments, en aucun cas Poutine ne peut justifier la destruction d’un pays, la
destruction de toutes ses infrastructures économiques, ses infrastructures
industrielles et la mort de centaines de civils. Le drame est que la Russie ne sait pas
discuter autrement qu’avec des armes.
@M. Benillouche
RépondreSupprimerVos deux dernières phrases sont pertinentes et justes. On peut trouver des tas de raisons à Poutine, vous éclairez sa politique. Gardons aussi en tête que :
1/ le modèle qu’il propose aux pays qui entourent la Russie à l’Ouest, vers l’Europe, ne leur convient visiblement pas
2/ il ne le supporte pas et propage une vision civilisationnnelle et nationaliste qui est devenue dangereuse car comme vous le dites, il fait la guerre sans état d’âme.
3/ la Syrie ne rentre pas dans le schéma européen et la Russie s’y est conduit sauvagement.
4/ il s’est conduit aussi sauvagement en Tchétchénie.
Certains le défendent avec passion : vous avez un cœur et ce qui se passe avec des civils en Ukraine est insupportable.
Dans le présent et moralement Poutine a tort de détruire un pays, mais politiquement et historiquement, il a raison, l’Ukraine et la Russie c’est un même pays, une même langue, une même religion. Zelenski s’est mis dans une fâcheuse position de nationaliste ukrainien, ce qu’il n’est pas, étant lui même russophone
RépondreSupprimerSion, Zelinskyy n'est pas seulement russophone, mais aussi juif (entierement casher)! Si ca fonctionne atuellement en Ukraine, nationaliste et traditionnellement antisemite meutrier, c'est parce que l'Ukraine inclue de nombreuses minorites (tout comme la Russie d'ailleurs).
RépondreSupprimerZelinskyy parle aussi tres bien l'ukrainien (labgue intercomprehensible avec le russe et le bielorusse. Et ce n'est pas un hasard si la Bielorussie s'est impliquee, quoique discretement dans l'actuel conflit, se rangeant derriere Poutinre.
Zelenskyy reclame des USA des armes, de blindes et des avions, et tant est des missiles aussi.Joe Biden veut bien ebvoyer quelques missiles sol-air, quelques fusils et des munitions mais il n'est pas pret d'entrer en guerre avec la Russie. D'ailleurs, il a envoye Bennett pour tater le terrain, meme si celui-ci est un inconnu total dans le monde.
Perso, je suis contre l'aide militaire a quelque pays que ce soit. Humanitaire? Oui, Accueil de Refugies meme non-Juifs oui, mais pas plus. D'ailleurs les autres pays en font encore moins. Qu'est-ce que fait Macron?
J'ai écouté une analyse intéressante, qu'a proposé un général français. Il explique qu'en 1991, avec l'effondrement de l'URRS, l'OTAN n'avait plus de raison d'être, puisque son but était initialement de protéger l'Occident de l'expansion du communisme. Seulement voilà, à l'intérieur de cette structure, il y avait une centaine de hauts-fonctionnaires très bien payés, qui se sont dits : "Si l'OTAN disparaît, nous allons perdre notre job ! Nous devons donc faire perdurer l'OTAN pour garder nos privilèges (hauts-salaires, hôtels, voyages, voitures, etc.)" Naturellement, le complexe militaro-industriel américain les y a encouragés. Ils se sont donc employés à convaincre les nouvelles petites Républiques ex-soviétiques à s'agréger à l'OTAN... Et le résultat est là ! Poutine a cru qu'il y avait menace, alors qu'il s'agit d'un épouvantail visant à conserver à une centaines de types leurs avantages. La Thora ne dit pas autre chose quand elle affirme qu'un seul homme s'écartant du droit chemin peut faire beaucoup de mal. Alors, quand ils sont une centaine...
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