Najiib Mika premier ministre du Liban |
Lorsque la maison du voisin brûle, peut-on rester
stoïque ? Le Liban, était un beau pays qu’on appelait la Suisse du
Moyen-Orient. Il y avait des jours et des nuits. C’est le passé. Désormais ce
beau pays est entré dans une nuit sans fin. Les parrains d’hier se montrent
impuissants ou indifférents. La répartition des pouvoirs entre féodaux
politiques et le Hezbollah a fonctionné jusqu’à ce que la corruption en vienne
à bout. Les Libanais ont découvert que la classe dirigeante est une des
vedettes des Pandora Papers avec 346 noms. Les hauts responsables y sont tous
présents, dont le premier ministre Najib Mika, l’un des hommes les plus riches
du pays, qui a déclaré : «La richesse ne s'accumule pas forcément au
détriment du bien public».
Le Hezbollah à la manoeuvre contre la milice chrétienne à Beyrouth |
Au moment où le réseau de services sociaux du
Hezbollah se réduit en raison de problèmes financiers dus en partie aux
sanctions américaines, où l'idée de résistance a perdu de sa force depuis que
le Hezbollah est intervenu dans la guerre en Syrie aux côtés de
Bachar-el-Assad, où l’identité chiite semble perdre de son poids, Hassan
Nasrallah, en prenant l’initiative, s’est relancé et se présente en sauveur. Il
a décrit un plan détaillé sur la façon dont une milice sous sanctions
américaines enverra des pétroliers de carburant sanctionné par les États-Unis.
Le Hezbollah envisage d'utiliser une filiale pour
vendre du carburant iranien. Cette violation pourrait (en pure théorie)
déclencher des sanctions contre le Liban. Le Premier ministre libanais a
déclaré que les importations de carburant iranien constituaient une violation
de la souveraineté du Liban, sans aucune autre action. Tout le monde aura
compris.
L'ambassadrice américaine au Liban Dorothy C. Shia et le président Michel Aoun |
La classe politique jouit du statu quo qui permet au
Hezbollah de poursuivre sa croisade permanente contre Israël. La réplique
américaine est venue par la voix de son ambassadrice au Liban, Dorothy Shea,
qui a révélé que les États-Unis «travaillaient en étroite collaboration avec
les gouvernements égyptien, jordanien, libanais, ainsi qu'avec la Banque
mondiale, pour trouver des solutions durables en matière d’approvisionnements
énergétiques»
Après avoir réuni à Amman, la Jordanie, l’Égypte, le
Liban et la Syrie, les États-Unis veulent alimenter le Liban avec du gaz
égyptien et de l'électricité jordanienne. Un plan a été défini pour acheminer
le gaz égyptien via la Jordanie et la Syrie via l'Arab Gas. Pipeline (AGP). Une
autre partie du plan consiste à fournir de l'électricité à partir du réseau
jordanien. On sait déjà que ces propositions seront insuffisantes. Faut-il
comprendre que le président Joe Biden n’a rien de mieux à proposer ?
En somme, les États-Unis réunissent les voisins du
Liban, sans Israël le grand absent, et concoctent un projet dans lequel la
Syrie trouve un rôle éminent qui lui permet de réintégrer l’échiquier régional
avec la bénédiction de facto des États-Unis, alors que Washington affirme ne
pas soutenir le régime. Comprenne qui pourra. Les livraisons de carburant
iranien consolident l'image du Hezbollah.
Pour l'Iran, expédier du carburant au Liban est le
signal d'une nouvelle vision de sa politique étrangère. Selon Sina Toossi,
analyste de recherche au Conseil national irano-américain (NIAC) : «l'Iran
veut devenir une puissance régionale et neutraliser les effets des sanctions
imposées en augmentant les échanges avec ses voisins». La stratégie du nouveau
président iranien Ebrahim Raïssi se concentre sur la région et l'augmentation
de son interdépendance économique. Cependant, si les États-Unis n'appliquent
pas les sanctions, cela indiquera que Joe Biden pense obtenir une reprise des
pourparlers sur l'accord nucléaire avec l’Iran qui serait «sur la bonne voie»,
à moins qu’il ne veuille faire pression sur Israël.
Pendant le clash entre milices qui a fait plus de six morts |
La Maison Blanche, en soutenant les propositions de
fournitures de gaz et d’électricité, crée une situation ambiguë en impliquant
la Syrie qui a déjà exprimé sa disponibilité pour ce plan. De plus elle
renoncerait aux sanctions imposées à Bachar Assad selon la loi César. L'implication
syrienne sera perçue comme le fait que les États-Unis tendent la main à la
Syrie, qui était exclue de l'équation du monde arabe et serait soudainement
remise sur le devant de la scène. En outre, la Syrie tirerait un avantage
politique en laissant passer du gaz et de l'électricité sur son territoire,
mais ferait des profits. L’interconnexion Syrie-Liban prendrait quelques mois,
si elle est réalisée. Persisterait néanmoins le risque que Damas coupe l'accès
au gaz en cas de différend avec Beyrouth ou Washington.
Nasrallah a obligé Washington à choisir entre deux
options lourdes de conséquences : Soit
ne pas tenir compte des importations de carburant, que les navires accostent au
Liban ou en Syrie, cette option démontrerait une incohérence certaine des
États-Unis en violation de leurs propres règles, soit, imposer des sanctions au
Liban. Ce qui renforcerait la théorie du complot, véhiculée par le Hezbollah,
selon laquelle les malheurs du Liban sont le résultat direct d'un embargo. Les
deux options supposent que des événements comme une action militaire
israélienne ou un sabotage, des facteurs que Nasrallah a anticipés dans le
cadre de l'équation de dissuasion du Hezbollah, n'aient pas lieu. Le Hezbollah
tirera avantage des livraisons de carburant ainsi que de toute réaction
américaine ou son absence comme un succès pour ses propres partisans et ceux de
ses alliés.
En fin de compte, Les propositions iraniennes et
américaines seront exploitées par les différentes factions. Plus dangereusement,
l’initiative du Hezbollah poussera les Libanais à s'appuyer sur des enclaves
clientélistes sous son influence. Sans un gouvernement crédible pour mettre en
œuvre des réformes durables du secteur de l'électricité et négocier un montage
financier avec le FMI, la chute n’en sera que plus dramatique. Le Liban
continuera d'être utilisé, coincé entre la volonté du Hezbollah de déplacer le
pays vers l'Est et l’absence d’action des pays occidentaux, Amérique en tête. Le
président américain aurait-il déjà décidé de laisser la place libre à l’Iran
dans la région contre une reprise des pourparlers de Vienne devant les
tergiversations iraniennes ? On peut le craindre, quand des sénateurs
américains en visite au Liban le mois dernier déclaraient chercher «des
moyens de remédier au facteur de complication des sanctions américaines contre
la Syrie».
La Maison Blanche ne semble pas avoir voulu
impliquer Israël ; qui pourrait jouer un rôle, dans son exercice diplomatique
très solitaire et peu convaincant alors que c’était peut-être une occasion de
trouver une solution entre les deux voisins et la mise à l’écart du
Hezbollah. Pour cela faut-il encore en
avoir la volonté. Combien de temps encore Israël pourra-t-il rester passif
devant la menace grandissante que représentent le Hezbollah et son parrain de
Téhéran ?
non NON non ... Ceux ne sont les oignons d'ISRAËL. laissons le travail a Samir Geagea
RépondreSupprimerMonsieur Moritz,
Vous demandez : « Israël doit-il et peut-il sauver le Liban ? »
Or poser la question en ces termes laisse penser que la fin du Liban est déjà programmée, et que, à qui répondrait « oui » au premier membre de votre phrase ( doit-il ? ), le second (peut-il ?) induira l’idée qu’il ne le pourra pas.
De plus on devine que pour vous, une fois que la mort du Liban aura été actée, ce ne sera de la faute de personne, car en filigrane vous nous dites bien qu’Israël, ni ne devait, ni ne pouvait, sauver le Liban.
Avec mes regrets pour le Liban.
Chere Madame Arnaud, j’ai souvent l’occasion d’apprécier votre perspicacité et votre sagacité. Cette fois je pense que vous m’avez mal lu.
RépondreSupprimerIsraël ne peut en aucun cas etre indifférent à ce qui se passe chez son voisin. Quand on a le Hezbollah et l’Iran à quelques kms de ses habitants comment le pourrait on ? Ensuite, on voit clairement que la diplomatie américaine fait le choix de ne pas associer son allié (?) son partenaire à la situation de ce voisin. C’est une occasion manquée.Les Libanais méritent de vivre en paix avec leur voisin Israélien. On voit bien que l’Amérique essaye de monnayer en payant le prix fort sa position dans cette configuration pour tenter de ramener le nouveau président iranien à la négociation de Vienne. Apres la guerre civile de 1975, l’explosion du port et la crise dramatique actuelle, ce seront encore et toujours les simples citoyens qui subiront. Dans le même temps la classe politique continuera a profiter de la situation, business as usual et les parrains d’hier continueront à faire des déclarations aussi nombreuses que stériles.
Bien cordialement,.
Monsieur Moritz,
RépondreSupprimerSi j’accepte sans fausse modestie les compliments que vous me faites, permettez-moi d’en user, une fois de plus, pour vous demander en quoi votre réponse irait à l’encontre de ce que j’ai écrit ?
Tout ce que vous dites est juste et clair : mais au moment où L’Amérique se détourne du Moyen-Orient, et alors que l’Iran, selon toute probabilité, n’activera pas le Hezbollah contre Israël, ne serait-ce qu’à cause de sa supériorité aérienne, Israël ne sera-t-il pas automatiquement amené à considérer le Liban comme un pays agresseur, du fait précisément, de la puissance du Hezbollah au Liban ?
C’est en tous les cas la thèse de plusieurs chercheurs dont l’historien Olivier Hanne ou Jonathan Spyer chercheur associé à l’Institut d’études stratégiques de Jérusalem (JISS).
Et si vous me permettez encore une question, puisque vous évoquez l’explosion du port de Beyrouth, comment expliquez-vous que l’enquête sur cette catastrophe ait pu être abandonnée ?
A qui pourra-t-on faire croire que les « services israéliens » - dont M. Benillouche nous a cent fois vanté ici, la haute technicité - puissent ignorer les tenants et les aboutissants de ce véritable acte de guerre perpétré à leur porte ?
Cordialement vôtre.
Je ne pense pas que le Liban doive être considéré "automatiquement" comme un agresseur par Israël, même si les différends sont importants. Je ne sous entend rien de pareil. Accessoirement, les 2 pays discutent sur la délimitation des champs de gaz off-shore.L'anarchie organisée qui y règne perdure de par la volonté des puissances, qui pourraient intervenir, de s'abstenir. Israël a proposé son aide à plusieurs reprises. Israël a du gaz, des medicaments, des hôpitaux qui accueillent aussi des patients gazaouis, libanais, syriens, jordaniens, pourrait fournir de l'electricité. Les féodaux n'en veulent pas et préfèrent continuer leur commerce.
RépondreSupprimerOn voit mal le Hezbollah laisser sa place sauf si on y met les moyens, pas seulement Israël. Je rappelle au passage qu'en France, cette organisation terroriste est hors la loi pour sa "branche militaire" et comble d'hypocrisie, elle a pignon sur rue pour sa branche politique !
Cordialement F. Moritz
PS. L'enquête sur l'explosion du port marque le pas, car le Hezbollah et l'entourage du président ne souhaitent qu'on mette en évidences leurs responsabilités. Le juge en charge est ciblé par le Hezbollah. On peut même craindre pour sa vie. C'est aux Libanais de traiter l'enquête pas à Israël.
RépondreSupprimerNasrallah vient de declarer qu'il disposait de 100,000 combattants. C'est un avertissement a Israel, et des dispositions militaires ont ete prises des la semaine derniere pour defendre plus efficacement la frontiere nord.
RépondreSupprimerMonsieur l’Anonyme - qui évoque : « les dispositions militaires » prises par Israël pour « défendre plus efficacement sa frontière nord » - aurait pu ajouter : "et ce qui est fait n’est plus à faire" puisque le port de Beyrouth a déjà été explosé !
« Israël doit-il et peut-il sauver le Liban ? »
RépondreSupprimerEn théorie, « Israël doit et peut sauver le Liban »
S'il ne l'a pas fait à ce jour, c'est parce qu'il n'a pas trouvé de levier crédible au Liban, gangréné par la corruption
Depuis l'assassinat de Gemayel, la démission de toute opposition a permis au Hezbollah de s'emparer du pouvoir dans sa totalité, sans partage.
S'il apparaît un début de résistance et d'organisation, autour de Samir Geagea qui s'associerait au camp sunnite, alors, Israël peut considérer que la situation pourrait changer. Et envisager favorablement "d'intervenir" enfin dans un jeu qui s'ouvre, favorisé par le chaos économique et l'extrême précarité sociale du Liban.
Sans tenir compte de l'attitude des États-Unis qui a définitivement perdu toute crédibilité.