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attentat tours |
Pas à dire. Il avait bien la tête de l’emploi. Lèvres minces
tombantes, yeux enfoncés sous des sourcils fournis, joues creuses mal rasées. Épaules
rentrées et démarche lente. Tout y était. Racheté par un sourire soudain,
surprenant, enfantin presque. Qui accompagna cette fois, sa citation d’Isaac
Asimov, son maître en nihilisme, «Souviens-toi toujours, tu es absolument
unique. Comme tout le monde». Citation qui suivit sa déclaration initiale «L’intégration,
c’est un leurre pur beurre. Une des bonnes intentions qui pavent l’enfer». Déclaration
qui intervenait, elle, dans le cadre du débat que Jonathan, poussé par
l’actualité, avait proposé à son groupe, «l’islam est-il soluble dans la démocratie ?».
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Matin du 11 septembre |
Supportrice de l’apriorisme négatif du personnage, la brune
assistante médicale l’incita à délivrer à tous son point de vue. C’est tout
simple. Le sourire survint de nouveau. Il expliqua. L’islam pense qu’il est
la religion universelle. Et obligatoire. Il arrive comme un boulet dans un jeu
de quilles, où chaque quille s’estime la plus légitime sur son territoire. Plein
de raisons. Frustration de la fin de domination ottomane. Révolte contre
l’Europe, l’imposition de son pouvoir et de sa culture. Refuge dans la
perpétuation du monde ancien, par refus obligé du monde nouveau. Impératif de
la soumission. Qui par osmose, doit s’imposer aux autres univers culturels, par
définition antagonistes.
C’est ce qu’on a tort de vouloir nier. Le choc des civilisations. Partout.
La destruction des tours de Manhattan. Le terrorisme en Europe. Tentative de
califat et développement de Daesh au Moyen-Orient. La volonté de destruction
d’Israël et l’enfourchement de l’antisémitisme. La dissémination de la terreur
en Afrique.
Comme un peu tout le cercle s’y attendait, la jeune prof de Yoga, se leva. Blondeur et vigueur. Moquée parfois, «tout il est beau, tout il est gentil», toujours écoutée cependant pour un positivisme argumenté. La généralisation, elle, est simpliste. En premier lieu, déterminant, l’assimilation de l’islam à l’islamisme est un raccourci hallucinatoire. Toutes les religions produisent des excroissances extrêmes, porteuses d’absolutisme, violence, délire dominateur. L’islam comme les autres, pas plus que les autres.
Deuxièmement, chaque point d’affrontement a sa singularité. Les avions qui traversent les tours de New York, ont pour rampe de lancement une situation géopolitique à bandes multiples. Le terrorisme islamiste en Europe, et en particulier en France, s’ancre sur deux bases majeures. Le tissu de mafia et de réseaux de drogues qui le porte et le nourrit. L’absence d’une stratégie d’intégration : accueil, apprentissage de la langue, éducation civique et culturelle, logement et emploi. Génératrice de ce vivre ensemble effectivement vital. Évitant le réflexe primaire du tout répressif. La métastase lente de l’islamisme africain se développe sur un terreau de pauvreté, sous-développement. La double lecture de l’histoire, l’affrontement de deux religions sœurs ennemies, la collision de deux religions de la terre, se conjuguent pour ce front contre front arabes/Israël. Qui se prolonge avec l’antisémitisme islamiste.
Cette généralisation d’un phénomène multifacettes conduit abusivement
à hisser une dérive essentiellement religieuse au rang de choc de civilisation.
Au moment même où l’interdépendance économique, culturelle rapproche les
civilisations les unes des autres. Tout ne va pas pour le mieux dans le
meilleur des mondes, mais rassurez-vous, en démocratie, rien n’est jamais
perdu !
Les regards se tournèrent vers le participant arabe, directeur
d’école, fin lettré, pratiquant musulman, marié à une Française, réservé, ouvert,
souriant. Qui, se déclarant partie directement prenante du sujet de débat, reconnut
d’emblée que le partage entre pessimisme et optimisme lui paraissait difficile
à trancher. Il lui revenait à l’esprit ce que sa femme lui avait dit un jour, pour
le décontracter : «Je n’ai rien contre les étrangers. Le problème, c’est
que d’une part ils ne parlent pas français. Et que, selon le pays où l’on va, ils
ne parlent pas le même étranger». Précisant ensuite que c’était une
citation de Coluche.
Ce qui l’amena à témoigner, son mariage faisant foi, que si l’on
sait éviter le choc idéologique on éloigne en démocratie le risque du choc de
civilisation.
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