NAFTALI BENNETT, MIRACULÉ POLITIQUE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Smotrich, Netanyahou, et Ben Gvir avec au second plan Mansour Abbas |
Netanyahou l’a
toujours traité par le mépris car il ne supportait pas les nombreuses trahisons de
celui qui fut son directeur de cabinet. Au Likoud, une levée de boucliers voulait
empêcher Bennett de reprendre du service tandis qu’Ayelet Shaked multipliait
des exigences anomales pour ne pas sauter le pas. Elle n’avait pas oublié que
Bennett l’avait abandonnée en rase campagne quand il fut nommé ministre de la
Défense sans qu’il ait levé le petit doigt pour exiger un portefeuille pour
elle. Parce qu’on lui a proposé un rang éligible sur la liste du Likoud avec un
portefeuille ministériel à la clé, celle qui se croit la Dame de fer a
longtemps hésité à accepter sa participation à un gouvernement Lapid, entrainant même la sécession
au sein de Yamina.
Bennett, souvent qualifié de piètre politique, d’homme
inconstant dans ses décisions et sans aucune vision d’avenir a cependant décidé
de rejoindre une coalition hétéroclite de la Droite, du Centre et de la Gauche
dans un positionnement qui ne manque pas de culot. Il a obtenu ce qu’il voulait
parce que ses sept voix, qu’il a monnayées au prix fort, étaient indispensables
à la coalition anti-Bibi. L’audace a payé. Ses amis sont sonnés par «ce
petit garçon qui a des prétentions» selon la définition du leader des religieux
orthodoxes séfarades. On l’accuse aussi d’avoir mis la kippa le jour où il était allé
à la conquête du Parti National Religieux moribond. D’ailleurs son épouse est
une vraie laïque.
Mais il a des atouts qui
font de lui un candidat recherché, à savoir son origine américaine grâce à des
parents de San Francisco, natifs de Pologne. Il a passé une grande partie de
son enfance aux États-Unis dont il détient la citoyenneté ce qui représente un
avantage quand on dirige un gouvernement israélien. Parler la même langue que
les grands alliés et connaitre la finesse américaine facilite les contacts
entre hauts dirigeants.
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Bennett sayeret maatkal |
Bien qu’il n’ait
laissé aucun souvenir mémorable au sein de l’unité d’élite Sayeret Maatkal, il
avait été modelé par le frère de Netanyahou, Yoni, mort lors de l’opération Entebbe
en 1976. Cette mort l’avait marqué ce qui l’avait poussé à ne pas faire carrière
dans Tsahal. Il a certainement gagné car modeste officier, il réussira mieux dans
les affaires grâce à sa startup de cybersécurité Cyotta, créée à New-York en
1999 et revendue en 2005 pour 145 millions de dollars. Il confirmera ainsi que
contrairement à d’autres politiciens, il n’a pas choisi la voie de la Knesset
pour faire fortune. Mais un bon entrepreneur ne fait pas forcément un bon
dirigeant politique et pourtant il a fait des sacrifices : «J’aurais pu
finir ma vie à boire des cocktails dans les Caraïbes. J’ai troqué la sérénité
des plages turquoise pour le vacarme de la Knesset». Il faut lui en savoir
gré.
Il doit totalement sa carrière politique à Netanyahou. En effet en 2006, il fut son chef du bureau de campagne qu’il abandonne deux ans plus tard pour être le chef des «colons», le Conseil de Yesha, acronyme hébreu pour Judée, Samarie, Gaza. Opportuniste, il devint leur leader sans jamais habiter la Cisjordanie mais une belle villa de Ra’ananna, au nord de Tel-Aviv. Il militait alors pour le Grand Israël et Ehud Barak n’hésita pas à le traiter de «clown à la tête d’un parti nationaliste délirant qui sent le fascisme». Termes très durs qui ne représentaient pas la réalité d’un homme certes opportuniste.
Cependant ce petit bonhomme fut
plusieurs fois ministre, ministre de l’Économie, ministre des Affaires
religieuses, ministre de la Diaspora, ministre de l'Éducation et enfin ministre
de la Défense. On ne pourra jamais lui enlever cette qualité de savoir
rebondir. Éliminé de la Knesset en 2019, il fut limogé de son poste de ministre
de l’Éducation par Netanyahou qui en profita pour se débarrasser de lui. Ce fut
d’ailleurs une erreur politique car le meilleur moyen de neutraliser un
concurrent sérieux est de lui octroyer un strapontin ministériel pour le
réduire au silence. Bibi en paie les conséquences aujourd'hui.
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Ministres du nouveau gouvernement |
Ambitieux au point d’être
prêt à tous les renoncements, il a accepté de collaborer avec le parti
islamiste Raam de Mansour Abbas ce qui a déçu une grande partie de ses
électeurs de droite et surtout les ultras orthodoxes qui se sont déchainés :
«Tu as vendu ta terre et ton peuple pour ton siège, traître à Israël». D’ailleurs
la police a dû protéger les deux leaders de Yamina dans un pays qui a connu l’assassinat
d’un premier ministre. Israël file un mauvais coton alors qu’il était qualifié
de seul pays démocratique du Moyen-Orient. Le bruit des armes et l’assassinat politique
semblaient pourtant être les ingrédients des seules dictatures des potentats arabes et des dictatures d'Amérique du Sud.
Il est temps qu’un nouveau gouvernement multicolore change le cours des choses
et remette le pays sur les rails de la démocratie. Un dirigeant ne peut pas
être nommé à vie et ne peut pas encourager ses amis, le président de la Knesset en l’occurrence,
à mettre des bâtons dans les roues de l'opposition pour retarder l’alternance. Il faut être fair play et reconnaitre sa défaite. Les Israéliens
doivent rester unis pour faire face aux défis de la pandémie pas encore jugulée, de la crise économique
naissante et de la sécurité du pays.
1 commentaire:
C’est signé paraît-il, quand est-ce que le parlement approuvera ? Quand est-ce que ce nouveau gouvernement entrera en fonction ?
Merci
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