MANSOUR ABBAS, L’ISLAMISTE ISRAÉLIEN QUI MONTE
Par Jacques BENILLOUCHE
Mansour Abbas à la mosquée Al Aqsa |
Personne en Israël ne
connaissait Mansour Abbas sauf pour l’avoir vu défiler avec ses trois amis de
la Liste Arabe. Netanyahou l’a sorti de l’ombre en lui proposant une place dans
son gouvernement pour compenser les voix qui lui manquaient, ouvrant ainsi la
boite de Pandore donnant la possibilité à un député arabe de
soutenir ou de participer à un gouvernement israélien. Le Likoud n’en a pas
profité et c’est le quatuor Bennett, Lapid, Gantz et Saar qui a trouvé le moyen
d’être absous de toute trahison en nommant Abbas ministre délégué au cabinet du
Premier ministre, chargé des Affaires arabes. Ce dentiste de formation a montré
ses capacités d’expert politique puisqu’il a provoqué un bouleversement de la
politique israélienne.
Oussama Saadi, Ayman Odeh, Ahmed Tibi et Mansour Abbas |
Leader du parti islamiste
Raam, il a été le premier homme politique arabe à avoir un réel impact en tant
que bon négociateur, bon orateur et député courageux capable de transcender
tous ses collègues de la liste unifiée dont les plus connus et les plus actifs,
Ayman Odeh et Ahmed Tibi, devenus ringards aux yeux des Arabes. Il a imposé une
nouvelle voie dans la politique israélo-arabe. Il a compris que les deux
millions d’Arabes israéliens devaient jouer un rôle plus important dans le pays
en tant que citoyens à part entière. La droite avait toujours intérêt à les
laisser sur la touche pour ne pas être gêné dans sa politique au sein des
Territoires. C’est cette même droite, incapable de constituer une majorité à la
Knesset, qui a décidé de courtiser le vote arabe en particulier à Nazareth.
Pendant des années, Benjamin Netanyahou a imprimé l’idée que les citoyens
arabes d'Israël ne devaient pas être autorisés à participer au jeu politique. Il les avait accusé de tricherie dans les votes. Mais il avait besoin d’eux. Alors subitement, il a visité des villes et des villages
arabes, non prévus à son ordre du jour, sous prétexte de parler du Covid. Après avoir commencé sa tournée dans les
centres de vaccination des villes de Tira et d'Um al-Fahm, il s’est rendu le 14
janvier 2021 à Nazareth, la plus grande ville arabe du pays. Il a rencontré une
délégation de maires arabes et leur a annoncé que «dans les prochains jours
il publierait un vaste programme de lutte contre la violence et la criminalité
dans le secteur arabe, avec un financement important pour le soutenir». Abu
Yaïr (le père de Yaïr) avait montré la voie.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu en visite à Nazareth le 13 janvier 2021 |
Le Likoud avait marqué son opposition à la volonté de Bibi d’attirer Abbas
à ses côtés ce qui a poussé le député arabe dans les bras de Naftali Bennett et de Yaïr
Lapid. Netanyahou a alors été contraint de revenir à ses antiennes, la vieille
accusation selon laquelle le parti Raam est lié au mouvement Hamas.
Mais c’est là qu’intervient l’ascension d’Abbas qui a compris qu’il devait
agir dans les négociations budgétaires. Il a monnayé ses sièges au prix le plus fort. Il a obtenu 9,6 milliards$ pour le développement socio-économique des
communautés arabes, 800 millions$ pour un plan national sur la criminalité et
la violence dans les villages arabes, la création d’une nouvelle ville bédouine
dans le Néguev et la reconnaissance de trois villages illégaux que l'État
refusait de doter d'une structure de planification et de placer sous juridiction
municipale.
Mansour Abbas avec le roi Abdallah II de Jordanie lors d'une réunion au Palais Royal d'Amman |
Abbas sait exploiter son exposition médiatique comme ce 9 novembre où il s’est
donné des galons. En effet, il a rencontré le roi Abdallah de Jordanie, certes
avec l’accord du premier ministre. Il s’est présenté comme le porte-parole des
Arabes israéliens et incidemment des Arabes palestiniens. Il a d’ailleurs félicité
le roi qui soutient la création d’un État palestinien. Par ailleurs il a appelé
l'administration américaine à faire avancer la réouverture d'un consulat à
Jérusalem pour les affaires palestiniennes, malgré l'opposition du gouvernement
en affirmant : «les États-Unis ont déjà reconnu Jérusalem comme la
capitale d'Israël, il serait donc approprié d'avoir un équilibre. Si cette
étape contribue à instaurer la paix, tant mieux». Abbas prenant trop de
place, Bennett, accusé par Netanyahou de «brader Israël dans une vente pour
cessation de service», a été
contraint de préciser qu’Abbas se concentrerait uniquement sur les affaires
civiles.
Mais Mansour Abbas reste le
principal bénéficiaire des événements de ces dernières semaines car il a amélioré sa position
politique à la fois en Israël et auprès des États arabes. Cependant il a donné
des arguments à la droite israélienne qui en manquait pour attaquer le
gouvernement. Mais, en tant que chef d’un parti islamiste lié aux Frères
musulmans, il reste un objet de suspicion pour de nombreux Israéliens juifs.
Au moins quatre députés de la Knesset, l’ont qualifié
de «partisan de la terreur». Ayelet Shaked évite de le croiser dans les
couloirs de la Knesset. Les choses vont presque aussi mal du côté adverse. La presse palestinienne le décrit
régulièrement comme un traître qui a créé un «gouvernement de Vichy» parce
qu’il se concentre plutôt sur l'amélioration des conditions pour les citoyens arabes
d'Israël proprement dit, en négligeant ceux de Cisjordanie. D’ailleurs il se
sent en danger physiquement car, bien qu'il soit profondément pieux, il a cessé d'assister
aux sermons à la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, par crainte pour sa sécurité.
Mais il persiste à dire «qu’il est temps de créer une réalité qui fera de
nous, citoyens arabes d'Israël, un pont de paix entre les deux peuples».
Vidéo du le cheikh Abdullah Nimar Darwish
Dans ses discours il se veut pragmatique et évite tous les sujets qui
fâchent comme le terme «occupation». Mansour est né en 1974, le cinquième de onze enfants. Garçon timide,
corpulent et bien élevé, il excellait à l'école, même s'il était un peu clown.
Durant ses études dentaires, il se lança dans l'étude nocturne du Coran, apprenant plus de six mille
versets par cœur. En un an, il était devenu imam dans une mosquée près de chez
lui. Son maitre le cheikh Abdullah Nimar Darwish, qui se qualifiait de «soldat de la
paix», avait fondé en 1971 le Mouvement islamique en Israël, une
ramification idéologique des Frères musulmans. Après sa libération de prison pour fait de terrorisme en 1984, Darwish avait commencé à prôner la non-violence et à prêcher une interprétation plus
tolérante de l'islam. Cela explique certainement le positionnement actuel de
Mansour Abbas. Darwish avait alors sa philosophie : «Nous devons vivre dans nos maisons dans un pays
auquel nous appartenons depuis le début, c'est maintenant l'État d'Israël. Nous
prendrons donc tous nos droits, nous ferons le maximum pour notre communauté et
nous n'enfreindrons pas la loi».
À l'Université hébraïque de Jérusalem, il a passé son temps à de l’activisme
politique mais, contrairement aux autres militants, il a abordé les problèmes pratiques locaux plutôt que les questions internationales palestiniennes, à savoir les
logements et le financement des études pour les étudiants. En 2010, nommé chef
adjoint du Mouvement islamique, il a imposé des élections démocratiques tous
les quatre ans et a ouvert les rangs à plus de femmes. De ce point de vue, il était l'antithèse du Fatah. Touché par le virus de
la politique, il a suivi un programme de maîtrise en sciences politiques à
l'Université de Haïfa.
la ministre de l'Intérieur Ayelet Shaked annonçe que Maghar devient la première ville druze d'Israël, 26 octobre 2021 |
Père de trois enfants, sa femme enseigne l’anglais au lycée local de Maghar, ville à majorité druze où habite Abbas, au nord d’Israël. Alors que les partis de la Liste arabe unie, idéologiquement disparates et très politisés, étaient unis dans leur soutien aux droits des Palestiniens et dans «leur résistance à l'occupation israélienne», Abbas en revanche, se concentrait sur l'aide aux Israéliens arabes pour éviter que les «villages deviennent des camps de réfugiés».
Mansour Abbas présidant une séance de la Knesset |
À la Knesset, il préside deux commissions, dédiées au secteur arabe et aux questions de criminalité et de violence, et agit en tant que vice-président. Il reste très impliqué auprès de ses électeurs qu’il visite en permanence ce qui l'éloigne de son domicile. Abbas a fait de l'éradication du crime et de la violence dans les communautés arabes son thème phare. Il a déclaré la guerre aux soixante mille hommes arabes travaillant pour la mafia, des trafiquants de drogue aux usuriers et aux collecteurs d'argent de protection. Les affiches de campagne d'Abbas comportaient un message en trois mots : «Réaliste. Conservateur. Influenceur». Il peut considérer aujourd’hui qu’il a réalisé sa mission. Son avenir politique et son éventuelle réussite dépendront de la durée de vie du gouvernement israélien actuel.
Qu'est-ce qui justifie l'étiquette d'"islamiste" qu'on lui colle ? Est-il affilié aux Frères Musulmans ? Si oui, comment peut-il y cohabiter avec le Hamas ? N'est-on pas entrain de confondre "musulman pratiquant" et "islamiste" ? N'est-ce pas de là que procède la confusion ?
RépondreSupprimerUn islamiste, sauf erreur de ma part, c'est quelqu'un qui se sert de l'Islam comme d'un instrument de conquète.
Oui, Harry est membre des Freres Musulmans. Il evite d'en parler, ce n'est pas politiquement correct. Et les projets de loi de l'actuel gouvernement ne sont pas toujours soutenus par lui et sa liste. L'immense majorite des Arabes israeliens a depasse le stade de la resolution genocidaire, ils veulent avancer, prosperer et peut-etre, un jour, jeter les Juifs a la mer.
RépondreSupprimer